Un campus de la beauté à Chartres : "Qu'on arrête de dire que les esthéticiennes sont de douces imbéciles"

Pionnière de l'ethnocosmétique, spécialiste du parfum, la présidente de la Confédération nationale de l’esthétique parfumerie vient d'ouvrir un nouveau campus des métiers de la beauté, à Chartres. 

"C’est venu de ce constat : il faut arrêter de former des jeunes à des métiers qui n’existent plus." Régine Ferrère, comme souvent, à le pied prêt à secouer la fourmilière. 

Elle vient d'ouvrir pour sa première rentrée, sa nouvelle école, un véritable campus des métiers de la beauté sur le site de l'ancien lycée Marceau de Chartres. 2500m² qu'elle veut dédier entièrement à une activité qui doit savoir se transformer "aussi vite que Google." 
 
"Il faut être à l’écoute du marché, mobiliser les marques, les distributeurs. Que tout le monde arrête de dire que les esthéticiennes sont de douces imbéciles, ou des dindes lobotomisées. Il faut, nous, que l’on soit capable de les former aux métiers d’aujourd’hui" explique Régine Ferrère. 

Actuelle présidente de la Confédération nationale de l’esthétique parfumerie, elle a vu les bouleversements de l'ère du numérique, qui modifie les comportements des consommateurs. 

"Aujourd’hui, vous entrez dans un magasin, vous demandez des conseils et puis vous allez ensuite acheter sur Amazon, donc ça pose un gros problème au niveau de la distribution. Et dans les écoles, on continue à former des esthéticiennes et des conseillères de vente à l’ancienne, mais les consommateurs ont été transformés."
 

Réinitialiser l'enseignement


Alors on évacue à grande eau les anciennes méthodes pédagogiques, place au participatif. "Il y a encore 5 ou 6 ans, le professeur rentrait dans la classe et on l’écoutait. Aujourd’hui, on n’écoute plus, parce qu’on va sur Google et en 3 minutes, on  apprend ce que c’est que la cellule. Donc c’est normal que des jeunes filles se disent : pourquoi je dois venir écouter un professeur pendant deux heures ?"

A l'IBCBS, le petit nom du campus, on fonctionne avec une plateforme numérique, où sont ouverts de modules sur différents thèmes. "Une fois qu’elles ont étudié ce thème en groupe, fait des fiches et compris certaines choses, elles viennent vers le professeur et on fait ce qu’on appelle la classe inversée."

Le professeur adopte un rôle de coach, les étudiants une attitude active, plus réfléchie. "C’est une méthode extrêmement magique. Même la biologie et la cosmétologie, des matières qu’elles abhorrent, deviennent intéressantes." 

Car les cours qui sont dispensés à l'IBCBS couvrent un large, très large spectre. Régine Ferrère insiste sur l'importance des "soft skills". "Le savoir-être, le comportement, l’adaptabilité et le fait de pouvoir travailler en équipe, ce sont des choses très importantes. Le respect de la planète, le respect d’autrui, ce sont des choses qui permettent de vivre ensemble, et de considérer qu’on fait partie de l’entreprise, au même titre que le chef." 

Cette nécessité, la directrice le tient d'un savoir empirique : les retours de son vaste réseau. "En SPA, ils nous disent : "Nous, on a des filles qui massent parfaitement bien, par contre l’accueil client c’est une tuerie, c’est pas possible". Il faut appuyer là où ça fait mal : leur donner ce savoir-faire qui va faire la différence."
 

"Et quoi, elle est noire ?" 


La différence, c'est depuis longtemps le cheval de bataille de Régine Ferrère. Dans les années 80, elle est la première femme blanche à s'adresser à la clientèle noire, métissée, asiatique.

"Je faisais de la radio le dimanche matin, les femmes pensaient que j’étais noire ! Je suis partie aux Etats-Unis pour apprendre, au Japon, pour apprendre et je me dis : comment dans un pays comme la France, alors qu’on a eu les colonies, avec tous les métissages que l’on a, on n’est pas capable de s’en occuper ? Ce sont des consommateurs à part entière !"

En 1992, elle intègre ce qu'on appelle l'ethnocosmétique au cursus de sa première école, à Paris. "Il y a une journaliste bien sentie qui a écrit : "elle a ouvert une école pour les noirs". Je lui ai répondu : "elle a ouvert une école pour les gens." C’est violent. Vous avez des distributeurs qui me disent : "Madame Ferrère, vous comprenez, votre jeune fille, elle est bien mignonne mais bon…" Je leur réponds : "et quoi, elle est noire ?"

Plus de vingt ans qu'elle tient des séminaires sur le sujet, précurseure de problématiques toujours d'actualité. "Il est normal que l’on apprenne les trois types de peau. Comment elles fonctionnent, comment elles dysfonctionnent et quels sont les services à leur apporter" 
 

"Si on n’est pas aujourd’hui conscient que, quand on sort dans la rue, on est de toutes les couleurs, je pense qu’on a raté la marche la plus importante de notre existence. La planète sera métissée ou ne sera pas, ce n'est pas moi qui l’ai dit, c'est Senghor. Quand on est une conseillère beauté, on doit accueillir une cliente sans en avoir peur. Vous allez faire un micro trottoir, vous demandez à une jeune vendeuse si elle sait conseiller un fond de teint à une femme noire, elle vous dira : "mais non, j’espère qu’elle sache ce qu’elle veut." Ce n'est pas logique", développe Régine Ferrère. 
 

Une école au parfum


Autre cours emblématique, selon la patronne, son séminaire sur le parfum. Elle y enseigne l'histoire du parfum, l'évolution olfactive à travers l'histoire, et aussi la psychologie du consommateur.

"Je ne conçois pas que l’on vende un parfum sans que l’on sache ce que c’est. C’est certainement la chose la plus difficile à vendre parce que ça appelle tellement de choses, de souvenirs qu’il y a une approche du consommateur très particulière. Quand vous voulez un parfum, vous cherchez quoi ? Et l’odeur que vous aimez, moi je la déteste, pourquoi ? Le parfum, c’est la madeleine de Proust. Quand vous avez fait ce séminaire vous vendez du parfum, et vous le vendez comme personne."
 

L'IBCBS n'a pas voulu manquer non plus le parfum de l'époque : le campus est entièrement équipé en nouvelles technologies par un partenaire, la société Corpoderm, pour 350 000 euros de machines diverses. "Les appareils sont très pointus, il faut vraiment former les personnes à cet exercice."

En cette première rentrée, l'école a attiré déjà 120 étudiants pour la formation diplômante. L'IBCBS va aussi former des professionnels déjà en poste, et même des formateurs venu d'Espagne, ou encore de Chine. 
 

La Cosmetic Valley veille 


Les efforts de la directrice ont été largement soutenus par la ville de Chartres, d'une part, très engagée pour se rendre attractive aux étudiants, mais aussi et surtout par le géant du secteur : la Cosmetic Valley.

"L'idée de venir s'installer là est évidemment connexe. Des produits de qualités comme nous les avons, pour qu’ils soient vendus correctement, il faut former des conseillères dans une école de référence. Nous sommes l’école de référence de la Cosmetic Valley."
 

Si la Cosmetic Valley gagne un vivier de travailleurs qualifiés, les élèves eux s'assurent une insertion facilitée dans un secteur qui embauche. "Il ne faut rien s’interdire, conseille Régine Ferrère aux étudiants. Un cursus professionnel n’est pas un cursus "moins", c’est un cursus "plus plus", parce que les diplômés professionnels ont une tête bien pleine, et surtout, à la sortie, un emploi. Ce qu’on peut garantir, c’est ça."
 
L'IBCBS : les débouchés
L'IBCBS veut préparer à toute la gamme des métiers liés à l'esthétique et à la beauté, y compris les plus hautes fonctions.

Les carrières accessibles après une formation à l'IBCBS : 

- Esthéticienne conseillère de vente
- Esthéticienne hautement qualifiée 
- Spécialisation : make-up artist, praticien de bien-être, conseillère de vente parfumerie...

- Manager de marque, d'établissement ou de distribution 
- Animatrice formatrice 
- Développeur à l'international, ambassadeur de marque (langues étrangères exigées) 
- ... 

Pour contacter le campus : 

Téléphone : 02 34 40 02 80
Mail : regine.ferrere@regineferrere.com 
 
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