Le film "Cash" de Jérémie Rozan débarque sur Netflix le jeudi 6 juillet, et conte la lutte des classes à Chartres, dépeint comme une Babylone contemporaine. Coincé entre plusieurs tons, le réalisateur jongle avec maladresse entre de trop nombreux personnages pour conter une histoire d'arnaque qui lui échappe quelque peu.
Une citation sur fond noir en guise d'introduction, un montage assez dynamique sur la condition précaire d'un habitant de Chartres, une voix-off qui parle de destin aux frontières de la loi. Si les Rolling Stones jouaient en fond, on pourrait presque se croire au début d'un film de Scorsese, exilé en pleine Beauce.
Mais non. Cash, qui débarque sur Netflix le 6 juillet, est un film bien français. Première réalisation de Jérémie Rozan, qui en signe également le scénario, le long-métrage suit le destin de Daniel Sauveur, jeune homme quelque peu paumé passant, de façon aussi rapide qu'improbable, de petite frappe à cerveau d'une arnaque à sept chiffres.
"T'es un vrai con, Sauveur"
Le dindon de la farce, c'est la famille Breuil, géant de la "Cosmetic valley", spécialisé dans le parfum et en quête de renouveau à l'heure des plateformes logistiques. Les Breuil sont, aux yeux de Sauveur, l'incarnation du capitalisme destructeur, celui qui accorde passe-droits et prestige. Y compris aux cons (le mot revient régulièrement dans le film). La séquence d'introduction, portrait accéléré de deux familles et de la ville où elles s'affrontent, est à ce titre une belle réussite.
D'autant que la dernière petite affaire montée par Sauveur a été mise au tapis par les magouilles des Breuil. Si bien que son plan, qui vise à écouler en secret des centaines de cartons de parfums dans le dos des Breuil, se situe tout autant dans une optique de vengeance ciblée et personnelle que dans un contexte plus large. Se débarrasser de la mafia du parfum, c'est se débarrasser de ce panneau publicitaire infâme qui cache la vue de la cathédrale. Le symbole est limpide.
Au tout début du film, la Beauce est filmée comme les grandes étendues de l'Ouest américain. Comme si, à la manière d'un western, tout était ici permis. Le réalisateur Jérémie Rozan a de l'ambition. Il ponctue son film de dialogues à la gouaille certaine, de scènes qui jouent sur le tableau de l'intime et de l'instant, tout en s'attachant à montrer de vraies trajectoires de vie. À grand renfort d'ellipses plus ou moins discrètes.
"Dans votre ville aussi, y'a des Breuil. C'est ceux qui vous écrasent d'un coup de talon."
Seulement, Cash ne semble jamais vraiment se donner les moyens de ses ambitions. Déjà, en diluant la puissance de son intrigue à travers un trop grand nombre de points de vue. En suivant les histoires entremêlées de la DRH, puis du patron, puis de l'espion infiltré, le film en oublie trop souvent son personnage principal, pourtant brillamment interprété par l'étoile montante Raphaël Quenard (récemment vu dans Chiens de la casse et Je verrai toujours vos visages).
À ses côtés, le casting fait le travail sans se démarquer particulièrement. À l'instar d'Agathe Rousselle, qui a tout pour devenir une star depuis sa révélation dans Titane, à part les rôles adéquats. Elle interprète le personnage féminin principal, qui débute comme le cliché de la femme fatale inaccessible des films de gangsters (Michelle Pfeiffer dans Scarface, Sharon Stone dans Casino...), pour devenir un faire-valoir maladroitement écrit et qui ne demandait que plus de temps d'écran.
Une bonne partie des défauts du film peuvent d'ailleurs être assimilés à de la maladresse. Celle d'un cinéaste plein de bonnes volontés, mais qui n'en est qu'à son premier film. Qui n'arrive pas forcément à se décider entre comédie pastiche du film de mafieux et vrai drame se prenant un peu trop au sérieux.
Dommage, car l'envie de bien faire crève les yeux. Et le réalisateur reste très sincère dans sa démarche. Sa version de la lutte des classes évite de peu l'écueil classique du cinéma français : le déluge de bons sentiments.
Cash, de Jérémie Rozan. 1h35. Avec Raphaël Quenard, Agathe Roussel, Igor Gotesman, Antoine Gouy, Nina Meurisse, Stephan Wojtowicz, Grégoie Colin et Youssef Hadji. Sortie sur Netflix le 6 juillet.