Ces dernières années le gouvernement a voulu développer les contrats en alternance. Former la jeunesse au plus près des entreprises et répondre à leur besoin est un enjeu. Quelle place auront ces apprentis dans une économie post-covid où les entreprises sont surtout soucieuses de redémarrer ?
De mai à octobre, traditionnellement, c’est la période ou les jeunes qui souhaitent faire un contrat en alternance se mettent en quête d’une entreprise susceptible de les accueillir. Cette année, avec la crise du Covid-19, beaucoup craignent que cela soit plus compliqué. Pour Gérard Bobier, Président de la chambre des Métiers et de l'artisanat d'Indre-et-Loire : " les feux sont au clignotant orange ". Mais il se réjouit déjà qu’il n’y ait pas eu " de rupture de contrat d’alternance en cours ". Pour autant, tout le monde sait qu’il va falloir changer ses habitudes, du " monde d’avant " ; quand les étudiants, CV sous le bras, partaient directement toquer aux portes des enreprises pour se présenter. Aujourd’hui, avec les mesures sanitaires, parfois drastiques mises en place dans les entreprises, beaucoup hésitent et préférent opter pour l’envoi de leur CV par mail.
Les Centres de formations ont dû s’adapter
Pour le Campus des métiers d’Indre-et-Loire, situé à Joué-Lès-Tours, l’annonce du confinement a tout bousculé. Surtout que le hasard a fait que le 16 mars, jour de l’annonce du confinement, coïncidait avec leur journée " portes ouvertes ". Une journée " compliquée " pour son directeur, Benjamin Dechelle : " On a dû tout annuler au dernier moment, alors que nous étions prêts. C’est une journée très importante pour nous, puisque nous accueillons à chaque fois 2 500 personnes. " Entre les repas déjà commandés et la campagne publicitaire en amont, le campus des métiers avait déjà mis sur la table 15 000 euros. Il a fallu aussi gérer l'après car, comme toutes les formations, les CFA ont dû tout réinventer : " On a toujours gardé des échanges avec nos entreprises habituelles. En revanche, c’est plus compliqué pour la prospection de nouvelles entreprises car, soit elles étaient fermées, soit elles étaient débordées par le travail " et "c’est pire depuis la reprise ", constaste Benjamin Dechelle, directeur du Campus des métiers, pourtant " il va bien falloir trouver des entreprises pour nos jeunes."
L’importance de la relation avec les entreprises
Pendant le confinement, le service prospection du Campus des métiers est resté ouvert. Il a dû redoubler d'effort et d'inventivité. Pendant 2 mois ce service, composé de 4 personnes et spécialement dédié à la recherche d’entreprises, a organisé plus de 300 entretiens en visioconférence, avec des jeunes répartis sur tout le territoire national. Maintenant, une fois les fiches enregistrées, il faut aussi réussir ce qu'ils appellent " le mariage " entre l'apprenti et une entreprise : " Même les apprentis nous disent que, quand ils appellent, cela commence à repartir. Surtout, on leur répond. J’espère qu’aux mois de juin et juillet cela sera plus dynamique. " nous confie Benjamin Dechelle, directeur du Campus des métiers 37. Déjà, il va falloir que les entreprises se relèvent de cette crise du covid - 19. Pour Gérard Bobier, président de la chambre des métiers 37 : " Certaines entreprises ont subi des pertes de chiffre d’affaire importantes soit, du fait de la fermeture administrative décidée par l’Etat, soit, même si elles restaient ouvertes, du fait de la baisse générale de l'activité. Beaucoup d'entreprises accusent une perte de CA qui va de 20 à 70 %. "
Le gouvernement a étendu les aides aux apprentis
Il va donc falloir attendre quelques mois, avant de mesurer plus précisément l’impact du Covid-19 sur les contrats d’apprentissage. Pour amortir ce trou d’air, le gouvernement a souhaité prendre les devant en annonçant, le 4 juin, des mesures destinées à élargir l’aide aux apprentis jusqu’à bac + 3. Ces mesures d’urgence ont pour but d’inciter les entreprises à recourir aux apprentis, malgré les difficultés éventuelles liées au covid-19. Il a aussi été décidé d'élargir les périodes de formation ou de recherche d’entreprises. Toutes ces mesures doivent permettre à chaque étudiant d’avoir le temps de se retourner et de ne pas louper son année d’apprentissage. Pour Gérard Bobier : " la rallonge gouvernementale de 900 euros par an, n’est pas assez incitative ". Et, au-delà du volet financier, il pense que " les chefs d’entreprise vont sûrement déjà concentrer leurs efforts pour faire redémarrer leurs entreprises, avant de consacrer du temps à la formation d’un jeune. "
L’alternance, une voie encore prisée par les entreprises
Malgré ce trou d’air économique, il faut que l’alternance reste une voie prisée par les entreprises. Si, ces prochains mois, il y a une baisse des contrats d’apprentissage, nous pourrions avoir dans certaines branches " un manque de main-d’œuvre et de personnels formés ". Ces derniers pourraient manquer cruellement aux entreprises ces prochaines années. Du côté des formations, beaucoup espèrent, qu’à la rentrée de septembre, il n’y a aura pas trop de mesures sanitaires contraignantes. " Pour des jeunes, commencer l’année avec de la distanciation sociale, cela peut être compliqué ", nous dit Benjamin Dechelle, directeur du Campus des métiers 37. Pour autant il se dit prêt : " Nos enseignants et nos apprentis ont montré leur capacité à rapidement s'adapter. On verra s’il faudra faire plus de formations à distance à la rentrée prochaine." Peut-être, qu'avec cette crise, sont nés ce qu'on peut appeler les " futurs télé-alternants ". Mais en terme de formation, surtout dans les métiers manuels où la précision du geste prime, rien ne remplacera l’exercice en direct, guidé par un maître d’apprentissage.
L'apprentissage en quelques chiffres
Rappelons que le contrat d’apprentissage est un contrat de travail.En 2019, le nombre d’apprentis a bondi de 16%, et il aurait bénéficié à près de 500 000 jeunes sur l’ensemble du territoire français.
En Indre-et-Loire, près de 6 500 jeunes suivent une formation en alternance, divisant leur temps entre l’école et une entreprise.
Le gouvernement vient de réformer l’apprentissage, dans le but de le « simplifier » mais aussi de l’ouvrir au privé, avec par la possibilité donnée aux entreprises de créer leurs propres CFA.