La campagne pour le second tour de l'élection présidentielle a déjà commencé en Centre-Val de Loire. Mais au lendemain du premier tour, quelles leçons tirer de l'effondrement des partis classiques et de la qualification d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen ?
Cinq ans après, l'affiche est la même, pourtant tout à changer. L'extrême-droite s'impose une nouvelle fois au second tour de l'élection présidentielle, au terme d'une campagne qui a vu s'effondrer les partis dits de gouvernement, qui ont façonné la vie politique française depuis 1945.
En Centre-Val de Loire, Marine Le Pen a progressé de 3 points par rapport à 2017. La candidate RN obtient 25, 86 % des voix pour ce premier tour de la présidentielle. Le président sortant, Emmanuel Macron, a progressé de 5,5 point dans la région, il obtient 28 ,53 %.
Au lendemain de ce premier tour, et à quinze jours du duel final entre les deux candidats, quels sont les enseignements à tirer de ce premier tour en Centre-Val de Loire ?
La débâcle des partis "historiques" même dans leurs bastions
S'il y a un point sur lequel tout le monde ou presque s'accorde, c'est que ça sent le sapin du côté du PS et des Républicains, les deux partis historiques de la Cinquième république. Avec 1,7%, Anne Hidalgo ne réalise même pas le tiers du score de Benoît Hamon en 2017 (6%). Une débâcle qui interroge au Parti socialiste, toujours aux commandes de la région Centre-Val de Loire après la victoire de François Bonneau en 2021, et de plusieurs villes d'importance, comme Issoudun ou Blois.
Dans la capitale du Loir-et-Cher, le maire Marc Gricourt "regrette" la contre-performance de sa candidate tout en saluant " le très bon score de Jean-Luc Mélenchon en troisième position". Les Blésois ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, en plaçant le patron de la France insoumise à quasi-égalité avec Emmanuel Macron au premier tour avec 28,53% et un écart de 35 voix. Face au risque de disparition du PS, le maire de Blois évoquait en amont du premier tour une " nouvelle formation sociale, écologiste et démocratique" et, pourquoi pas, un changement de nom. " Ça ne fait pas tout, mais changer de nom, c’est repartir sur une renaissance."
A droite, c'est aussi la crise pour Valérie Pécresse, qui termine avec 4,8% des voix. La candidate LR n'a même pas su convaincre les bastions LR de la région. A Orléans, dominée par le vote Emmanuel Macron (30,41%) et Jean-Luc Mélenchon (28,5%), la candidate LR s'est ainsi retrouvée à 5,61%, derrière Marine Le Pen, Éric Zemmour, et même Yannick Jadot.
Pour le député LR de la deuxième circonscription de l'Indre, Nicolas Forissier, c'est aussi la douche froide. "Je m'attendais à ce qu'on fasse entre 10% et 12%, sauf que la moitié des suffrages qui allaient à Pécresse est allée à Emmanuel Macron pour faire face aux extrêmes donc ce score ne reflète pas la force des Républicains". Il évoque un manque de corrélation entre le programme de la candidate, "durement attaquée car la plus dangereuse pour Emmanuel Macron", et les attentes des militants. "Maintenant je ne donne pas de consigne de vote car j'estime ne pas avoir à le faire. En ce qui me concerne, je voterai Macron".
Et il l'admet :
Si les élus du parti ne parviennent pas à se mettre d'accord d'ici les élections législatives "il y a un risque de scission qui sera lourd de conséquences.
Nicolas Forissier, député LR
Sur les réseaux sociaux, la candidate Pécresse a lancé un "appel aux dons" pour assurer la "survie financière" de l'ancien parti gaulliste. "Il ne faut pas se ravir que les partis républicains", le PS et LR, phagocytés au cours du quinquennat Macron "soient si bas", assure pour sa part Stéphanie Rist, députée LREM du Loiret. Malgré cette première victoire, les élus en marche reste inquiets face à la montée des "extrêmes".
La région Centre-Val de Loire divisée entre Macron et Le Pen
Trois départements en violet (LREM) et trois en bleu marine (RN). C'est grossièrement le découpage du vote Macron et du vote Le Pen dans la région. La candidate du RN réalise son meilleur score dans l'Indre (28,53%), suivi par l'Eure-et-Loir (28,16%) et le Cher (27,89%). Le président sortant arrive quant à lui largement en tête dans l'Indre-et-Loire (30,99%), un peu moins dans le Loiret (28,92%) et le Loir-et-Cher (27,92%).
Un espoir est né, on a une chance unique de l'emporter"
Aleksandar Nikolic, président du groupe RN en Centre-Val de Loire
Le candidat RN aux élections régionales en Centre-Val de Loire estime qu'une partie de l'électorat de Jean-Luc Mélenchon peut soutenir sa candidate, ne serait-ce que pour faire savoir "leur refus du déclin social d'Emmanuel Macron qui a entrainé beaucoup de division et de précarité". "Ca fait cinq ans qu'elle travaille à cette candidature, aujourd'hui elle est prête".
Contrairement aux années précédentes, il est cependant difficile cette fois de voir une corrélation entre l'abstention, certes plus forte qu'en 2017, et le vote d'extrême-droite. La participation dans l'Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher, entre 75 et 76%, est en effet comparable à celle de l'Indre, avec 75,07%. En revanche, le vote rural a très nettement favorisé l'extrême-droite, là où les grandes villes, comme Tours, Blois et Orléans, ont davantage fait le choix du président sortant.
Zemmour perce dans deux communes
Délaissé par les électeurs, Éric Zemmour n'a pas su convaincre, même dans la ruralité et malgré les meetings de Reconquête à Chaumont-sur-Tharonne et Salbris. Pourtant, ces déplacements en Sologne auront peut-être payé. Le vote Zemmour est en effet sur-représenté à Chambord, où il arrive en tête avec 15 votes devant Marine Le Pen, ou dans l'ancien fief de Guillaume Peltier, Neung-sur-Beuvron, où il arrive troisième avec 12,29%. Le candidat de Reconquête arrive aussi en tête dans le village de Fontgombault, dans l'Indre, avec 38,02% des suffrages.
Le meilleur score de Mélenchon est à Dreux
Si une grande partie des communes rurales a donné ses voix à Marine Le Pen, les villes ont préféré Emmanuel Macron et, plus rarement, Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de l'Union populaire arrive notamment en tête dans des bastions historiques de la gauche, comme Blois ou les cités communistes de Saint-Pierre-des-Corps et de Vierzon. Mais son plus haut score, Jean-Luc Mélenchon le réalise à Dreux, en Eure-et-Loir, avec 45,27%, très loin devant Emmanuel Macron (19,89%) et Marine Le Pen (17,23%).
"On s'y attendait, on le sentait venir sur le terrain", lâche le maire LR de Dreux, Pierre-Frédérique Billet, qui trouve toutefois un peu de consolation dans le fait de voir Marine Le Pen arriver "bien en-dessous". "Jean-Luc Mélenchon a un talent d'orateur, il a touché une partie des classes populaires", en particulier "nos compatriotes musulmans", poursuit l'édile.
"Depuis des mois, on agresse, on culpabilise des Français sous prétexte qu'ils ne porteraient pas le bon prénom. Au bout d'un moment, les gens en ont ras-le-bol, il faut arrêter ce délire !" Malgré le fiasco de la campagne de Valérie Pécresse, qui termine avec seulement 3,95% dans l'agglomération drouaise, "au second tour, on veut que ce soit Macron, sans appel", tranche le maire. "Les gens vont se mobiliser, avec entrain ou pas, mais on sera là."
Un village de 20 électeurs remporté par Yannick Jadot
Au milieu de la carte du Centre-Val de Loire parsemée de bleu foncé et de violet avec quelques communes en rouge, une commune se distingue au nord de l'Eure-et-Loir. Morainville, apparait en couleur vert. La ville a 24 habitants et 21 inscrits sur les listes électorales. Ils sont 19 à s'être rendu dans le bureau de vote du village et le candidat écologiste, Yanick Jadot, a remporté 5 voix, lui faisant remporter la commune avec donc 26,32%. "Y'a pas vraiment d'explication, on est trop peu pour qu'on puisse en tirer des enseignements" conclut le maire Bertrand de Miscault (SE).