135 000 m3 de terres, issues du chantier du nouvel hôpital Trousseau à Tours, vont être revalorisées pour l'agriculture. La première phase de travaux, démarrée à la mi-juillet, s'est terminée le 20 septembre. En octobre, après la fin du ballet des camions, la phase agricole commencera par une implantation de végétaux.
Nathaniel Beaumal a été ingénieur des BTP et il avoue avoir jeté des montagnes de terres de remblais après les chantiers, à la déchetterie. Petit-fils d'agriculteur, il se désolait de ce gâchis. Chaque année en France, 160 millions de tonnes de terre sont extraites des chantiers. Les entreprises dépensent deux milliards d’euros pour s’en débarrasser. "Cette pratique coûte cher à l'économie, et également à l’environnement. Alors, j'ai eu une idée...", raconte-t-il : en 2018, il fonde la société Terra Innova avec Pierre Anfray, un agronome spécialisé en microbiologie. "Nous faisons de la reconstitution de sol agricole. Dans ces volumes, il y a certes du déblai, mais aussi du sol limoneux, argileux, et de la matière fine. Ensuite, nous offrons aux cultivateurs un suivi sur 2 à 3 ans. On les conseille sur la succession de plantes à ensemencer pour avoir un retour de fertilité. Toute l'opération est gratuite pour eux."
Quand Mathieu Spieldenner, directeur de travaux chez Guintoli, répond à l'appel d'offre du CHRU de Tours pour le nouvel hôpital, il propose à Nathaniel, son ancien salarié, de s'y associer. Cette "renaturation" de terres excavées provenant de chantiers est une première dans la région. "D'habitude les sols sont décapés et on remet de la terre végétale, mais derrière, il n'y a rien, aucune prescription agronomique. Là, c'est le chaînon manquant entre les métiers de l'agriculture et ceux du bâtiment." L'opération génère également un moindre coût pour l'hôpital car la distance est bien plus courte entre le chantier et les lieux de stockage. Ici, les parcelles agricoles choisies se situent à moins de vingt kilomètres…
Grâce à Ivy Mouchel, le directeur des services techniques du CHRU, les travaux ont été réalisés en période d'"inter-cultures", soit entre les moissons et les semailles. "C'est cela qui a été le plus important. Il fallait synchroniser la phase de terrassement avec l’été. Quand on intervient, on fait en sorte que les vers de terre ne meurent pas. Plus il fait chaud, plus ils sont en profondeur et donc mieux c’est !", explique Nathaniel Beaumal. L'opération permet d'augmenter l'épaisseur des sols arables, en particulier sur des terrains où la pierre était proche de la surface. "On va créer des strates : d'abord de l'argile puis de la terre limoneuse sur 25 cm. J'ai hâte de voir le résultat dans 3 ans.", ajoute Mathieu Spieldenner.
Deux des cultivateurs partenaires travaillent en conventionnel, et un autre en agriculture de conservation des sols. Nathaniel Beaumal se réjouit : "Il n’avait pas travaillé sa parcelle depuis 15 ans ; c’est un allié important pour nous dans cette aventure. Car, parfois, au bout de deux ans, nous n'avons pas encore de résultat tangible."
Dès octobre, après la fin du ballet des camions, la phase agricole commencera par une implantation de végétaux. A la fin de l'opération, 25 hectares (l'équivalent de 30 terrains de football) auront été bonifiés sur 5 parcelles différentes.