Ville historiquement ancrée à gauche, Vierzon a placé le Rassemblement National en tête des élections européennes. Comment expliquer ce vote ? Est-ce la chute de la gauche dans ce fief communiste ?
Une ville cassée en quatre. Vierzon, ancien fief communiste au passé industriel et au présent marqué par la désindustrialisation se peint aujourd’hui en trois couleurs. C’est au moins ce que l’on pourrait croire en regardant les résultats des élections européennes de ce dimanche 26 mai.
Le Rassemblement national gagne sans entraves les consultations européennes à Vierzon avec 28,2 % des suffrages (2 258 votes), suivi par LREM qui affiche un score de 16.66 % (1 334) et par le PCF avec 12,5 % (973). Le parti de Marine Le Pen n’a pas seulement doublé le Parti Communiste qui détient actuellement le pouvoir à la mairie. Il a aussi convaincu davantage d’électeurs que l'ensemble des deux prancipaux partis de gauche. La France Insoumise a reçu 7,88 % de préférences (759 votes), qui aditionnées aux résultats du PCF, ne font que 20 % des suffrages. Un résultat insuffisant pour concurrencer la liste menée par Jordan Bardella.
Il y a un autre parti qui ne dit pas son nom, mais qui a obtenu un score considérable : le parti de l’abstention. A Vierzon, le taux de participation ne s’affiche qu’à 46,65 % de l’électorat. Ce qui veut dire qu’un peu plus d’un électeur sur deux a préféré ne pas se rendre aux urnes. Ce chiffre se révèle être en hausse par rapport à celui de 2014, lorsque 38 % des vierzonnais avaient fait le déplacement. Mais il constitue un léger phénomène de désinvestissement des électeurs de la ville ouvrière par rapport à la moyenne nationale, qui s’établit à hauteur de 50,5 % des ayants droit.
"Vierzon n’est pas un ilot communiste au milieu d’une mer d’électeurs du RN"
Ces résultats sont-ils surprenants ? Cet ancien fief de la gauche s'abandonne aujourd’hui dans les mains de l’eurosceptique Rassemblement national ? "Vierzon n’est pas un ilot communiste au milieu d’une mer d’électeurs du RN. La ville a suivi une tendance nationale", explique le maire communiste Nicolas Sansu. Dans cette ville ouvrière au passé fortement ancré à gauche, les électeurs auraient glissé dans l’urne leur colère sous forme de préférence pour l’extrême droite. "Si on regarde les résultats, on se rend compte que nous avons largement puisé dans l’électorat de gauche", veut croire Bruno Bourdin, conseiller municipal du RN à Vierzon. "Le RN donne des réponses très simplistes à des problèmes très compliqués"
"On peut remarquer une tendance de plus en plus constante de la classe ouvrière et de l'électorat le moins favorisé à se tourner vers l’extrême droite", constate le politologue de l’Université d’Orléans Pierre Allorant. Mais le résultat de hier n’est pas un évènement inédit. Déjà lors des élections européennes de 2014, la liste qui à l’époque s’appelait ‘‘Bleu Marine’’, sortait gagnante avec 27,5 % des préférences, loin devant l’UMP du candidat Brice Hortefeux (20,8%) et les listes du Front de gauche (10,35%) et du Parti Socialiste (11,6 %)."Paradoxalement, le RN fait des très bons scores aux élections européennes. Il donne des réponses très simplistes à des problèmes très compliqués. Ce type de communication rencontre et alimente la colère des populations les plus périphériques et précaires", observe encore Pierre Allorant.
Les votes des électeurs de gauche vierzonnais ont tendance à se disperser lors des élections européennes, quand l’offre politique classée à gauche présente plusieurs candidats. Mais ils se rassemblent lors des élections présidentielles, lorsque la gauche se présente avec un seul candidat. Comme ce fut le cas en 2017, lorsque Jean-Luc Mélenchon avait exprimé 27,9 % des votes, suivi par Marine Le Pen à 25,17 %.
"La gauche a une responsabilité importante"
"La gauche a une responsabilité importante. Elle s’est présentée éclatée devant ses électeurs, dont la majorité a préféré s’abstenir, tandis que les électeurs de droite ont montré leur colère publiquement par le biais des bulletins", décrypte Nicolas Sansu.Le regard se tourne désormais vers les prochaines municipales de 2020, un horizon incertain pour une gauche éclatée et un Rassemblement national qui monte en puissance.