Stupéfiants : la région Centre-Val de Loire, le nouvel eldorado des trafiquants de drogue

Avec son réseau de transport permettant de relier l'Espagne, Paris et l'Europe du nord, la région Centre-Val de Loire fait figure de plaque tournante pour les logisticiens du trafic de stupéfiants, notamment en Eure-et-Loir et dans le Loiret.

En novembre dernier, une demi-tonne de cocaïne avait été retrouvée dans un entrepôt à Nogent-le-Phaye, une commune tranquille d'Eure-et-Loir. Cette saisie, record pour la région, a confirmé l'intérêt des trafiquants pour la région Centre-Val de Loire et ses nombreuses plateformes logistiques.

"S'ils sont tous implantés ici, c'est pour une bonne raison", remarque auprès de l'AFP le directeur territorial de la PJ d'Orléans, Eric Corderot. "On a l'A10 et l'A11, ça remonte de Nantes, Bordeaux, l'Espagne, le Maroc...", complète le procureur de la République de Chartres, Frédéric Chevallier. "Il y a une capacité à être mobile par plein d'axes, principaux et secondaires, qui complexifient la lutte" contre le trafic.

L'Eure-et-Loir et le Loiret, "bases arrières" du trafic

Les organisations criminelles et leurs intermédiaires dans la logistique profitent de ce maillage pour convoyer la drogue en go-fast à travers les champs du Berry et de la Beauce. 
"L'Eure-et-Loir et le Loiret constituent une base arrière des trafiquants d'Ile-de-France pour le stockage intermédiaire des produits avant leur écoulement sur les points de deal", décrypte Corinne Cléostrate, sous-directrice pour la lutte contre la fraude à la direction générale des douanes.

Au coeur de cette zone, les services de renseignement et d'investigation s'accordent à considérer Dreux comme la  "plaque tournante du trafic de résine de cannabis".

"Des familles de Marocains se sont installées. Ils maîtrisent au Maroc une partie de la production de résine de cannabis. Les approvisionnements se font par une organisation drouaise liée à cet historique géographique", affirme Frédéric Chevallier.

A une heure trente de Paris et de ses trafics, la ville de 30 000 habitants est "un point d'alimentation de Paris", commente le commissaire Corderot.

L'autoroute de la drogue

"Quelqu'un qui veut acheter une tonne, il ne va pas à Dreux mais il contacte des Drouais", poursuit le policier, ils "importent d'Espagne et vendent en gros ou semi-gros à des trafiquants franciliens qui écoulent la marchandise".

L'expertise des Drouais tient sa légende du réseau "Furax", qui était parvenu à écouler 50 tonnes de cannabis, selon l'enquête, entre 2008 et 2010. Les trafiquants avaient fait d'un corps de ferme, dans une petite ville proche de Dreux, leur centre de stockage. En février 2010, 3,2 tonnes de résine de cannabis y ont été saisies, une prise record pour la gendarmerie.

Dreux comptait en 2022 entre 1,6 et 3 (selon les typologies) mis en cause pour 1 000 habitants pour trafic de stupéfiants, un niveau similaire à Marseille, gangrenée par le narcotrafic, contre 0,7 au niveau national, selon le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI).

Selon le patron de la PJ locale, 90% de la drogue qui passe dans la région arrive d'Espagne et irrigue le nord et l'ouest de la France. Les autorités y ont saisi 1,7 tonne de cannabis et 1,7 million d'euros d'avoirs criminels depuis le début de l'année.

"Pas de rivalité"

En plus de son réseau routier, la région Centre-Val de Loire offre également aux trafiquants une discrétion très recherchée.

"Il y a des plateformes logistiques. Le tissu urbain est adapté au trafic, à la limite de la campagne et des villes. Il y a une logique commerciale, c'est plus facile de faire ça dans notre région que dans un centre-ville d'une grande ville", explique le DTPJ.

Pour le procureur de Chartres, ces réseaux ont "la capacité d'être extrêmement mobiles, de se ruraliser. Ce n'est plus l'archétype du voyou installé dans des lieux repérés. C'est plus diffus".

Contrairement à des villes comme Marseille, où les règlements daie comptes liés aux trafics sont légion, les points de deal locaux restent plutôt calmes. Malgré quelques échauffourées, "il n'y a pas de rivalité territoriale ou pour reprendre un marché déjà détenu", détaille Frédéric Chevallier. "Il y a du travail pour tout le monde, et d'autre part, l'activité des services est intense", ajoute pour sa part Eric Corderot.

 Début décembre, à Montargis, dans le département voisin du Loiret, une opération de police baptisée "Place nette" a été annoncée en grande pompe par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, et impliquait la CRS-8, une unité spécialisée à l'intervention dans les zones urbaines sensibles.

Après trois jours d'opération "coup de poing", les saisies communiquées par la préfecture ne pèsent pas lourd : "1,5 kilogrammes de stupéfiants (résine et herbe), de l’héroïne, du matériel de découpe et de conditionnement, 12 000 € en numéraire dans des véhicules, dans les quartiers de Chautemps et de Crowborough, une arme de poing et un couteau, ainsi qu’une moto cross."

Et de fait, malgré la mise en place d'unités spécialisées, police et gendarmerie ont du mal à endiguer la vague. "C'est moins dense en service d'investigation que Paris ou Marseille", observe le magistrat. "Il y a un intérêt à aller là où il y a moins de pression policière. On n'a pas les moyens pour totalement investiguer sur l'ensemble des réseaux.

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