Baisser la production des réacteurs nucléaires n’est pas la seule arme utilisée par les grévistes : le blocage des travaux d’entretien ou de remise à niveau de plusieurs tranches pourrait désorganiser leur planification et créer, cet hiver, des difficultés d’approvisionnement en électricité, au moment où la consommation sera la plus forte.
A la centrale d’Avoine, en Indre-et-Loire, l’un des quatre sites nucléaires que compte la région Centre-Val de Loire, la grève a débuté véritablement le 6 mars dernier. Une grève d’autant plus dure que les agents d’EDF se sentent doublement touchés par le projet de réforme des retraites : aux deux années de travail supplémentaires s’ajoutent la disparition de leur régime spécial. Au plus fort de leur mouvement, ils étaient près de 70 % à se mettre en grève.
Impossible, comme cela se pratique dans d’autres sites nucléaires, de baisser le niveau de production électrique de la tranche B3 pour laquelle un arrêt de maintenance de 60 jours est prévu dès le mois d’avril. Impossible également de réduire la production du réacteur B2, déclaré « non- manœuvrable » jusqu’au jeudi 16 mars.
Restait un autre levier, pour les agents grévistes : empêcher les arrêts de tranche, qui sont régulièrement prévus pour réaliser des opérations de maintenance, de contrôle ou de remise à niveau. Avec pour effet de retarder leur remise en service et la désorganisation de la planification des travaux pour l’ensemble des sites.
"Chinon 1" arrêté pendant 265 jours
Ainsi, la tranche B4 devait être stoppée pendant 25 jours pour en changer le combustible. Bloqué depuis le 6 mars cet arrêt ne peut dans l’immédiat être envisagé. Cette tranche ne pourra en tout état de cause pas être rebranchée au réseau électrique le 28 mars comme cela était prévu.
Les perspectives s’annoncent encore plus sombres pour l’unité 1. Il était prévu, pour prolonger d’une dizaine d’années la durée de vie de cette tranche vieillissante d’y effectuer des travaux de contrôle et de remise à niveau en profondeur. Un énorme chantier qui doit durer au moins 265 jours. Ces travaux ont d’abord été bloqués pendant quelques jours, au début du mois de février, avant de pouvoir reprendre. Ils sont à nouveau arrêtés depuis ce lundi 13 mars au matin. Il paraît aujourd’hui peu probable que cette tranche puisse de nouveau produire fin décembre ou début janvier comme prévu initialement.
Sur les chantiers, les retards s’accumulent
Au total, ce sont à présent onze centrales françaises dont les arrêts de tranche sont bloqués ou perturbés. Une situation d’autant plus préoccupante que le site de Velaines, dans la Meuse, où sont centralisées les pièces de rechange pour y être stockées, est lui aussi bloqué. Hormis les éléments de sûreté, aucune pièce ne peut actuellement sortir du site.
Sur les chantiers restant opérationnels, les retards s’accumulent. Et la planification de ces travaux, qui doivent être en principe coordonnés entre les différents sites français, s’en trouve mécaniquement désorganisée. Avec un risque : l’impossibilité, pour le parc nucléaire français, de faire face à la demande d’énergie lorsqu’elle sera la plus forte, pendant la prochaine période hivernale.
La centrale de Saint-Laurent entièrement bloquée ce mercredi 15 mars
"Quelle que soit la durée de notre mouvement, ces travaux devront de toute façon être menés. EDF sera alors sans aucun doute contrainte d’acheter de grandes quantités d’énergie pour pallier l’absence de production des sites qui seront en travaux simultanément" estime Nicolas Josset, délégué syndical CGT-CNPE Chinon. Selon lui, "avec 30 à 35 % de grévistes chaque jour sur le site de Chinon, les agents se montrent toujours aussi déterminés".
Une nouvelle action d’envergure est prévue, ce mercredi 15 mars : l’intersyndicale EDF appelle au blocage de la totalité de la centrale de Saint-Laurent-Nouan (Loir-et-Cher) dès 5h du matin. Des salariés grévistes des autres sites de la région doivent venir se joindre à cette action. Entre 100 et 150 personnes pourraient ainsi venir de la centrale d’Avoine.