Climat. L'agriculture séchée par un été 2022 caniculaire est à la recherche d'adaptation

Face à des températures extrêmes, des sols desséchés et des réserves d'eau diminuées, l'agriculture s'est pris de plein fouet les aléas climatiques et les restrictions qui l'accompagnent. Des pistes sont à l'étude pour sauver le monde agricole en Centre-Val de Loire. Le troisième épisode de notre série de trois articles.

"La sécheresse de 2022 est bien pire que celle de 1976." Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau n'y avait pas été avec le dos de la cuillère, le 22 août à la sortie du comité de sécheresse. Malgré les aides annoncées par le ministre à cette occasion, ce ne sont pas les agriculteurs du Centre-Val de Loire qui diraient le contraire. Les événements climatiques de l'été ont fortement impacté les 2,4 millions d'hectares de surface agricole utile de la région. 

Les restrictions concernant l'irrigation n'ont jamais été aussi vastes sur le territoire. Au climax de la crise, le 25 août, 73% du Centre-Val de Loire étaient en état de crise. Lorsque ce niveau est déclaré, l'arrosage des cultures est strictement interdit. Or, cette année les interdictions ont commencé tôt et tardent à finir. 

Ces restrictions permettent de diminuer la tension sur la ressource en eau et de privilégier les usages essentiels : l'eau potable et quelques industries primordiales. Les conséquences sur l'agriculture ne se sont pas fait attendre. Les éleveurs peinent à nourrir les bêtes alors que les pâturages crament.

Hervé Brulé, directeur de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement du Centre-Val de Loire, fait état d'une diminution de 30 à 50% de fourrage. Pour l'Union Nationale des Producteurs de Pomme de Terre, c'est la pire récolte du XXIe siècle avec des baisses de rendements de l'ordre de 20 à 30% selon les régions. Les rendements de l'activité agricole irriguée (maïs, fourrage, tournesols, etc) ne sont pas encore précisément connus, mais les agriculteurs sont anxieux. A ces sécheresses s'ajoutent également les épisodes de grêle particulièrement dévastateurs.

En attendant un examen plus précis, le ministère de l'Agriculture s'est pressé d'annoncer des aides : report des cotisations sociales des agriculteurs, exonération de la taxe sur le foncier non bâti, dérogations aux exigences des cahiers des charges pour un certain nombre d'appellations contrôlées et versement d'un acompte plus important sur les aides liées à la politique agricole commune (PAC). Inquiets par rapport aux assurances, certains demandent de meilleures garanties. 

Ces phénomènes de sécheresse, bien que loin d'être nouveaux, pèsent aujourd'hui plus que jamais sur les agriculteurs. Si tous les agriculteurs ne sont pas au même stade d'information et d'adaptation, il n'y en aura plus un pour contredire l'existence du changement climatique. "Cet été aura fini de convaincre les plus réticents", plaisante Christophe Beaujouan, conseiller climat à la Chambre d'agriculture régionale. 

Objectiver le changement climatique pour mieux le comprendre

Dans son service, Christophe Beaujouan a développé un outil, Oracle, qui permet aux agriculteurs de visualiser comment le changement climatique se concrétise chez eux. "Avec Oracle on objective le changement climatique avec des données passées et indiscutables et on évacue le système de projections climatiques qui peut paraître abstrait et lointain.

Le conseiller climat sélectionne des paramètres précis et parlants pour sa cible, comme, par exemple, le nombre de jours chauds et très chauds par an.

Pour un agriculteur savoir qu'on a trois fois plus de jours chauds aujourd'hui qu'il y a 20 ans, c'est du concret. Parce qu'il sait qu'au dessus de 25° tout se détraque : les vaches sont stressées, ne produisent plus de lait ou que leurs cultures peinent à pousser.

Christophe Beaujouan, conseiller climat à la Chambre d'agriculture régionale

Une fois les données posées sur la table, prendre des mesures pertinentes et efficaces peut être plus simple. Le monde viticole, lui, a pris les devants depuis un moment. Des porte-greffes - la partie inférieure de la vigne qui peut durer presque un demi-siècle - ont été changé pour être résistant à la sécheresse ou encore au phylloxéra, un ravageur. "On a pas attendu cet été pour changer nos méthodes", s'exclame Michel Badier, chargé de mission viticulture à la Chambre d’agriculture du Loir-et-Cher.

S'ils tentent de s'adapter, cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas touchés par le changement climatique. Les fortes températures ont provoqué un retard de croissance des vignes. "Les raisons ont dû être récoltés environ 5 ou 6 jours en retard par rapport au débourrement (le moment où les bourgeons sortent, ndlr)", rapporte Michel Badier.

Malgré ce délai, les vendanges sont quand même en avance cette année. C'est la quatrième fois en cinquante ans qu'ils vendangent si tôt. Par la faute d'un hiver très doux, les bourgeons ont éclot très tôt dans l'année, vers fin mars, et ce n'est pas sans conséquences, comme l'explique Michel Badier : "Le risque avec cette hyper précocité des végétaux, c'est que nous sommes surexposés à des cas de gel qui peuvent se produire en avril."

Travail caniculaire pour un vin plus fort

Cela implique des vendanges en plein été : impossible de récolter la journée comme c'est l'habitude, les ouvriers viticoles sont obligés d'arpenter les plants de vignobles la nuit pour que le raisin ne soit pas trop chaud. Ce changement climatique pourrait même avoir des effets bénéfiques : le raisin est plus mature, plus chargé en sucre et donc en alcool. 

Ce qui est certain, c'est aussi que toutes les cultures ne sont pas touchées de la même façon et qu'elles ne peuvent toutes s'adapter de la même manière. Les vignes sont des cultures de terre sèche.. pour les cultures ultra demandeuses en eau tel le maïs, c'est une toute autre histoire. 

S'adapter et réduire sa consommation

En juin, l'agence de l'eau Loire-Bretagne a rallongé une enveloppe qui atteint 4 millions d'euros à destination d'éleveurs souhaitant faire des économie d'eau. Des solutions sont également proposées pour améliorer l'irrigation. Certains se tournent vers la technologie. C'est notamment le cas dans des lieux comme l'AgreenTech Valley, à Orléans, qui regroupe des start-ups dédiées aux technologies numériques pour le végétal. 

D'autres appellent à changer de mode de production et de cultures. Gonéri Le Cozannet, co-auteur du deuxième volet du rapport du Giec sur l'adaptation, s'interroge sur la question de la ressource en eau. "L'adaptation se résume souvent à tenter de faire parvenir de l'eau là où il manque. Trop souvent on va chercher à fournir de l'eau sans forcément demander aux acteurs (ménages, agriculture, industries) de réduire leur consommation. Nous devons aussi nous préoccuper de la demande, et pas seulement de l'offre."

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