L'homme a été condamné à trois mois de prison avec sursis pour des violences sur deux des quatre enfants, dont il a la garde depuis 2023.
C'est un premier tournant qui pourrait en annoncer d'autres. Depuis deux ans, Sophie Abida, mère isolée de quatre enfants, accuse son ex-compagnon de violences physiques et sexuelles sur ces derniers, témoignage des enfants à l'appui.
C'est pourtant à lui que le juge des affaires familiales confie, le 9 janvier 2023, la garde des enfants. En septembre de la même année, Sophie Abida est quant à elle condamnée à 10 mois de prison pour avoir soustrait la plus jeune des quatre, âgée de 2 ans, à la garde du père.
Stratégie de manipulation ou stratégie de protection ?
Longuement documentée depuis juillet 2022, et médiatisée nationalement, l'affaire a donc connu une nouveau développement ce 7 mai avec la condamnation en première instance de l'ancien compagnon pour violences physiques sur deux des enfants. Condamné à trois mois de prison avec sursis, il bénéficie de dix jours pour faire appel de cette décision.
"Ce jugement du tribunal correctionnel marque une rupture nette avec les décisions judiciaires intervenues jusqu'ici", analyse Pauline Rongier, l'avocate de Sophie Abida. Jointe par France 3, elle estime que cette décision permettra de prouver que la mère de famille "n'était pas dans une stratégie de manipulation, mais dans une stratégie de protection".
Pour la première fois, les enfants de Sophie sont crus par la Justice. Pour la première fois leur parole n'est pas étouffée au prétexte d'une manipulation par la mère
Pauline Rongier, avocate
Si Sophie Abida n'a pas à ce jour retrouvé la garde de ses enfants, cette décision pourrait peser dans les futures procédures. "Sa vie est entre parenthèse depuis deux ans", confie Pauline Rongier, qui confirme le "soulagement" de sa cliente. "Elle m'impressionne." Désormais, "nous espérons vivement que cette décision permettra dans le dossier de Sophie de mettre en place une protection pour les enfants", conclut l'avocate.
"Pas un tournant dans le dossier"
Mais pour Bertrand Lebailly, avocat de l'ex-compagnon, "la faible peine prononcée démontre que les faits commis par mon client n'ont strictement rien à voir avec ce que Madame Abida prétend dénoncer à longueurs de posts sur ses réseaux sociaux ou de communiqués de son avocate".
Les faits en question, "quelques fessées et tapes", n'avaient entraîné qu'un rappel à la loi au cours de la première procédure. Par ailleurs, "le tribunal l’a relaxé concernant la 3ème enfant, estimant que les faits de violence dénoncés par Madame Abida à son égard n’étaient pas établis", rappelle l'avocat, dans un communiqué envoyé à France 3. "Ce jugement ne constitue donc pas un tournant dans ce dossier."
Cette décision n’est évidemment pas de nature à remettre en cause la condamnation de Madame Abida pour la soustraction d’enfant dont elle s’était rendue coupable. Surtout, l’idée que Madame ABIDA porterait la parole de ses enfants envers et contre tous est une manipulation totale.
Bertrand Lebailly, avocat de l'ex-compagnon
Quant aux enfants, ils sont "confiés à leur père depuis maintenant 1 an et demi. Ils font l’objet d’un suivi éducatif renforcé et sont donc particulièrement bien entourés". "Les dernières expertises et le suivi dont ils font l’objet établissent que ces derniers évoluent parfaitement bien auprès de leur père où ils ont trouvé un équilibre qui garantit leur épanouissement", poursuit l'avocat, qui craint "une nouvelle vague de harcèlement" contre son client.
Un dossier où persistent les zones d'ombre
De fait, l'histoire est encore loin d'une résolution définitive, et certaines zones d'ombre persistent dans le dossier. Dans sa décision du 9 janvier, qui fait suite à une première plainte de Sophie Abida contre son ex-compagnon, le juge des affaires familiales s'était appuyé sur un rapport psychologique accablant pour la mère. Selon ce document, les quatre enfants seraient "instrumentalisés par leur mère dans le conflit qui l'oppose au père", ce dernier faisant "figure de monstre à éliminer".
Le jugement mettait aussi en avant le passé de Sophie Abida. Cette dernière avait déjà accusé un ancien compagnon d'agression sexuelle sur la fille qu'elle avait eue avec lui. Des faits pour lesquels elle avait alors été condamnée.
Une parole qui se libère, mais peine à être écoutée
En filigrane de ce feuilleton judiciaire se dessinent les failles d'une Justice bien humaine, devant laquelle les témoignages des enfants qui se disent victimes de violences sexuelles peinent à être pris au sérieux.
Pour l'avocate Pauline Rongier, la décision du 9 janvier traduisait l'utilisation, sous les termes de "conflit de loyauté" du syndrome d'aliénation parentale (SAP). Ce dernier renvoie à un "pseudo-concept" selon lequel la mère "lave le cerveau de l'enfant pour que celui-ci refuse de voir son autre parent, le père le plus souvent", décrit la Ciivise, la commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants dans son avis du 27 octobre 2021.
La parole des personnes ayant été victimes d'inceste et de violences sexuelles dans leur enfance est encore loin d'être pleinement écoutée par la Justice, s'il faut en croire les travaux de la Ciivise. Selon la Commission, moins de 7% des plaintes pour violences sexuelles sur mineur aboutissent à une condamnation.