Alors que s'ouvraient ce mardi 10 septembre les Assises sur les Ehpad à la Maison de la Mutualité à Paris, et deux ans après le scandale Orpéa, un rapport sénatorial sur la situation financière des établissements d'hébergements pour personnes âgées dépendantes doit être publié le 25 septembre. Parmi les co-rapporteurs de ce rapport figure Chantal Deseyne, sénatrice LR d'Eure-et-Loir.
Deux ans après le scandale d'Orpéa, la situation financière des Ehpad ne s'est pas améliorée. Elle s'est même fortement dégradée avec les deux tiers des établissements qui affichent un déficit.
Au 31 décembre 2022, environ 60 % des Ehpad publics et 55 % des Ehpad tous statuts confondus présentaient un déficit (source : annexe 6 du PLFSS pour 2024). L'ampleur de ces déficits s'est aggravé et les établissements sont désormais confrontés à des difficultés de trésorerie à court terme.
Un fonds de 100 millions d'euros et une mission d'information à dimension territoriale
Face à cette situation, un fond exceptionnel d’urgence doté de 100 millions d’euros a été mis en place fin 2023 pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) en difficulté, quel que soit leur statut. La création de ce fonds s’est accompagnée de la mise en place dans chaque département, à partir de septembre 2023, d’une commission départementale de suivi des Ehpad et des services à domicile en difficultés financières.
En février 2024, la commission des affaires sociales du Sénat a engagé une mission d'information sur la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dont les rapporteurs sont Chantal Deseyne sénatrice (Les Républicains) d'Eure-et-Loir, Solanges Nadille, sénatrice (Renaissance) de Guadeloupe et Anne Souyris, sénatrice (Les Ecologistes) de Paris.
Entre la défiance des usagers après le scandale "Orpéa", la crise sanitaire et le contexte d'inflation, la commission des affaires sociales du Sénat a souhaité recueillir le point de vue des élus locaux afin de "mieux identifier les facteurs ayant conduit à la situation actuelle, de prendre les mesures de ses effets dans les territoires et d'évaluer les besoins". La commission a souhaité donner à ce contrôle" une dimension territoriale. "
1029 personnes ont répondu à la consultation en ligne qui s'est achevée le 19 avril 2024.
Si la situation des Ehpad publics semble être la plus dégradée, les difficultés concernent des Ehpad de tous statuts, comme le montrent les récentes défaillances d’acteurs du secteur privé lucratif.
Un secteur percuté par une quintuple crise
Auditionné le 14 mai 2024 dans le cadre de la mission d'information sur la situation financière des Ehpad, le cercle de réflexion Matières grises* a produit en juin 2024 une note de 11 pages pour identifier les causes de la crise et sur les transformations à réaliser pour en sortir.
Le Think tank parle d'un secteur percuté par une quintuple crise.
- l'image des Ehpad et la défiance des usagers : "le lien de confiance entre les Français et les Ehpad a été percuté par la crise sanitaire d'abord, par la crise provoquée par la publication des "Fossoyeurs" ensuite",
- la hausse des charges salariales liée notamment aux accords du Ségur de la Santé en 2020 et au recours à l'intérim,
- l'inflation du coût de l'énergie et des denrées alimentaires : "Depuis deux ans, l'évolution tendancielle des dépenses (salaires, énergie, alimentation...) est significativement plus élevée que celle des dotations publiques",
- l'accès durci aux emprunts bancaires,
- la frilosité des investisseurs,
Après avoir été auditionné le 16 mai par le #Senat dans le cadre d’une Mission sénatoriale sur la situation financière des #Ehpad, Matières Grises publie sa contribution au débat
— Matières_Grises (@MGrises) June 4, 2024
Note à lire ici 👉 https://t.co/x5gw1TzeYy pic.twitter.com/ki9QLVNhPO
"Quand on met en rapport l'inflation, les difficultés de recrutement ou la baisse des taux d'occupation d'un côté et les taux d'évolution des dotations soins dépendance ou des tarifs d'hébergement notamment habilités à l'aide sociale, on comprend comment cet effet ciseau a provoqué des déficits massifs", constatent les rédacteurs du Think Tank Matières grises.
Un modèle économique qui a atteint ses limites
Dans cette situation, selon le cercle de réflexion, "les Ehpad qui sont 7 500 en France, ne peuvent plus rénover et construire dans un contexte où les besoins d'investissement sont évalués a minima à 25 milliards d'euros."
📣 Le programme des Assises Nationales des #Ehpad2024 est disponible !
— Planète Grise (@PlaneteGrise) June 20, 2024
📅 10 et 11 septembre 2024
📍 Maison de la Mutualité, Paris V
📝 Découvrez le programme : https://t.co/EqA1uYTmpx
🔗 N'attendez plus pour vous inscrire : https://t.co/FW1vfY3RLg pic.twitter.com/f0wGZ208o3
La note poursuit en expliquant que "le modèle économique des Ehpad a atteint ses limites en ce qu'il ne permet plus de financer les investissements nécessaires à la modernisation et à l'adaptation des capacités de prises en charge, alors que les besoins vont significativement augmenter sur le plan démographique comme sur le plan épidémiologique."
Des pistes de travail pour sortir de la crise
Parmi les pistes de travail proposées par le cercle de réflexion Matières grises aux parlementaires figurent :
- la poursuite de la réforme du financement des Ehpad au-delà de la fusion soins/dépendances
- remettre à plat les outils de tarification et assurer la liberté dans la fixation des tarifs grâce à l'article 24 de la loi Bien vieillir du 8 avril 2024
- améliorer l'attractivité des métiers du grand âge par la fidélisation du personnel, le recrutement et la formation
- Faire de "l'Ehpad un chez-soi "avec des chambres plus grandes et moins des réglementations sur les horaires de visite et de repas
Le rapport de la mission d'information sénatoriale sur les Ehpad sera présenté en commission le mercredi 25 septembre 2024. C'est à ce moment-là que le rapport paraîtra. Il devait à l'origine être publié en juillet 2024. Mais avec la dissolution de l'Assemblée nationale et les élections législatives, le travail des parlementaires a été suspendu.
*Initié par Luc Broussy, Jérôme Guedj et le cabinet Planète Grise au printemps 2018, le Think Tank Matières Grises réunit les principaux acteurs du secteur de l'accueil et de l’accompagnement de la personne âgée afin de réfléchir ensemble sur les grands sujets liés au vieillissement.