Climat. Un été 2022 historique et meurtrier mais tout n'est pas perdu

Températures extrêmes, vagues de chaleur, précipitations absentes, la Loire quasiment à sec et feux de forêts, les scénarios catastrophes se sont enchaînés depuis juin. En Centre-Val de Loire, plusieurs records météorologiques ont été battus en cet été 2022 qui va marquer pendant longtemps l'histoire de la région. Mais tout n'est pas désespéré, des leviers d'action existent.

Nul besoin d'être expert : cet été, il a fait chaud, il a même fait très chaud. Mais ces vagues de chaleur étouffantes qui nous ont tous marqués ne sont pas des événements isolés. "C'est un avant-goût de 2040-2050", explique calmement Gonéri Le Cozannet, co-auteur du rapport du groupe II du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) sur les conséquences, l'adaptation et la vulnérabilité face au changement climatique. 

Les évènements extrêmes dont nous avons été témoins cet été sont, sans nul doute, une manifestation évidente du changement climatique. "Avec ces vagues de chaleur, la tension sur les ressources en eau et ses conséquences, à l'image des feux de forêts, on sort clairement de la normale telle qu'on pouvait la connaître au début du XXe siècle, expose Gonéri Le Cozannet. 100% du réchauffement est dû aux émissions de gaz à effet de serre donc des émissions issues de la combustion des énergies fossiles et des activités agricoles." Mais alors comment le changement climatique s'est traduit cet été dans notre région ? 

"Tout l'été, les températures ont été au-dessus des moyennes de saison", analyse Philippe Boissel, référent territorial pour le Centre-Val de Loire à Météo-France. L'été 2022 est d'ailleurs le deuxième été (juin, juillet et août) le plus chaud depuis la mi-XXe siècle, juste après l'été caniculaire meurtrier de 2003. 

D'autres records ont été battus cet été : le thermostat a indiqué plus de 25 ° pendant 77 jours et plus de 30 ° pendant 28 jours. Un indicateur précieux pour les agriculteurs qui risque bien ne pas s'arranger : l'Insee a annoncé qu'il ferait anormalement chaud au moins 16 jours par an en Centre-Val de Loire.

Les mémoires collectives retiendront également les vagues de chaleur successives. Assez exceptionnel, l'été aura été marqué par quatre pics de chaleur, dont le premier a été très précoce. Au 18 juin, il faisait 39 ° en moyenne dans la région, avec un record absolu de 43,9 ° à Prunier, dans l'Indre. 

En termes de températures, on s'inscrit tout à fait dans la logique du changement climatique. Les cinq années les plus chaudes depuis 1959 font toutes partie de la décennie passée.

Philippe Boissel, référent territorial à Météo-France

Contrairement aux apparences, l'été 2022 a été très contrasté et n'est pas franchement en deçà des normales (moyenne des 30 dernières années) concernant les précipitations. Si juillet et août ont été très secs (respectivement 71 % et 47 % de déficit par rapport à la normale), juin aura été particulièrement pluvieux (+ 109 % d'excédent). Parfois sous la forme d'orages très violents, comme celui du 19 juin dont la grêle a ravagé des forêts privées du Loir-et-Cher et mobilisé pas moins de 500 pompiers sur 200 interventions en une seule nuit dans l'Indre.

Ces fortes pluies de juin n'ont pas suffi à recharger les nappes phréatiques déjà en souffrance après un hiver (trop) doux. Marie Servière, hydrogéologue à la Direction Régionale Centre Val-de-Loire du BRGM, constate que les niveaux des nappes sont particulièrement bas à la fin de l'été. "Le déficit pluviométrique, constaté par Météo France cet hiver, a limité la recharge des nappes. En région Centre Val de Loire, les cinq dernières années ont été particulièrement marquées par la récurrence des épisodes de sécheresse avec quatre années déficitaires ; pour une seule année normale en 2021". Dans neuf cas sur dix, les points d'eau, qui servent d'indicateurs, sont inférieurs aux moyennes de saison.   

Des répercussions dans les années à venir

Pour 37 % des nappes suivies dans la région, c'est l'année la plus sèche de la décennie. Pour Marie Servière, la recharge 2022-2023 conditionnera les niveaux de l’année prochaine. Elle devra être particulièrement abondante pour permettre aux réserves de se reconstituer. Hervé Brulé, directeur de la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement, va même plus loin. "Même si on a un hiver avec une pluviométrie normale, il paraît peu probable que les nappes puissent être correctement rechargées. Les effets de ces épisodes secs vont se ressentir sur 2023, voire plus."

Comme les nappes phréatiques soutiennent les cours d'eau, les conséquences sont visibles à l'œil nu. Les images catastrophiques de la Loire quasiment asséchée montrent les stigmates de cette sécheresse historique. Les petites rivières et étangs n'ont pas été épargnés. Le directeur de la Dréal Centre-Val de Loire dénombre trois fois plus d'assecs que l'année dernière. 

Face à ces niveaux particulièrement bas, l'adaptation est de mise. De nombreuses restrictions d'usage de l'eau ont été prises. "Nous avons dû prendre bien plus de restrictions que les années passées, rapporte Hervé Brulé de la Dréal. Nous n'avions jamais vu autant de superficie du territoire concerné, c'est un record." Au plus haut point de la crise, le 25 août, 73 % de la surface de la région était en état de crise, le niveau le plus important.

Dans ces situations, l'usage de l'eau est particulièrement restreint, notamment concernant les activités agricoles. Les conséquences de la sécheresse sur le monde agricole fait d'ailleurs l'objet du troisième article de ce volet Climat en Centre-Val de Loire. 

Selon la Dréal, ces restrictions ont été plutôt bien respectées : sur les 500 contrôles effectués par la police de l'eau - gérée par l'Office Français de la Biodiversité - des infractions ou écarts plus ou moins importants ont été constatés dans 10 % des cas. 

La Loire est descendue à un niveau historiquement bas

En situation de crise, la priorité est donnée aux usages essentiels pour l'eau : l'approvisionnement en eau potable et les pratiques industrielles primordiales. Les quatre centrales nucléaires de la région ont, par exemple, été surveillées comme le lait sur le feu alors que la Loire, qui doit refroidir les réacteurs, s'est réchauffée cet été. 

Afin que le débit de la Loire soit assez important pour alimenter les usages essentiels, les différents barrages ont été ouverts - comme cela se fait depuis des années. Pour autant cet été, les retenues d'eau étaient si basses que le comité de gestion des réservoirs de Naussac et Villerest et des étiages sévères a décidé, le 9 août, de diminuer encore un peu plus les lâchers d'eau depuis l'amont. Ainsi, la Loire a atteint un niveau historiquement bas depuis la construction des barrages dans les années 80. Comme pour les nappes phréatiques, le remplissage des retenues d'eau cet hiver est un sujet d'inquiétude.

Concernant l'eau potable, la région a été à peu près épargnée grâce aux restrictions, explique-t-on à la Dréal. "A part une situation tendue à Chartres à un moment de l'été, nous n'avons pas eu d'autres frayeurs. Il n'y a pas eu besoin de citernages dans la région, comme cela a pu être le cas ailleurs."

11 000 morts de plus  

À l'aune de l'été mortellement caniculaire de 2003, la question se pose toutefois des conséquences de cet été excessivement chaud sur la population. Selon un rapport de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), les épisodes de canicules successifs de cet été auraient "vraisemblablement" provoqué le décès de 11 000 personnes supplémentaires par rapport à la normale.

Si les conséquences directes sur la santé ne sont pas encore formellement établies, celles sur l'environnement de l'humain, lui, sont multiples. Côté patrimoine, même les châteaux de la Loire ont eu chaud : le manque d'eau aurait pu fragiliser ses fondations et la sécheresse aurait pu provoquer l'incendie de leurs jardins et leurs forêts. Les pelouses de foot non irriguées n'ont pu accueillir des joueurs, certaines piscines ont dû être fermées temporairement ou non, et l'interdiction d'arrosage des jardins, golfs, espaces verts ou encore des voitures a directement impacté le quotidien des consommateurs. 

Faune et flore ont payé un très large tribut cet été. C'est plus précisément l'objet du deuxième article de notre série Climat en Centre-Val de Loire. Si un phénomène a choqué et retenu l'attention du public c'est bien les feux de forêts, très impressionnants notamment en Gironde. 

Plus de 2 000 hectares ont brûlé en Centre-Val de Loire

Pour autant cette année, la région Centre-Val de Loire a été plutôt épargnée malgré une large surface boisée. D'après l'ONF, sur la région, c'est environ 5 hectares de forêts publiques qui ont fait les frais d'un incendie. Sur l'espace privé, on compte au moins un gros incendie à Bouzy-la-Forêt qui a brulé 40 hectares. A titre de comparaison en 1976, 152 hectares de la seule forêt domaniale d'Orléans avaient cramés. Depuis 2009, plus de 2 000 hectares ont brûlé en Centre-Val de Loire.

Si Alexis Feinard, chef de service de l’ONF sur l’Eure-et-Loir, le Loir-et-Cher, l’Indre-et-Loire et le Loiret, n'a pas de réponse quant au fait que notre espace régional ait été plutôt préservé par rapport à d'autres, il note l'importance de la surveillance et des mesures de prévention. Cette année, il y a eu des restrictions d'usage de la forêt publique pendant 13 jours - les activités professionnelles étaient interdites l'après-midi -et la forêt a été interdite aux véhicules à moteur pendant 4 jours. "L'année dernière, il n'y avait eu aucun jour de restriction", note Alexis Feinard.

Gonéri Le Cozannet, co-auteur du Giec, rappelle que le "déclenchement de l’incendie n’est pas lié au changement climatique mais les conditions qui lui sont favorables en sont une manifestation. La saison des feux, elle, est en train de s'étendre." En effet neuf départs de feu sur dix sont d'origine humaine, accidentelle ou intentionnelle. En Centre-Val de Loire, un jeune homme a été condamné à six mois de prison pour l'incendie du Gâtinais, dans le Loiret. 

Des leviers d'action sur le long terme

Malgré un tableau peu réjouissant, certains voient pourtant une lueur d'espoir. "L'été que nous avons passé a incité plusieurs acteurs à prendre des mesures et à repenser et réexaminer leurs dispositions techniques en cas de sécheresse", relève Hervé Brulé, le directeur de la Dréal Centre-Val de Loire. Plusieurs communes se sont engagées dans des initiatives pour réduire leurs consommations en eau ou mieux la réutiliser par exemple

Attention, en revanche, à ne pas avoir la mémoire courte. Un hiver pluvieux ne doit pas nous faire oublier l'importance de prendre des mesures structurelles, insistent les observateurs. Pour Gonéri Le Cozannet, les tensions sur les ressources en eau dues aux événements climatiques extrêmes sont révélatrices d'une mauvaise préparation de nos sociétés. "Nous avons tendance à nous préoccuper de l'offre et moins de la demande", explique le géographe. Réaménagement du territoire, agriculture moins demandeuse en eau, désartificialisation des sols... les solutions sont là.

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