C'est une première mondiale, une dizaine de moutons entraînés pour passer des IRM sans anesthésie en Indre-et-Loire

L'histoire se déroule à Nouzilly, en Indre-et-Loire. Une équipe de recherche de l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) est parvenue à entraîner une dizaine de moutons à passer des IRM sans avoir besoin de recourir à l'anesthésie ni à la contention.

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Une équipe de recherche de l'INRAE Val de Loire, à Nouzilly, a réussi une véritable prouesse, au terme de neuf mois de protocole d'entraînement. Une dizaine de moutons est désormais capable de passer des IRM en étant éveillée, en restant immobile et sans contention.

Il s'agit d'une première mondiale, dont les résultats ont été publiés dans la revue Behavior Reserch Methods. "Cette méthode innovante, qui repose sur une coopération entre l'entraîneur et l'animal, permet d'acquérir des images de bonne qualité, sans recourir à l'anesthésie", indiquent les services de l'INRAE. 

Jusqu'à présent, l'anesthésie générale des animaux était indispensable pour obtenir des images du cerveau exploitables. Cela occasionnait des effets secondaires, générait du stress pour les moutons, mais pouvait aussi compromettre l'étude du fonctionnement du cerveau. Jusqu'ici, seul le chien était  capable de réussir ce type de protocole d'entraînement.

Mon premier objectif, c'est de localiser de manière précise, en 3D, le cortex auditif.

Camille Pluchot, étudiante en 3e année de thèse

"J'ai mis en place et exécuté le protocole avec mon directeur de thèse, Scott Love, aidée notamment par un soigneur animalier ainsi qu'une technicienne de l'équipe de recherche", commence Camille Pluchot, étudiante de 28 ans en 3e année de thèse. 

Le sujet de sa thèse ? L'étude sur les activations de certaines régions du cerveau en lien avec l'audition. "J'essaie de comprendre comment les moutons communiquent entre eux à travers les bêlements et j'étudie l'audition avec l'utilisation de l'IRM", précise Camille Pluchot. 

Les agneaux sont nés en mars 2022 et on a commencé dès leur naissance.

Camille Pluchot, étudiante en 3e année de thèse et membre de l'équipe de recherche

Au moment de la rédaction de ce projet de thèse, le directeur de thèse a souhaité ajouter une partie consacrée à l'entraînement des moutons pour des IRM éveillés. À ce moment encore, difficile d'imaginer que les résultats seraient aussi impressionnants. 

Tout a donc débuté dans la nurserie de l'unité expérimentale PAO, au centre INRAE Val de Loire, à Nouzilly, en Indre-et-Loire. Pour l'équipe de recherche, la phase de familiarisation a permis d'identifier, parmi une quarantaine d'animaux, 10 agneaux réceptifs aux caresses ou à la présence d'objets en mousse près de leur tête. Et ce, dès leur naissance.

Les séances d'interactions positives entre les moutons et leur futur entraîneur. © Camille Pluchot

"On a sélectionné ceux qui étaient les plus familiers avec l'humain et qui acceptaient la nouveauté des exercices qu'on leur proposait. On leur a appris aussi à changer d'environnement et à marcher sur du béton. Ce sont des animaux qui sont en conditions d'élevage, ils sont sur de la paille, mais dans la salle IRM, c'est bétonné", explique Camille Pluchot.

On ne force pas les animaux, ce sont eux qui viennent vers nous.

Camille Pluchot, membre de l'équipe de recherche de l'INRAE

Durant cette première phase d'habituation d'environ un mois, les membres de l'équipe viennent deux fois par jour, 7j/7. "On parle d'interactions positives durant ces séances. On est dans le parc avec les animaux et on attend qu'ils interagissent avec nous", explique Camille Pluchot.

Une première phase d'entraînement est ensuite menée dans la bergerie de Nouzilly. "On a fait une réplique d'IRM, en bois et en plastique. On a mis en place une rampe pour que les animaux puissent monter tout seuls sur la table", poursuit l'étudiante.

La machine factice, aux mêmes dimensions que la véritable, a été répliquée jusqu'à l'antenne, dans laquelle les moutons ont été entraînés à placer leur tête et à rester immobile plusieurs minutes. "On a familiarisé petit à petit les moutons aux bruits de la machine. Quand on passe un IRM, ça peut aller jusqu'à 120 décibels", précise Camille Pluchot. 

Ici, aucune difficulté, les moutons sont habitués au bruit des machines agricoles. "L'étape la plus difficile a été d'apprendre aux moutons à se coucher. Ce n'est pas forcément lié à l'animal, c'était nous qui ne savions pas comment initier le comportement", se souvient Camille Pluchot. Finalement, la technique de la récompense fait ses preuves.

"Une fois que tous les comportements nécessaires pour l'examen IRM étaient appris avec la fausse IRM, on est passés à la vraie salle IRM. On a commencé en septembre 2022", poursuit Camille Pluchot.

Bien préparés, les moutons sont tout de suite réceptifs et s'installent sur la table, après avoir emprunté la rampe qu'ils avaient utilisée dans la bergerie. "Incroyable", commente l'étudiante. 

On va jamais forcer. C'est vraiment super important pour nous d'avoir des moutons qui viennent travailler par eux-mêmes. C'est vraiment notre philosophie de travail.

Camille Pluchot, étudiante en 3e année de thèse

Une fois confrontés à la véritable machine, les moutons ont tout de même eu quelques difficultés à rester parfaitement immobiles. "Quelques semaines ont été nécessaires pour que les moutons s'habituent aux vibrations de la machine et ne bougent plus pendant plusieurs minutes", souligne l'INRAE, au travers d'un communiqué de presse. 

Les premières images exploitables, appelées acquisitions, sont enregistrées en novembre 2022. D'abord pour six des dix moutons, puis pour 9 des animaux, elles sont comparables à celles réalisées sur des moutons sous anesthésie générale.

Sur les 10 moutons du groupe, 9 animaux restent immobiles au moment des examens IRM. © Camille Pluchot

 

"J'y ai toujours cru, mais ce n'était pas le cas de tout mon entourage. On me demandait souvent, si ça ne fonctionnait pas, quel serait le plan B", confie Camille Pluchot.

L'expérience se poursuit encore aujourd'hui, pour l'équipe de recherche. "En ce moment, on fait des expérimentations. On diffuse du son dans les oreilles des moutons et en fonction du type de son, on regarde l'activation au niveau du cerveau", indique Camille Pluchot. 

"Le succès de ce protocole ouvre déjà des perspectives pour la recherche en neuro-imagerie animale"

Selon l'INRAE, "la validation de ce protocole ouvre de perspectives pour entraîner d'autres animaux afin de pouvoir effectuer des examens IRM à l'état vigile. Les résultats de cette coopération volontaire entre l'entraîneur et le mouton illustrent les capacités d'apprentissage de cet animal, soulignant également l'importance de la relation homme-animal dans le développement de méthodes novatrices". 

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