Une dizaine de manifestants se sont mobilisés jeudi devant un hôpital de Chartres pour dénoncer des tests osseux pratiqués sur de jeunes migrants, se présentant comme mineurs, pour déterminer leur âge. Une pratique très contestée.
Ils étaient une dizaine, en ce matin nuageux, à se déplacer jusqu'à l'hôpital Louis Pasteur du Coudray, à Chartres (Eure-et-Loir), banderoles et pancartes en main. Dans le collimateur du Collectif pour la régularisation des sans-papiers et d'Eure-et-Loir Terre d'Accueil, les deux associations mobilisées : les tests osseux pratiqués ce jeudi 6 septembre sur trois migrants originaires d'Afrique de l'Ouest. Cet examen à l'origine inventé pour soigner des pathologies pédiatriques est parfois utilisé en médecine légale pour déterminer, grâce à une radiographie du poignet et de la main, l'âge de personnes étrangères sans papiers se présentant comme mineures. Si elles sont reconnues comme tel, le département a l'obligation de les prendre en charge au titre de la protection de l'enfance. Si en revanche elles sont déclarées majeures, elles sont expulsables.
Un examen dénoncé par les deux collectifs mobilisés. "Cette pratique n’est absolument pas fiable, elle présente des marges d’erreur très grandes qui peuvent aller jusqu’à 18 mois selon les avis médicaux, explique au micro de France 3 Céline Leguay, membre des deux organisations. Des adolescents de 16 ans peuvent être très facilement déclarés majeurs à la suite de ces tests, avec des conséquences dramatiques pour eux : ils se retrouvent à la rue sans aucune prise en charge, aucune possibilité d’aller à l’école, aucune possibilité d'insertion…"
Une pratique fortement contestée
Aux yeux d'Éric Revue, chef de service des urgences de l'hôpital Louis Pasteur, cette méthode offre une "fourchette d'estimations très précises": "On peut donner une fourchette d'âge de deux ans, mais en général, c'est beaucoup plus précis, ça peut aller de quelques mois à un an", explique-t-il. Pour déterminer cet âge, les radios de la main et du poignet gauches sont comparés avec des moyennes. Et c'est là que le bas blesse. Ces normes ont été établies sur la base d'un référentiel, bâti dans les années 1930 aux États-Unis sur un échantillon d’enfants blancs et aisés.
C'est la raison pour laquelle ces tests font polémique depuis des années. En 2014, le Haut Conseil de la santé publique rappelait que "la maturation d’un individu diffère suivant son sexe, son origine ethnique ou géographique" et son régime alimentaire, et pointait le manque de fiabilité de cette méthode. L'ordre des médecins se montre lui-même circonspect, recommandant des conclusions "prudentes et nuancées" de ces examens. En août 2011, le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a aussi émis un avis très critique. Nombreux sont d'ailleurs les pays européens à l'avoir bannie. En avril dernier, le défenseur des Droits Jacques Toubon réitérait son "opposition aux examens d'âge osseux qu'il estime inadaptés, inefficaces et indignes". Elle reste pourtant pratique courante dans l'Hexagone.