Près d’une dizaine de collèges se sont mobilisés en ce jour de rentrée scolaire pour dire non au "choc des savoirs" lancé par Gabriel Attal. En soutien aux enseignants, les parents d’élèves étaient invités à ne pas amener leurs enfants en classe. Une journée "collège mort" pour protester contre les futurs groupes de niveaux dès la rentrée de septembre.
Précurseur de cette mobilisation, le collège Léonard de Vinci à Tours avait déjà organisé une journée "collège mort", le 19 février pour protester contre ces groupes de niveau. Après une assemblée générale inter-établissements l’idée a été reprise par 9 établissements sur les 55 que compte le département d’Indre-et-Loire.
Au collège Corneille de Tours ce lundi matin, la quarantaine d’enseignants de l’établissement a choisi de participer à cette journée "collège mort" avec des surveillants et des parents. Sylvain Caberty, professeur de SVT, précise "On est là pour encadrer les éventuels élèves mais on ne fait pas de cours aujourd’hui. On n’a que 4 élèves sur 480 qui sont présents." Il se félicite du soutien et de la mobilisation des parents qui ont été près de 200 à signer une pétition quand les professeurs leur ont expliqué l’enjeu de cette réforme.
Les groupes de niveau, "c’est inacceptable de proposer un tel système"
Sylvain Caberty est un professeur en colère "Le fond est catastrophique pour les élèves. C’est inacceptable de proposer un tel système sachant que des spécialistes, des scientifiques ont travaillé depuis 40 ans dessus et ont tous dit que c’était ridicule, que ça ne fonctionnait pas." Myriam Tiercelin, professeure d’histoire-géo intervient : "On rejette totalement l’aspect pédagogique de cette réforme qui invite à trier les élèves et à homogénéiser les groupes."
C’est une véritable catastrophe pédagogique pour nous qui avons été formés à l’hétérogénéité, à la différenciation et qui voyons sur le terrain l’intérêt primordial de l’hétérogénéité des élèves.
Myriam Tiercelin, professeure d’histoire-géographie
Le collège Corneille compte aussi des ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire) qui pourraient être touchées par cette réforme du "choc des savoirs".
Les classes Ulis également impactées
"Les ULIS seront clairement impactées, explique Sylvain Caberty. "Ce sont des élèves qui sont dyslexiques, dysorthographiques et ils sont déjà inclus dans les classes. Ils sont 5 maximum par niveau, en 6ème, 5ème, 4ème et 3ème et donc on peut imaginer que ces élèves se retrouveront en 6ème et 5ème, soit dans des groupes de besoin des élèves en difficulté, soit éventuellement dans les groupes qui ont plus de facilités mais je ne vois pas trop comment c’est possible. Donc en fait, ils seront dans des groupes avec d’autres élèves en difficulté alors que ces élèves-là, mis à part leur dyslexie ou leur dysorthographie, ont une compréhension totalement normale. Ils ont besoin d’être avec des élèves qui vont être en réussite, qui peuvent éventuellement leur lire certains textes, leur expliquer certaines choses où ils seront capables d’une réflexion pertinente et autre. Donc eux, ils seront clairement impactés et seront sûrement dans des groupes d’élèves en difficulté. Ça sera terrible pour eux."
Myriam Tiercelin de rajouter
Ce qui est hallucinant, c’est que cette réforme va totalement à l’encontre des textes sur l’école inclusive qui nous demande d’inclure des élèves en difficulté dans des classes hétérogènes pour favoriser la stimulation et pour progresser.
Myriam Tiercelin, professeure d’histoire-géographie
Myriam Tiercelin ajoute : "C’est une très forte contradiction de valeurs défendue dans cette réforme qui ne correspond pas du tout à ce qu’on prône depuis des années, d’où cette colère".
Dans le Nord ouest du département, Tatiana Berger est représentante des parents d’élèves élus au Conseil d’Administration du collège de Savigné-sur-Lathan. À 16h30, les parents qui avaient pu se libérer de leur travail et les enseignants étaient rassemblés devant le collège. "Ce lundi matin 57 élèves étaient présents dans l’établissement, soit 18% des effectifs. L’investissement des parents pour soutenir les professeurs est plutôt encourageant." Elle ajoute "Pour avoir échangé avec des élèves, ils ne sont pas forcément d’accord avec ce système de groupes de niveau. C’est stigmatiser les élèves, ils auront déjà une étiquette collée dans le dos." Mettre cette réforme en place, alors que les moyens humains manquent déjà, ce serait aussi mettre en danger, voire supprimer des options. "On est peut-être un collage rural mais depuis une dizaine d’années on a des options très intéressantes comme le Latin et le crossfit et elles peuvent être amenées à disparaître." Elle conclut "Sachant qu’on a une classe qui ferme l’année prochaine, ça risque d’être encore plus compliqué pour mettre en place ces groupes." Les parents d’élèves se sont aussi réunis avec les professeurs et le président de la communauté de communes Touraine Ouest val de Loire, qui a alerté le DASEN (Directeur Académique des services de l’Education Nationale) sur les risques de cette réforme.
Sylvain Caberty, professeur au collège Corneille conclut "Pour l’instant il n’existe aucun texte officiel sur ces groupes de niveau ou de besoin, chaque établissement travaille depuis des mois, des semaines sur une absence totale de textes donc on navigue complètement à vue." De nouvelles journées de mobilisation sont déjà prévues.