Les infirmiers et infirmières de bloc opératoire étaient en grève ce mardi 25 mai dans différents hôpitaux de France pour réclamer une reconnaissance de leur travail et une revalorisation salariale. A Chartres, ils sont deux tiers du personnel à participer à ce mouvement national.
Ils se surnomment les IBODE. Rien à voir avec un nouveau robot ou un système d’intelligence artificielle, ce nom est en fait l’acronyme d’"infirmier/ infirmière de bloc opératoire diplômé(e) d’Etat".
Leur mission : préparer le matériel et les soins, prendre en charge le patient durant sa présence au sein du bloc opératoire, veiller au respect des règles d'hygiène et assister le chirurgien.
Des risques sous-évalués
Aux hôpitaux, elles sont une trentaine à exercer ce métier, comme Guylaine, proche de la retraite. Infirmière depuis 1983, elle a commencé à travailler au bloc opératoire en 1989, sans avoir le diplôme correspondant à l’époque.
Quelques années plus tard, elle décide de retourner à l’école suivre la formation spécialisée, pour pallier son manque de connaissances. "Il y a plein de choses que je savais faire, raconte-t-elle, mais je n’avais pas de détail, par exemple comment fonctionne un bistouri électrique, les risques pour le patient..."
Elle obtient son diplôme d’Etat d’infirmière de bloc opératoire en 1998. "Quand on sort de l’école, on se rend compte qu’on faisait des choses qu’on ne maîtrisait pas, qu’il y avait des risques qu’on n’imaginait même pas, donc on mettait notre carrière et surtout les patients en danger", alerte-t-elle.
3.000 € bruts en fin de carrière
Guylaine n’est pas une exception : elle affirme qu’aujourd’hui il n’est pas rare que des infirmières non spécialisées travaillent au bloc et soient "formées sur le lieu de travail pendant un an, deux ans, en doublon. C’est dangereux parce qu’il y a énormément de technologie, et ça devient de plus en plus technique."
C’est donc pour un meilleur encadrement de ce métier qu'elle a choisi de répondre à l’appel à la grève du syndicat CGT et du collectif national Inter-Blocs, ce mardi 25 mai, avec une vingtaine de consoeurs à l’hôpital de Chartres, comme le montre cette photo prise par le syndicat CGT. Ce jour-ci, toutes les interventions sont annulées sauf les urgences.
Les IBODE considèrent par ailleurs qu’elles sont injustement rémunérées. Malgré une formation de cinq ans (trois ans d’études pour être infirmière + 18 mois à 2 ans d’études pour se spécialiser au bloc opératoire), Guylaine touche par exemple 3.000 € bruts en fin de carrière, alors qu’elle et ses collègues ont "la vie des patients entre [leurs] mains" abonde Noëlle, elle aussi IBODE en fin de carrière.
Cette dernière a fait partie du personnel de bloc redéployé pendant les vagues de la pandémie, mais elle s’est sentie totalement oubliée par l’Etat : "on a eu une revalorisation de salaire de 16 € nets avec le Ségur de la Santé", souffle-t-elle, comme si ce n'était qu'une miette.
Pénibilité non reconnue
En colère, les infirmières demandent donc la reconnaissance de leur formation en master 2 et une revalorisation salariale liée au niveau d’études, à leur responsabilité, et à la pénibilité du travail. "On est debout toute la journée ou toute la nuit, énumère Noëlle, on a des patients complètement endormis donc il faut les porter, les soulever, les installer. Mais on ne reconnaît absolument pas la pénibilité physique de notre profession."
Cette pénibilité serait aujourd’hui accrue par le manque de main d’œuvre. Avec 33 infirmières, "on n’est pas assez nombreuses pour faire tourner neuf salles d’opération la journée et les urgences 24/24, assure Noëlle. On est obligé de revenir faire des heures supplémentaires extrêmement régulièrement."
Des heures qui risquent de se transformer en jours supplémentaires avec la pandémie. La moitié des opérations avait en effet été annulée pour libérer des lits et du personnel destinés au service de réanimation Covid. Or, ces interventions sont en train d’être reprogrammées.
Un effectif "aux normes"
Du côté de la direction, on nuance. "Dès lors que ce sont des métiers spécialisés, cela reste un peu plus compliqué de recruter que quand il s’agit d’une infirmière non spécialisée, admet Yvon Le Tilly directeur adjoint responsable de la communication. Il arrive parfois que, faute d’avoir des recrutements extérieurs, l’établissement favorise la formation et la promotion interne."
Mais d’après lui, l’effectif est "à peu près aux normes", même si le nombre peut apparaître "insuffisant" dès qu’il y a plus d’activités au bloc opératoire ou plus d’absentéisme.
Pas de réaction du gouvernement
Sur la question des salaires, la direction de l’hôpital se dégage par contre de toute responsabilité. "Par définition, les grilles salariales sont fixées à l’échelon national, explique M. Le Tilly. Donc l’établissement hospitalier respecte le droit de grève, on se l’explique bien dans le sens où le personnel soignant a été particulièrement sollicité durant toute la crise sanitaire. Mais on ne peut pas intervenir."
Il faut donc chercher des réponses au plus haut niveau. Le collectif professionnel Inter-Blocs a tenté de rencontrer le ministre de la Santé Olivier Véran à Paris. Visiblement sans succès vu que ce dernier est parti en visite à Avignon.
La vague bleue ?? déferle sur toute la France ???
— Collectif Inter-Blocs (@CBlocs) May 25, 2021
Les infirmiers de bloc opératoire sont en colère !@olivierveran nous snobe et on nous propose @Seb_Delescluse...
Ce mépris est inacceptable !@Sante_Gouv rdv à 13h !#StopAuMépris#RendezMoiMaNBI#journéedelutte pic.twitter.com/LlvtwCDGwr
Le ministère de la Santé n’a par ailleurs fait aucune déclaration pour l’instant sur ce mouvement national non reconductible qui s'achève ce mercredi 26 mai à 8h du matin.