Deux communes proches d'Illiers-Combray, où se situe la maison d'enfance de l'écrivain Marcel Proust, devaient accueillir prochainement un parc éolien. Mais le Conseil d'État a enterré le projet ce 4 octobre, évoquant une atteinte significative au patrimoine, en particulier immatériel, de cette vallée chère au cœur de l'écrivain.
Pas d'éolienne chez Tante Léonie ! Le Conseil d'État a donné raison aux opposants d'un projet d'implantation d'un parc éolien sur deux communes proches d'Illiers-Combray, qui abrite la maison d'enfance de Marcel Proust. Dans son arrêt, la plus haute juridiction administrative invoque une "atteinte significative à l'intérêt paysager et patrimonial" du territoire. La valeur culturelle du patrimoine immatériel d'Illiers-Combray a notamment été citée, un précédent qui fera date.
Un long bras de fer
Cette décision arrive au terme d'un bras de fer de trois ans entre la société JP Énergie Environnement et les opposants à son projet. Ces derniers, dont fait partie le maire de la commune d'Illiers-Combray, Bertrand Puyencher, sont satisfaits du résultat. "Sur cette plaine boisée, vous auriez vu des mâts de 150 mètres de haut", explique-t-il à France 3. De véritables "balafres" selon lui, qui auraient "défiguré ce paysage".
Dans le village voisin de Montigny-le-Chartif, où plusieurs éoliennes devaient voir le jour, le maire Joël Fauquet regrette l'annulation d'un projet dont les retombées financières auraient pu atteindre 30 000 euros par an, soit 10% du budget de fonctionnement de la commune. "Je veux bien que ce soit encadré, qu'on ne fasse pas comme en Beauce où ce sont des champs éoliens et où on ne voit que ça", proteste l'édile, "mais une éolienne par-ci, par-là, pour moi, ça ne détériore pas le paysage".
Je ne suis pas sûr que Marcel Proust, à l'époque, aurait été contre. Il aurait peut-être pu vivre avec son temps et pas avec 200 ans de retard.
Joël Fauquet, maire (SE) de Montigny-le-Chartif
Pour Xavier Nass, directeur général de JP Énergie Environnement, l'arrêt du Conseil d'État "pose la question plus largement au niveau national sur l'impact du patrimoine, en l'occurrence immatériel, sur les projets industriels, les énergies renouvelables dans leur ensemble mais aussi l'industrie". De son côté, l'industriel n'a pas encore renoncé à son projet et prévoit de le redimensionner pour en réduire l'impact.
Un autre projet de parc éolien enterré en 2022
Il ne s'agit pas du premier projet qui échoue dans la vallée de la Thironne. En avril 2022, la société Combray Énergie avait été définitivement déboutée par la cour administrative d'appel de Versailles de sa tentative de recours contre la préfecture, qui avait refusé de lui délivrer le permis de construire.
Là encore, la cour avait mentionné dans son arrêt "une atteinte significative [...] à l'intérêt paysager et patrimonial du village d'Illiers-Combray, où des acteurs publics et privés réalisent des actions culturelles autour de l'œuvre de Marcel Proust, dont les évocations littéraires sont encore pour partie matériellement inscrites dans ces lieux".
Actuellement, 132 parcs éoliens existent en région Centre-Val de Loire, dont un peu moins de la motié en Eure-et-Loir et en particulier en Beauce. À l'inverse, le département d'Indre-et-Loir n'a pour l'instant accueilli aucun parc éolien, notamment en raison d'oppositions locales farouches.
Les opposants invoquent généralement des nuisances visuelles et sonores, mais aussi l'impact sur l'environnement et notamment les oiseaux et les chauve-souris de certains projets.