Elections européennes 2019 : les jeunes se sentent de moins en moins concernés par l'Europe en Centre-Val de Loire


L’Union européenne ne séduit pas les jeunes. Aux précédentes élections en 2014, 73% des jeunes entre 18 et 35 ans ne se sont pas rendus aux urnes. Une abstention massive. Pour mieux comprendre ce qu’ils feront le 26 mai, nous les avons interrogés.

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Difficile à comprendre, abstruse, inaccessible. Les jeunes électeurs de la région ne se sentent pas concernés par l’Union Européenne. Certains qu’elle n’ait pas de retombées positives dans leur vie quotidienne, ils la perçoivent comme une institution prédatrice qui n’a pas pour but d’améliorer leurs existences.

Ce sentiment de désaffection se traduit par des forts taux d’abstention aux élections européennes. Aux deux derniers scrutins européens en 2009 et 2014, l’abstention fut la grande gagnante du scrutin, notamment parmi les 18-35 ans, avec environ trois jeunes français sur quatre qui ne se sont pas rendus aux urnes. Le rendez-vous électoral du 26 mai prochain risque fort de ne pas échapper à cette tendance. Selon une enquête quotidienne Ifop-Fiducial, un seul jeune de moins de 34 ans sur dix se dit prêt à aller voter le 26 mai.
 
 

"L’Europe a affaibli les couches sociales les plus faibles"

C’est le cas de Tiffany Valauney, 23 ans, étudiante en psychomotricité à l’université d’Orléans. Après une première phase d’enthousiasme européen né pendant ses études au lycée, son ressenti a progressivement changé.

A l’école on m’a inculqué une vision très positive de l’Europe. Mais au fur et à mesure, et notamment depuis quand j’ai entamé mes études supérieures, mon image de l’UE en tant qu’institution s’est dégradée

raconte-t-elle. Au discours très méfiant, cette étudiante pointe du doigt "la très mauvais gestion de la crise financière de 2008 qui a affaibli les classes moyennes et les couches sociales les plus faibles", ce qui a accentué son sentiment anti-élites.

Les rapports ne la démentent  pas. Depuis 1980, les inégalités n'ont pas cessé de se creuser au sein des États membres, permettant la diffusion d’une forte crainte de déclassement social. Depuis 1980, les revenus des l,1% des européens les plus riches a augmenté deux fois plus vite que celui des 50% les moins aisés, ce qui a accentué les inégalités des revenus, selon le dernier rapport de la Banque Mondiale sur l'Europe.
 

Le constat de Tiffany est sans appel : "Pour moi, l’Europe est un bureau de technocrates qui prend des décisions sur mon avenir, sans avoir de relation avec le terrain", poursuit celle qui dit avoir voté pour le Rassemblement National aux présidentielles de 2017. Mais le 26 mai prochain, désenchantée et en colère, elle ne se rendra pas aux urnes.
 

Désintérêt

Ce fort sentiment de désaffection et méfiance peut prendre d’autres formes que celle d’une forte tendance anti-élites. "J’apprécie la liberté de mouvement dont nous jouissons, mais je pense que l’Europe n’est pas un projet abouti", critique Julien Hoste, 31 ans. Pour ce jeune développeur l’UE est d’abord un projet raté, qui a montré un fort décalage entre les propos et les actes. "A l’heure actuelle, nul Etat souhaite vraiment céder davantage de souveraineté en faveur d’un processus de fédéralisation" analyse le jeune actif qui voit la monté en puissance des nationalismes comme l’explosion des contradictions des européistes.

Pour lui, l’Europe a été d’abord un projet économique et commercial, sans identité politique, créé pour devenir un acteur de poids face aux États-Unis. "Je me sens proche de La France Insoumise, mais je ne voterai pas. J’habite dans une commune différent de celle où je vote et la bureaucratie pour demander une procuration est trop lourde",  raisonne-t-il.
 
 

"Je constate avec amertume le déclin de l'Europe"

Stéphane Trillot, 34 ans et formateur secouriste en région, était, lui aussi, un fervent passionné de la construction européenne. Il considérait le processus de fédéralisation des Etats membres comme nécessaire pour contrer l’expansion politique et commerciale des géants nord-américain et chinois. Pour cette raison, lors du réferéndum de 2005, il exprima son vote favorable à l’instauration d’une constitution européenne, un projet qui sera finalement rejeté par 55% des Français.

"Depuis, je n’ai pu que constater avec amertume le déclin du projet européen. On n’a pas été capable d’instaurer des liens de solidarité entre les peuples et les États", commente celui pointe du doigt les gestions de la crise financière de 2008 et de la vague migratoire de 2015 comme les phases d’explosion des contradictions européennes : "Ce sont des points de non-retour. L’idée de l’Europe s’est heurtée aux identités nationales de chaque pays. Chacun pense pour soi".

Persuadé par le discours pro-européen d’Emmanuel Macron, Stéphane a cru dans son projet politique aux élections de 2017. Mais aujourd’hui, il se dit déçu par le décalage entre le discours très européiste du président de la République et les actes, "qui ne vont pas dans le sens du partage des responsabilités avec les États membres, comme pour la crise des migrants. La France a refusé d’accueillir des dizaines de réfugiés". Pour lui, pas de toute : il votera blanc "pour sanctionner les candidats actuels".

Selon les 15-30 ans, l’accueil des réfugiés devrait être l’une des priorités de l’Union européennes, si l’on s’en tient aux résultats de l’Eurobaromètre datant de septembre 2017, outil d’interviews qualitatives lancé en 1974 pour mesurer la température de l’opinion publique européenne. L’enquête montre aussi que les thématiques de l’emploi, de l’éducation et de l’environnement inquiètent les jeunes européens.
 
 
 

« Il y a encore beaucoup à faire »

"L’environnement est le domaine qui concrétise l’existence de l’UE à mes yeux", explique Soizic Fabre, la vingtaine, fonctionnaire dans une agence publique de protection de l’environnement. Son travail quotidien, est d’appliquer la directive cadre sur l’eau de 2000 visant à prévenir et réduire la pollution de l’eau et promouvoir son utilisation durable. "Concrètement, je rends compte de l’état d’avancement de la conservation des cours d’eau en lien avec les objectifs européens. J’adore mon travail", se félicite celle qui évalue la réussite de l’Europe par le prisme de l’environnement.

Directive après directive, les institutions européennes, depuis 1970, ont mis en place un système de protection de l’environnement, en contrant notamment les États à respecter le principe de précaution. Avec des budgets conséquents, comme dans le cas du programme Life pour soutenir des projets environnementaux, financé à hauteur de 3,4 milliards d’euros.

"La législation supranationale est un bon côté de l’Europe, même si il y encore beaucoup à faire", regrette-t-elle, en référence à l’absence de volonté des États membres d’interdire l’utilisation du glyphosate dans l’agriculture, le pesticide le plus célèbre au monde et reconnu ‘cancérigène probable’ par l’Organisation mondiale de la santé. En novembre 2017, l’UE a reconduit une nouvelle autorisation pour cinq ans de cet herbicide controversé, dont 8.800 tonnes ont été vendues dans l’Hexagone en 2017.
 

  

"Je voterai pour le parti le plus au point sur l’écologie"

Assise en train de boire un verre d’eau fraîche, Axelle Lecler, 19 ans, est d’accord avec Soizic : "Je voterai pour le parti le plus au point sur l’écologie et l’accueil des réfugiés, deux sujets dont la mauvaise gestion a dégradé l’image de l’Europe à mes yeux", s’enflamme-t-elle.

L’étudiante en ingénierie reconnaît d’avoir longtemps eu une représentation idéalisée de l’UE, qui ne correspond pas forcement à la réalité : "Dès le CP, les enseignants se prodiguaient pour nous apprendre qu’il s’agissait de quelque chose de bien. Mais on voit bien que les contradictions des européistes ont permis l’installation de discours haineux dans chaque Etat", regrette l’étudiante qui songe, à l’image de Soizic, à voter EELV.

Les mobilisations récentes l’ont montré : l’écologie devient un thème de plus en plus important pour les jeunes européens. "Ils ont bien compris que la préservation de l’environnement ne peut être mise en œuvre qu’à l’échelle supranationale",  décrypte Pierre Allorant, politologue de l’Université d’Orléans. Selon lui, l’écologie est devenue une thématique assez concrète pour représenter un enjeu de taille pour les 18-35 ans. "Les partis l’ont bien compris, tout le monde de se dit ‘‘écologiste’’ aujourd’hui", analyse-t-il. Sera-t-il suffisant pour mobiliser les jeunes électeurs le 26 mai ?
 
 
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