Tweets aux relents racistes et antisémites, soutien à Vladimir Poutine, complotisme, grand remplacement... Les profils de plusieurs candidats investis par le Rassemblement national en Centre-Val de Loire interpellent.
Quelques "brebis galeuses" et "des moutons noirs", mais une majorité de "braves gens", affirment-ils. Jordan Bardella et Marine Le Pen sont contraints de réagir après les dérapages racistes de certains de leurs candidats qui plongent le RN dans la tourmente dans la dernière ligne droite des législatives.
"En général", la commission des conflits du Rassemblement national "tape dur", a-t-elle promis sur BFMTV ce jeudi 4 juillet. Marine Le Pen fait le distinguo entre des propos "inadmissibles" qui entraîneront "très certainement des sanctions" et des "maladresses".
Au-delà du domaine du répréhensible, plusieurs candidats d'extrême droite en Centre-Val de Loire ont été épinglés sur les réseaux sociaux et par divers organes de presse. Pour la promotion de théories racistes, la critique des fondements de l'État de droit, ou pour des publications à connotation antisémite sur les réseaux sociaux.
Dans le Cher, complotisme et inquiétude de la DGSE
Dans la 3e circonscription du Cher, le duo de candidats RN, arrivé largement en tête du premier tour, fait parler de lui. Déjà car la suppléante, Julie Apricena, a été photographiée dans son adolescence avec un tee-shirt de suprémaciste blanc, comme l'a remarqué Streetpress.
Mais le candidat de la circonscription, Pierre Gentillet, a lui aussi quelques éléments à son actif. Il est un chroniqueur régulier de plusieurs médias à la ligne éditoriale identitaire, comme CNEWS et Valeurs actuelles. Il y défend, dans la deuxième moitié des années 2010, un rapprochement avec la Russie.
Une russophilie qui l'amène, en 2015, à qualifier la révolution ukrainienne de "coup d'État illégal". Il est partisan du rattachement de la Crimée à la Russie, jugé illégal par la communauté internationale. En avril 2022, après la découverte de dizaines (finalement de centaines) de corps dans un charnier à Boutcha, en Ukraine, il appelle à "la retenue", et agite l'hypothèse d'une manipulation pour faire accuser la Russie de crime de guerre. Pour lui, les Français sont "bien moins intoxiqués par la propagande russe qu'occidentale", rapporte Conspiracy Watch. Selon Le Monde, dans un article publié ce jeudi, le candidat serait "dans le viseur des services de renseignement pour sa proximité avec Moscou".
"Le Cher est un département stratégique pour la défense du pays et pour l’industrie de l’armement, écrit le Parti radical de gauche dans un communiqué de presse ce jeudi. Donner l’investiture à de tels personnages dans ce département [où l'industrie de l'armement est très ancrée, ndlr] montre que le Rassemblement national n’a non seulement pas renoncé à ses origines idéologiques et que ses liens avec Poutine restent fortement ancrés."
Le candidat Rassemblement National Pierre Gentillet ne comprend pas qu'on ne soit pas autorisés en France à dire "Les PD faut les brûler". https://t.co/ciNXuqVAwF pic.twitter.com/aZpeqJ1PFM
— Le coin des LGBT+ (@lecoindeslgbt) June 16, 2024
Toujours sur Twitter, il semble s'étonner que des Femens puissent blasphémer, mais qu'il soit impossible de proférer, dans un journal, un appel à la haine homophobe. Il est un défenseur régulier de diverses théories du complot. Comme celle de la manipulation des élections présidentielles américaines de 2020, ainsi que la théorie raciste et infondée du "grand remplacement". "Dans quelques décennies, les Européens seront minoritaires sur le sol de leurs ancêtres", écrit-il sur X (ex-Twitter) en mars 2024.
Il a donc fait de l'immigration l'un de ses chevaux de bataille. Et aux grands maux, les grands moyens, puisque, selon lui, l'État de droit semble être de trop pour combattre l'immigration. "Si demain, nous voulons nous affranchir de certains traités, de certaines normes, à la condition de mettre au pas le Conseil constitutionnel", estime-t-il dans une intervention télévisuelle. "Au nom de cette situation d'urgence, on peut mettre le droit en dessous".
En Eure-et-Loir, accusations de viol et affaire de l'IGS
Dans la 3e circonscription d'Eure-et-Loir, le Rassemblement national a investi Christophe Bay, ancien préfet de l'Aube et de la Dordogne. Deux enquêtes datées de 2021, alors que Marine Le Pen promouvait le haut fonctionnaire au sein de son parti, sont publiées par Le Monde et Libération. La première l'accuse d'avoir profité du budget de l'État lorsqu'il était préfet.
La deuxième complète le profil du désormais candidat, crédité de 42% des voix au premier tour de ces législatives 2024. Selon Libération, la carrière de Christophe Bay est émaillée par "des abus de pouvoir, des harcèlements moraux, sexuels, jusqu'à une accusation de viol". Il serait même impliqué dans l'affaire de l'IGS (Inspection générale des services, antenne de la police des polices). En 2007, plusieurs policiers auraient monté de fausses accusations de trafic de titres de séjour contre cinq fonctionnaires. Selon Libé, Christophe Bay aurait fourni, à l'un des instigateurs de l'affaire, le nom "de la personne idéale pour rendre les faux plus authentiques". Auprès du quotidien, l'ancien préfet assurait avoir "découvert cette histoire sordide après coup", et avoir été "instrumentalisé".
En Indre-et-Loire, la croisade pour le royaume de France
Dans la 4e d'Indre-et-Loire, Jean-François Bellanger qualifie de "propagande" la peinture d'un passage piéton aux couleurs LGBT à Tours. Et compare les élections européennes à une "croisade pour sauver le royaume de France". Il relaye également le site Stratpol de Xavier Moreau, spécialiste de la "sûreté des affaires", relais de la propagande russe, et évoluant dans "la complosphère francophone d'extrême droite", note Conspiracy Watch.
Dans le Loiret, racisme et antisémitisme
Direction la 6e circonscription, où le suppléant du candidat RN s'est vu désinvesti par le parti après la révélation de propos antisémites et sexistes sur internet. Anthony Zeller, le candidat principal, est lui toujours investi. En octobre 2022, rapporte Liberation (article sous abonnement), le candidat Anthony Zeller commente "C'est où ? En Afrique ?" sous une photo postée par Mathilde Panot, députée LFI de Seine-Saint-Denis sur X (anciennement Twitter).
"On ne peut pas juger un parti sur le fait qu'il y ait des personnes antisémites ou misogynes, malheureusement il y en a partout, a estimé auprès de France 3 Thomas Ménagé, député de Montargis et porte-parole du RN, mais à sa capacité à réagir à ce genre de dérapage".
Du côté de la 4e circonscription, le RN a investi Jean-Lin Lacapelle, figure historique du Front national de Jean-Marie Le Pen, au CV très fourni.
Proche du pouvoir russe, il est envoyé en Russie deux fois, en 2020 et 2021, pour valider un référendum (autorisant Vladimir Poutine à effectuer deux mandats supplémentaires) et des élections législatives. Alors eurodéputé, Jean-Lin Lacapelle est sanctionné par le Parlement européen, qui lui interdit de participer aux missions d'observation électorale de l'Union européenne. En 2020, il poste sur Instagram avec un tee-shirt à l'effigie du président russe, son "ami Vlad", écrit-il. "Nous avons eu des alliances, des affinités avec la Russie, ce fut avant l’Ukraine. Nous avons condamné fermement l’invasion russe en Ukraine", a-t-il récemment répondu à France Télévisions.
Il ne cache pas non plus ses affinités avec Frédéric Châtillon et Axel Loustau, deux anciens du GUD, groupe violent et fascisant, récemment dissous par le gouvernement. Jean-Lin Lacapelle reconnaît des "liens" avec les deux hommes. Des liens "que tout le monde a eus avec eux", assure-t-il. Il réfute, par ailleurs, avoir appartenu lui-même au Gud, une "rumeur" selon lui.
Déjà élus, climato-relativisme ou anti-IVG
Les trois députés RN déjà élus se sont eux aussi illustrés par des propos qui ont, au mieux, dérangé. Thomas Ménagé, élu dans la 4e circonscription du Loiret, a estimé à l'été 2023 que le Giec avait "tendance parfois à exagérer". Il souhaitait "tempérer" les conclusions du groupe d'experts sur le changement climatique. Des propos qui ont interpellé sur les réseaux sociaux, et ont entraîné une levée de boucliers de plusieurs climatologues. Auprès de France 3, le député a dénoncé "le procès en climatoscepticisme qu'on me fait, alors que je dis bien qu'on voit les conséquences tangibles du réchauffement climatique une phrase plus haut".
En 2018, la députée de la 3e du Loiret, Mathilde Paris, s'était fendue d'un tweet accompagné d'une échographie d'un fœtus de deux mois et demi : "Je ne suis pas un amas de cellules mais un bébé", écrivait-elle alors. "Aujourd'hui, on peut mettre fin à ma vie", ajoutait Mathilde Paris, pour qui "il est temps de lever l'omerta qui entoure l'avortement". À noter que, à deux mois et demi, un fœtus fait entre trois et une dizaine de centimètres. En France, l'avortement est autorisé jusqu'à la quatorzième semaine de grossesse depuis la loi du 2 mars 2022, qui a allongé ce délai de 14 jours.
Reste Roger Chudeau, député sortant de la 2e circonscription de Loir-et-Cher, qui s'est récemment fait remarquer pour sa sortie sur l'ancienne ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Une "Franco-marocaine" dont la nomination fut une "erreur", estimait-il, en évoquant un risque de "double loyauté" des binationaux. Marine Le Pen elle-même avait désavoué les propos de son "monsieur éducation".