Présidentielle 2022 : voter Macron ou s'abstenir, le douloureux dilemme des électeurs LFI

Troisième homme de l'élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a donné comme seule consigne de vote : "pas une voix à l'extrême-droite". Une instruction en forme de dilemme pour ses électeurs, qui hésitent entre l'abstention et le vote Emmanuel Macron pour faire barrage à l'extrême-droite.

"Très franchement, ça m'empêche de dormir. Quand je me réveille, j'y pense. Quand je vais dormir, j'y pense aussi." Ce qui occupe les pensée d'Agnès Cueille, co-animatrice du groupe Dreux insoumise, et d'un grand nombre de ses camarades, c'est le choix qu'ils vont devoir faire le 24 avril prochain.

À Dreux, "les gens ont vu qu'on était de leur côté"

À Dreux, en Eure-et-Loir, où Agnès Cueille porte la parole de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a fait son meilleur score de toute la région Centre-Val de Loire avec 45,27%, loin devant les 19,89% d'Emmanuel Macron et les 17,23% de Marine Le Pen. Pour les insoumis, pas de doute : il s'agit du résultat d'une campagne locale couronnée de succès.

"Les gens ont vu qu'on était de leur côté", estime la militante. "Une majorité en a marre d'Emmanuel Macron, mais ne veut pas non plus de Marine Le Pen." Et sur ce point, le maire de la ville, le LR Pierre-Frédérique Billet, ne peut pas vraiment lui donner tort : "On s'y attendait, on le sentait venir sur le terrain." En plus du talent d'orateur et du programme de l'Union populaire et de l'Avenir en commun, la victoire drouaise de Jean-Luc Mélenchon doit aussi beaucoup, selon lui, au vote de "nos compatriotes musulmans".

Depuis des mois, on agresse, on culpabilise des Français sous prétexte qu'ils ne porteraient pas le bon prénom. Au bout d'un moment, les gens en ont ras-le-bol, il faut arrêter ce délire !

Pierre-Frédérique Billet, maire LR de Dreux

Les législatives comme horizon

Après leur défaite au premier tour de l'élection présidentielle, les insoumis évoquent désormais plus volontiers les élections législatives des 12 et  19 juin que le second tour du 24 avril. "Ce n'est pas la fin de tout" insiste Agnès Cueille, qui rappelle la consigne de vote "très claire" de Jean-Luc Mélenchon : "pas une voix à l'extrême-droite." Au-delà de la seule élection présidentielle, "on est mobilisés", explique-t-elle, "à la fois pour les législatives et pour continuer les luttes sociales."

Sur le plateau de France 3 Centre-Val de Loire au lendemain du vote, Karin Fischer, présidente du groupe LFI au Conseil régional a porté le même discours, estimant que "maintenant, l'Union populaire et la France insoumise sont la plus grande force populaire, humaniste et écologique" et qu'il fallait se "projeter sur les législatives". 

Même son de cloche sur France Inter où le numéro deux du parti, Adrien Quatennens, a annoncé sa volonté "d'imposer à Macron une cohabitation" au mois de juin.

La tentation du "ni Le Pen ni Macron"

Mais le second tour continue à empêcher de dormir les Insoumis. D'un côté le président sortant Emmanuel Macron, qui depuis ses promesses sociales de 2017 "nous a montré son ultra-libéralisme, son mépris, sa violence et son soutien à l'extrême-droite" énumère Agnès Cueille. Enseignante, elle reproche aussi à LREM de mettre en œuvre la "destruction et la marchandisation de l'école". "Comment je peux voter pour ça ?"

Mais l'abstention n'est pas non plus un choix facile, puisqu'elle faciliterait la prise du pouvoir du RN. Et à Dreux, le souvenir de 1983 est encore brûlant. Cette année-là, le secrétaire général du Front national, Jean-Pierre Stirbois, ouvre une brèche à la faveur d'une élection partielle, remportée avec la collaboration du RPR, et qui fait basculer la mairie à droite.

"J'étais là, je sortais du lycée, j'étais jeune institutrice", se souvient Agnès Cueille. "Le FN, je sais ce que c'est. C'est la violence." Et si Marine Le Pen passe au second tour, elle craint le résultat de "la désinhibition de sentiments très délétères", libérés par la prise de pouvoir du RN. En d'autres termes, au-delà même du programme, le déchaînement de la violence raciste, sexiste et homophobe excitée par Marine Le Pen et, plus crûment encore, par Éric Zemmour.

On avait fait une manif pendant une réunion publique de Jean-Marie Le Pen. Il y avait d'un côté les nervis, avec le crâne rasé, les tatouages et les barres de fer, et de l'autre côté, nous, avec nos banderoles et nos slogans. Entre nous il y avait les CRS. Et quand les CRS ont chargé, ben ils n'ont pas chargés les fachos !

Agnès Cueille, co-animatrice du groupe Dreux insoumise

Entre le président sortant et Marine Le Pen, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon ont donc entre les mains les clés d'un second tour dont ils sortiront forcément déçus. Mais, inquiet pour sa réélection, Emmanuel Macron pourrait donner des gages à la gauche, par exemple en s'annonçant prêt à "bouger" sur sa réforme des retraites.

Galvanisés par les 20% de leur candidat malheureux, les militants insoumis ne sont pas prêts à se coucher. Oui, l'arrivée de l'extrême-droite au pouvoir est "un scénario possible", admet Agnès Cueille. Quel que soit le résultat du 24 avril, le troisième round sera donc décisif.

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