Les châteaux de la Loire face à la sécheresse : comment empêcher la forêt de Chambord de brûler ?

Manque d'eau et chaleur quasi-continue règnent sur la vallée de la Loire cet été. Aussi centenaires qu'ils soient, les fameux châteaux pâtissent du changement climatique. Après Chenonceau, étape dans la forêt de Chambord, en voie de mutation dans les prochaines années. (2/3)

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Chambord, c'est peut-être le château de la Loire le plus célèbre, le plus prestigieux. Le plus loin de tout aussi, caché au sein de son écrin forestier, son domaine, le plus grand parc clos de murs en Europe, comme aiment à le rappeler la direction. 5 440 hectares d'arbres plus ou moins vieux, de prairies et d'étangs, qui souffrent aussi de la sécheresse qui frappe la France et la vallée de la Loire.

Un peu partout en Centre-Val de Loire, la végétation est sèche, les arbustes grillés par la chaleur et le manque d'eau, et le risque incendie très élevé dans les bois de la région. Ainsi, depuis le début de l'été, il n'est pas rare que la préfecture de Loir-et-Cher et l'Office national des forêts (ONF) interdisent la circulation sur les routes forestières, dans les forêts domaniales du département. La dernière fois, c'était le 8 août, avant qu'une fine pellicule de pluie ne tombe inégalement sur la région pour l'humidifier légèrement. Pas de quoi la sécheresse cependant.

Empêcher à tout prix un départ de feu

Chambord est bien un domaine national, mais il ne répond qu'à lui-même, ne dépendant pas des consignes de l'ONF. Malgré tout, le risque d'incendie y est aussi pris très au sérieux, et le souvenir des 800 hectares brûlés en 1949 fait garder les pieds sur terre : même la forêt de Chambord est vulnérable.

Depuis juillet, la direction du domaine a donc pris un certain nombre de mesures pour diminuer la probabilité d'un départ de feu (90% sont d'origine humaine). Arrêt des travaux forestiers à risque, des coupes et de la circulation de tracteurs ; interdiction évidemment des barbecues, de fumer en forêt ou d'utiliser des outils générant des étincelles ; et, comme dans les forêts domaniales, une interdiction de circuler sur les routes forestières entre le 8 et le 16 août. Le domaine national de Chambord explique également avoir mis en place "une signalétique déployée sur le domaine forestier, notamment sur les parcours en forêts ouverts au public". Prévenir plutôt que guérir.

Dans cette optique, les guides nature et gardes forestiers font chaque jour "des rondes régulières pour quadriller toute la forêt". Selon leurs constats, malgré la chaleur et le manque d'eau généralisé, "la forêt est sèche sur la cime et la canopée, mais reste assez humide au sol". Ce qui éloigne considérablement le risque qu'un départ de feu ne dégénère en incendie incontrôlable. Et puis, si départ il y a, "le château offre un point de vue depuis les terrasses si des fumées sont à surveiller". 

Mais puisque prévenir ne suffit pas toujours, il faut aussi penser à savoir guérir. Le domaine dispose sur place d'un "matériel de défense incendie qui est prêt, et une citerne". Des études ont été engagées pour installer des caméras de surveillance à travers le domaine, pour détecter tout dégagement de fumée et faire intervenir les pompiers au plus vite. Chambord travaille d'ailleurs directement avec les sapeurs-pompiers de Loir-et-Cher et avec la préfecture sur des protocoles d'intervention rapide.  Heureusement, cet été, aucun départ n'a été signalé sur le domaine, malgré les fortes chaleurs à répétition.

Dépérissement de l'écosystème

Mais même sans brûler, la forêt subit des effets plus ou moins graves de la sécheresse. Petite consolation : les étangs et marais restent "à niveau suffisant", permettant que "les animaux, au moins, ne souffrent pas de la sécheresse". En revanche, le manque d'eau éprouve particulièrement certaines espèces d'arbres. "Les pins sont secs, et les chênes encore plus."

La direction du domaine redoute ainsi un "dépérissement accéléré" de la forêt, non pas à cause d'une sécheresse isolée, mais par la répétition future de tels épisodes. L'année dernière, les chênes n'avaient pas produit de glands à cause de gelées tardives, empêchant une partie de la régénération indispensable des bois. Cette année, les glands sont nombreux, mais risquent de pourrir au sol à cause des trop fortes chaleurs.

Selon le château de Chambord, le risque de dépérissement "n'est pas à court terme, mais s'accélère". Pour comprendre les effets du changement climatique sur le domaine, ses équipes tiennent un suivi à l'année de 200 arbres témoins, et espèrent pouvoir déceler leurs évolutions sur les prochaines années. Et ainsi potentiellement mieux anticiper et accompagner la mutation quasi-inévitable de la flore locale. Des discussions sont prévues par la direction des forêts du domaine courant septembre pour aborder ce sujet.

Et là, c'est le brame

Conséquence plus inattendue de la sécheresse : la saison touristique du brame du cerf pourrait être grandement menacée. D'habitude, les cervidés se font la cour dans les prairies verdoyantes, qui, complètement grillées, ne feront qu'un piètre garde-manger cette année. Le domaine craint que les animaux ne préfèrent une reproduction dans les sous-bois, fourmillant de glands, bien plus nutritifs que de l'herbe asséchée. Ce qui rendrait leur observation par les nombreux visiteurs de Chambord bien plus compliquée que dans un environnement dégagé.

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