La tribune publiée sur le site contre-attaque le 19 novembre a recueilli l’adhésion de 80 libraires indépendants. Elle appelle à boycotter les éditions du groupe Hachette acquis par Vincent Bolloré qui confèrent désormais au milliardaire une place hégémonique dans le secteur des livres.
Fayard, Grasset, Stock... en rachetant le groupe Hachette, Vincent Bolloré s’est emparé des plus importantes maisons d’édition du secteur. Une prédominance dangereuse pour les dizaines de libraires signataires d’une tribune qui appellent à un boycott difficile à tenir.
Extrait de la tribune "Ne laissons pas Bolloré et ses idées prendre le pouvoir sur nos librairies" :
"Principal groupe éditorial français et premier distributeur de livres en Europe, Hachette est aussi une machine marketing bien rodée : à grands coups de publicité et de communication, pour lesquelles le groupe emploie tous les médias dont il dispose, le cynisme mercantile se met au service des plus sombres paniques morales, racistes, sexistes et transphobes. Derrière cela, la mission civilisationnelle d’un homme : Vincent Bolloré. Il a fait de l'accession de l’extrême-droite au pouvoir son objectif, à tout prix" .
Une résistance pas facile à tenir
Renoncer aux livres édités par le groupe Hachette, dans les faits, la résistance n’est pas facile à tenir. Exemple en Touraine. À la librairie L’oiseau-Vigie de Saint Pierre-des-Corps, le livre de Gaël Faye "Jacaranda" figure en bonne place sur la table des nouveautés. Le roman est paru chez Grasset. La libraire peut cependant difficilement faire l’impasse sur le prix Renaudot 2024. "D’abord parce que c’est un bon livre" explique Fabienne Yvain, signataire de la tribune. "Cette parution illustre très bien les difficultés que nous rencontrons à boycotter les livres édités par le groupe Hachette". D'autant qu'aucune vente n’est négligeable pour les librairies indépendantes à la trésorerie fragile.
En revanche, Fabienne Yvain s'est refusée, tout comme une partie de ses homologues, à mettre en avant le livre du président du Rassemblement national, Jordan Bardella (Ce que je cherche - Fayard- nov 2024), notamment pour protester contre le licenciement de la directrice de publication des éditions Fayard. "Nous le vendons sur commande comme la loi Lang nous y oblige et quand les acheteurs viennent retirer leur livre, je reste aimable, je refuse d’être sectaire, je ne suis pas là pour juger" avance la libraire.
"C’est impossible de s’en passer"
Prédominant dans l’édition, le groupe Hachette possède également un réseau de distribution. Il est incontournable. Brigitte Desbois tient la librairie le Café la Vagabonde à Tours. La libraire, signataire elle aussi de la tribune, se refuse cependant à boycotter les petites maisons d’éditions indépendantes qui sous-traitent leur distribution au groupe Hachette. "Ces sociétés d’édition indépendantes reflètent à travers leurs publications une diversité de points de vue. Il ne faut pas qu’elles disparaissent".
S’il est impossible de s’émanciper des contraintes liées à la concentration des éditeurs dans le marché du livre, les libraires veulent interpeller leurs lecteurs sur la nécessité de rester vigilants face à l’expansionnisme du milliardaire. "Il est très puissant. C'est effrayant", conclut Brigitte Desbois qui évoque une "bataille des imaginaires".