Alors qu’élus locaux et associations d'opposants s’inquiètent de projets éoliens qui se multiplient, les promoteurs affirment que l’implantation avance à un rythme assez faible, au regard des objectifs très ambitieux de la région Centre-Val de Loire.

Le président du Département de l’Indre Serge Descout (LR) n’en démord pas : "stop" aux éoliennes. A l’origine, il était favorable à cette énergie renouvelable, mais il y a un an, en février 2020, il avait demandé un moratoire sur les projets éoliens dans son département.

Aujourd’hui, on est parti dans une implantation d’éoliennes anarchique.

Serge Descout

Pour appuyer son point de vue, il cite les habitants de certaines zones de l’Indre qui lui diraient : "On n’en peut plus, cela devient insupportable, on ne peut pas faire 360 degrés sans voir une éolienne".

S’il n’est pas dans l’absolu contre l’éolien, il réclame un aménagement plus équilibré en région Centre-Val de Loire. Pour lui, l’Indre a été "bon élève", alors qu’il y a "d’autres départements où il n’y en a pas, comme en Indre-et-Loire".

En regardant la carte des éoliennes implantées dans la région ci-dessus (consultable sur le site de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement - DREAL Centre-Val de Loire), on se rend clairement compte d’un déséquilibre entre les départements, avec d’un côté, symbolisées par des points bleus, 216 éoliennes raccordées au réseau électrique en Eure-et-Loir, 109 dans l’Indre, et de l’autre côté l’Indre-et-Loire qui n’en a aucune en fonctionnement.

En observant les données de la DREAL (mises à jour au 1er juin 2020), on s’aperçoit aussi que l’Indre attire de plus en plus de constructeurs éoliens : c’est en effet le département où ils ont déposé le plus grand nombre de projets (38), suivi du Cher (24) et de l’Eure-et-Loir (18), comme on peut le voir en rose sur ce graphique.

Comment expliquer ces écarts ?

Pour mieux comprendre, nous avons contacté France énergie éolienne, l’association des constructeurs et promoteurs de l’éolien. Pour son délégué régional en Centre-Val de Loire et Ile-de-France Samuel Neuvy, "la Beauce est la zone sur laquelle les développeurs ont travaillé en premier, car les surfaces agricoles sont vraiment gigantesques et permettaient d’accueillir des parcs conséquents".

Quant à l’absence d’éoliennes en Indre-et-Loire, "c’est clairement lié à des réticences de la part des grands élus du département à un moment donné".

Un point de vue en partie partagé par les anti-éoliennes. Michel Bernard, représentant en région Centre de deux associations (Fédération environnement durable et Vent de colère), explique l’absence de parcs en Indre-et-Loire par le passage de "plusieurs préfets convaincus de la priorité de la protection des paysages et des sites patrimoniaux, sources de l'économie touristique".

"La digue a cédé"

L’opposant déplore aujourd’hui l’arrivée de nouveaux préfets, "dont celle en place qui applique la politique ministérielle". En l’occurrence, un premier projet a été autorisé il y a un an à Vou et La Chapelle-Blanche-Saint-Martin.

"La digue a cédé avec l’accord de la préfecture, regrette Michel Bernard. Les promoteurs savent qu’une fois que les éoliennes sont installées, dans la foulée ils vont pouvoir étendre le parc."

Il craint une vague de projets en Indre-et-Loire avec des éoliennes de plus en plus hautes. "Aujourd’hui avec, les modèles qui font 240 mètres en bout de pale, les zones peu ventées deviennent plus intéressantes pour la production éolienne, car plus on monte, plus on va capter des vents". Cette évolution technique expliquerait donc en partie la multiplication des projets d'après l'opposant.

Mais il croit toujours en la contestation et liste des communes comme Dolus-le-Sec, Tauxigny, Chanceaux-près-Loches, où les conseils municipaux refusent les implantations de mâts.

"Pas d'élu avec nous, pas de projet"

Mais les élus ont-ils un poids ? Sur le papier, pas vraiment, car un projet éolien dépend avant tout d’un accord entre le propriétaire des terres où installer le parc, la préfecture et bien sûr les promoteurs.

Mais ces derniers affirment vouloir travailler "en concertation avec les élus locaux, pour avoir une acceptabilité des projets : pas d’élu avec nous, pas de projet".

Pour faire accepter l’éolien d’ailleurs, Samuel Neuvy met en avant les évolutions : "Les parcs en projet aujourd’hui en Indre-et-Loire sont de taille bien moindre qu’en Beauce."

"On travaille dans un cadre réglementaire avec des études d’impact de plus en plus poussées, ajoute-t-il. Les développeurs travaillent en toute transparence, les dossiers sont consultables, les enquêtes publiques menées et tout est soumis à l’examen des services de l’État. Donc quand on obtient des autorisations, c’est qu’on fait en sorte que les impacts soient acceptables."

337 cadavres d'oiseaux

On pense par exemple aux impacts sur la faune. En 2020, 228 cadavres de chauve-souris et 337 d’oiseaux ont été retrouvés au pied des éoliennes en région Centre.

Pour limiter les accidents, France énergie éolienne a mis en place des "écoutes en altitude sur les parcs éoliens pour s’intéresser aux populations migratrices qui volent en altitude, contrairement aux espèces locales".

Derrière, l’objectif est de "pouvoir adapter, dès la mise en service du parc éolien, des plans de bridage pour éviter les impacts sur les populations migratrices". En clair, les éoliennes vont être programmées pour fonctionner au ralenti voire s’arrêter pendant les périodes favorables au vol des chauve-souris par exemple.

"Qu'on se mette autour de la table"

L’autre impact que France énergie éolienne affirme prendre attentivement en compte, c’est celui lié au paysage et au patrimoine. Un point sur lequel le président de l’Indre est en total désaccord : "On a des installations qui se font au mépris des paysages environnementaux, touristiques et patrimoniaux, et je ne le supporte pas".

Serge Descout ne le supporte tellement plus qu'il avait interpellé Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d’Etat à l’Ecologie, en 2019. "La ministre m’a confirmé qu’il fallait une répartition équitable de l’éolien sur la région", assure-t-il. Si elle a changé de fonctions depuis, Serge Descout compte bien se faire entendre par les services de l’Etat.

"Je veux qu’on se mette autour de la table et qu’on puisse regarder le problème à l’intérieur de l’Indre, mais aussi autour, car des départements limitrophes ont tendance à mettre leur projet éolien à la frontière avec le nôtre". Et de citer le cas d’éoliennes tout au Nord de la Creuse à la limite de l’Indre.

15 éoliennes en 2020

Du côté de France énergie éolienne, le discours est radicalement différent. Samuel Neuvy constate "un rythme de développement raisonnable".

"On a 127 parcs en fonctionnement qui représentent une puissance de 1305 mégawatts-heures (MWh), détaille-t-il. Sur ces 1305 MWh cumulés, seulement 42 ont été mis en service en 2020, soit l’équivalent de 15 éoliennes."

Un chiffre "faible" face aux objectifs "ambitieux"  de la région Centre. Il fait ici référence au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).

Etabli par le Conseil régional du Centre-Val de Loire, ce schéma prévoit que la région couvre "100% de ses consommations énergétiques par la production régionale d’énergies renouvelables et de récupération en 2050".

Multiplier la production par 3

Sur cette production régionale, l’éolien serait amené à devenir la première source d’énergie renouvelable, devant la biomasse et la géothermie, avec un objectif de 900 ktep (kilo-tonne d’équivalent pétrole). Pas très parlant...

Samuel Neuvy, lui, traduit cela de la sorte "Aujourd’hui, il nous faut multiplier d’ici 2030 par trois le parc existant. Ce sont des objectifs techniquement atteignables mais il faut que cela s’accompagne d’une volonté politique forte."

Charles Fournier, vice-président en charge de la transition écologique au Conseil région du Centre-Val de Loire, n'est pas de cet avis. D'après lui, le facteur de charge (c'est-à-dire la différence entre l’énergie que peut produire une éolienne et l’énergie qu’elle produit réellement) va nettement s'améliorer, passant dans les prochaines années de 22% à 40%. "Donc on va produire avec un mât beaucoup plus d’énergie que ce que l’on produit actuellement".

Il estime donc qu'il faudra "entre 150 et 200 mâts de plus dans notre région d’ici 2050" pour atteindre les objectifs. "200 mâts sur six départements sur 30 ans, cela fait en théorie une éolienne par an", calcule-t-il, sachant qu'il en existe actuellement 479, et que 150 sont en construction ou vont bientôt l'être.

17% de la consommation électrique

Cependant, la croissance éolienne a pris du retard. Le schéma directeur indiquait un objectif à atteindre en 2020 de 2600 mégawatts (MW) de puissance autorisée (qui inclue la production électrique d’éoliennes raccordées et mises en service, et la puissance prévue dans des projets autorisés mais pas encore construits ou raccordés, NDLR). Or, on en est aujourd’hui à 2034 MW.

Cependant, ce schéma directeur n'impose pas des buts, mais propose un mix énergétique. C'est en effet l'Etat qui a le pouvoir d'autoriser ou non les projets par le biais de chaque préfecture, sans qu'il y ait une discussion avec la région. Charles Fournier regrette d'ailleurs le manque de planification et de stratégie : "Il n’y a plus de cadrage sur où pourrait s’implanter l’éolien". Et d'ajouter : "Il faut nous confier cette responsabilité pour définir avec les promoteurs et les territoires les meilleures conditions de mise en œuvre." Serge Descout appréciera cet allié.

Même s'il n'a pas de pouvoir de décision concret, le vice-président en charge de la transition écologique travaille déjà sur des critères à imposer pour chaque projet éolien, comme notamment créer une gouvernance et ne pas laisser la discussion seulement entre les mains des promoteurs et des propriétaires ; ou assurer de vraies retombées économiques et environnementales sur le territoire.

A l'échelle nationale, la région Centre-Val de Loire tire malgré tout son épingle du jeu : d'après France énergie éolienne, les 1305 MWh de puissance raccordée au réseau électrique ont permis de couvrir 17% de la consommation électrique de la région Centre en 2020, alors que la moyenne nationale s’élève à 8,8%.

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