La France a enregistré sa nuit la plus froide pour un mois d'avril depuis 1947. En Centre-Val de Loire, les agriculteurs s'étaient préparés à cet épisode de gel. Ils ont multiplié les techniques pour tenter de sauver au maximum leurs récoltes.
L'heure est au bilan pour les agriculteurs du Centre-Val de Loire. Au moment où nous le contactons, David Feuillette, arboriculteur du côté de Bonny-sur-Loire (Loiret), est toujours dans son verger de 60 hectares, tentant d'estimer les dégâts du gel qui ont touché la région, et plus largement la France cette nuit.
Pour l'heure, ses premières observations révèlent davantage de dégâts dans les poiriers, dont les fruits étaient plus avancés que les pommiers. "L'an dernier c'était un épisode plus long donc j'espère qu'il y aura quand même un peu plus de fleurs cette année" tente-t-il de se rassurer. En 2021, il avait perdu entre 50% et 85% suivant les variétés. "Ca fragilise le moral, c'est épuisant. J'ai l'impression d'avoir déjà mis un an à m'en remettre donc là on n'en voit pas trop le bout".
J'y suis depuis quatre nuits. Je dors sur place dans ma voiture. Y'a des périodes comme ça, plus difficiles, mais si le résultat est positif, on oublie la fatigue.
David Feuillette, arboriculteur dans le Loiret
Tout faire pour sauver les futures récoltes
Pour protéger ses cultures, il utilise un système d'antigel par aspersion. Il arrose les branches de ses arbres afin que l'eau passe de l'état liquide à l'état solide par des températures moins froides que celles enregistrées durant les périodes de gel. "Ca libère des calories qui vont permettre de maintenir une température viable pour les bourgeons à l'intérieur des glaçons qui se forment". Mais pour utiliser cette méthode, il faut se montrer très alerte : si la mise en route se fait trop tard, cela peut accentuer les épisodes de gel ! Pour autant, il estime que sa technique a plutôt bien fonctionné la nuit dernière.
De l'autre côté de la région, dans le Cher, ils sont nombreux à s'être déjà fait connaître auprès de la chambre d'agriculture
Il faut dire que le département dénombre une petite centaine d'arboriculteurs. "On en saura un peu plus dans trois semaines, mais je pense que ça va en pousser un certain nombre à s'équiper davantage" selon Etienne Gangrenon, le président de la chambre d'agriculture du Cher. Il admet toutefois que du côté des vignerons, les dégâts sont beaucoup moins importants et que cet épisode de gel aura moins d'impact que celui qui a touché le pays l'an dernier.
Pourtant, dans le Cher, on n'a pas lésiné sur les moyens. "Les éoliennes antigel ont tourné, nous avons allumé les bougies et feux de bois dans les vergers et un hélicoptère est venu brasser encore davantage d'air". S'il s'agit jusque-là de solutions à court terme et demandant une certaine implication, la profession s'interroge sur ce à quoi devra ressembler l'agriculture de demain, très impactée par le dérèglement climatique. Car aujourd'hui, des épisodes de gel, il y en a tous les ans tandis qu'auparavant, les professionnels n'y étaient confrontés que tous les dix ans en moyenne. "Peut-être qu'on va devoir passer sur des variétés plus tardives, qui arrivent après le gel, pour essayer d'avoir du décalage de culture. C'est beaucoup plus compliqué que ce qu'on faisait auparavant".
En Touraine, on opte pour des serres bioclimatiques
En Touraine, plus précisément à Saint-Etienne-de-Chigny, Brice et Emilie Deloraine sont maraichers bio depuis l'an dernier. Leur solution pour protéger leurs trois hectares du gel ? Des serres bioclimatiques, destinées aux semis et plants de culture. "Le principe, c'est d'avoir une isolation naturelle. Ce sont des doubles serres qu'on entoure de cuves d'eau de mille litres pour temporiser la température. On n'utilise pas du tout d'électricité" explique Emilie.
Une solution qui semble avoir le vent en poupe puisque Damien Provost, leur monteur de serre, note une augmentation de 20% des installations. "Y'a plus vraiment de saisons donc pour ces producteurs, c'est primordial". La solution parait donc idéale puisqu'elle demande non seulement moins d'interventions de la part de l'agriculteur, à la différence des bougies ou de l'aspersion, mais elle parait aussi plus écologique puisque les vergers sont chauffés uniquement grâce à la lumière du soleil. Reste à savoir si cette solution est envisageable sur beaucoup plus de surfaces.