Le projet de retenue d'eau, trois hectares pour une capacité de 80 000 m3, sur l'exploitation La Fontaine située à Chaveignes, dans le Richelais, a été validé par la Direction Départementale des Territoires le 6 octobre dernier. La Confédération Paysanne et l'association SEPANT viennent de déposer un recours gracieux en préfecture. Une manifestation est organisée ce samedi, alors que le porteur du projet semble avoir renoncé à la construction.
Plus de 85 0000 € d'investissement, une digue de trois mètres de haut et une superficie de trois hectares pour stocker 80 000 m3 d'eau : ce projet dans l'extrême Sud de l'Indre-et-Loire (pays de Richelieu), pourtant imposant, a bien failli passer sous les radars des défenseurs de l'environnement.
En se situant juste sous les seuils réglementaires, l'EARL La Fontaine, pensait pouvoir creuser sa bassine privée via une simple déclaration à la DDT (Direction Départementale des Territoires), sans passer par une enquête publique et une étude d'impact approfondie.
Mais la Confédération Paysanne de Touraine et la SEPANT (Société d'Etude, de Protection et d'Aménagement de la Nature en Touraine) ont finalement eu vent de ce projet, signé par la DDT le 6 octobre dernier (ce qui équivaut à un accord pour le démarrage des travaux).
L'association et le syndicat agricole se sont associés pour adresser un recours gracieux à la préfecture d'Indre-et-Loire le 5 décembre (dans le délai légal de deux mois).
Mégabassine ou retenue collinaire ?
De forme carrée, nivelée avec de la terre sur ses bords, étanchéifiée par une bâche plastique, la retenue de Chaveignes ressemble trait pour trait aux mégabassines du marais poitevin. Mais il y a une différence essentielle : il n'est pas question dans ce projet d'aller puiser de l'eau dans les nappes souterraines.
"Cette bassine doit être alimentée uniquement par le ruissellement du bassin au-dessus d'elle, ce qui l'apparente plutôt à une retenue collinaire, explique Gilles Deguet, administrateur de la SEPANT. Mais le porteur de projet reconnaît lui-même qu'il se servira dans la Veude lorsque le ruissellement sera insuffisant. On en revient donc au concept de bassine avec un prélèvement en milieu naturel."
À la différence des mégabassines, la retenue de Chaveignes n'est destinée qu'à un seul agriculteur :
"Il ne peut pas prétendre à des aides de l'Agence de l'Eau, reprend Gilles Deguet. Cela lui permet d'aller plus vite, mais le coût de la retenue d'eau lui incombe intégralement. L'équilibre économique de l'opération repose sur le fait qu'il aura suffisamment d'eau pour remplir sa bassine. Et c'est ce qui nous inquiète, car il risque fort d'être tenté de prélever dans le milieu naturel."
L'agriculteur jette l'éponge
Joint au téléphone, Olivier Maréchaux, responsable de l'EARL La Fontaine à Chaveignes, affirme, au contraire, qu'il souhaitait limiter les prélèvements :
"Je voulais éviter de pomper de l'eau dans la Veude en plein été, ce qui est ridicule, en captant l'eau de pluie qui tombe en hiver, comme en ce moment. Je ne voulais surtout pas d'argent public, j'avais donc prévu de mettre des panneaux solaires sur la retenue, pour m'aider à la payer. Mais ça coûte trop cher par rapport aux bénéfices que je peux en tirer, alors j'abandonne."
À l’évidence, Olivier Maréchaux estime que son projet n'a pas été compris et il semble blessé par la levée de boucliers qu'il a suscitée. Les opposants aux bassines affirment pourtant qu'ils n'ont rien contre lui, qu'ils le respectent et estiment même qu'il est dans son droit :
"Ce n'est pas lui ou son projet que l'on attaque, affirme Gilles Deguet, mais l'enregistrement de cette déclaration par la préfecture, qui conduit de fait à son autorisation. S'il renonce à son projet, tant mieux, mais s'il tente de le faire, on se réserve la possibilité de poursuivre en contentieux."
La manifestation maintenue
Bien que l'agriculteur ait déclaré renoncer à sa bassine, l'appel à manifester (samedi 16 décembre, 14h30, place du Chapeau Rouge à Champigny-sur-Veude) a été maintenu.
"Cela crée un précédent dans le département, explique Albine Lombard, référente en Indre-et-Loire des Soulèvements de la Terre. La DDT a donné un avis favorable, à partir d'une étude présentée par le porteur de projet lui-même. Nous voulons dissuader les agriculteurs d'Indre-et-Loire de se lancer dans ce genre de projet. Alors que les rivières s'assèchent, que les restrictions de prélèvement de la Préfecture arrivent de plus en plus tôt, en particulier dans la Veude, ce n'est pas acceptable."