Conflit social à l'hôpital de Tours : des soignants à bout et une direction qui tente d'éteindre le feu

Ce mardi 28 novembre, une cinquantaine de soignants se sont rassemblés devant l'hôpital Trousseau à Chambray-lès-Tours pour demander des moyens humains et dénoncer leurs conditions de travail. Un rassemblement pour rendre visible leur grève qui passe inaperçue auprès des patients. L'intersyndicale réclame 200 recrutements pour travailler dans de bonnes conditions. La direction annonce la création de 70 postes dédiés au remplacement.

Urgences, pédiatrie, orthopédie, chirurgie digestive et depuis ce lundi 27 novembre, le pôle cardiologie... les soignants de nombreux services du CHRU de Tours sont à bout et souhaitent le dire même si leur grève est invisible. "Quand vous avez vos collègues qui pleurent dès le matin, ce n'est pas normal," déplore Patricia Hippolyte, aide-soignante en cardiologie.  "On est passé d'une aide-soignante pour cinq patients à une aide-soignante pour 11 patients. Avec la population qui vieillit et la prise en charge beaucoup plus lourde, on a des patients de plus en plus âgés avec pacemakers qui sont de moins en moins autonomes. La charge de travail est plus lourde et nous sommes moins nombreuses". 

Des larmes aux yeux, des cœurs serrés, des nœuds dans la gorge... les soignants réunis devant le hall de l'hôpital Trousseau ce mardi 28 novembre en avaient gros sur le cœur. Entre colère et épuisement psychologique, infirmières et aides-soignantes pour la plupart ont l'impression que la direction du CHRU de Tours ne les entend pas. "On veut juste que le personnel manquant soit remplacé, que notre planning ne change pas tout le temps et qu'on ne soit plus obligé de revenir sur nos congés. Là, on est au bout," confie Katia Pasquier, aide-soignante en chirurgie digestive, service en grève depuis le 8 octobre.   

Bientôt il n'y aura plus personne pour s'occuper des gens, c'est ça qui est dramatique.

Clarisse, aide-soignante en chirurgie digestive au CHRU de Tours

Clarisse, aide-soignante en chirurgie digestive qui travaille depuis 27 ans dans l'hôpital public dénonce une ambiance délétère dans le dialogue social. " Il n'y a plus cette liberté d'expression qu'on avait avant. Si on se bat c'est pour les patients. Bientôt il n'y aura plus personne pour s'occuper des gens, c'est ça qui est dramatique. Il faut que la population se rende compte. J'ai peur pour mes enfants et mes petits-enfants. Je viens travailler et je n'ai plus envie. On a une colère, une boule au ventre. On est maltraité psychologiquement par cette hiérarchie qui pèse lourdement et je ne comprends pas pourquoi." 

Elles sont nombreuses à vouloir témoigner de leurs conditions de travail et des conséquences pour les patients. Anne Gontier, est infirmière en chirurgie depuis 8 ans et infirmière depuis 1998.  "Dans notre service, on a une infirmière pour 11 patients. Conséquences: on voit les patients une fois en six heures. Et s'il se passe quelque chose pendant ce temps-là, ils sont tout seuls. Et quand on ouvre la porte c'est trop tard".

Épuisée, cette professionnelle de santé doit encore travailler dix ans avant de pouvoir prétendre partir à la retraite. "Je compte les années en me demandant comment je vais tenir au niveau physique et psychologique. C'est 7h40 voire 8H20 non-stop avec de rares moments pour avoir le temps d'aller aux toilettes ou juste boire. On exige que notre charge de travail soit réévaluée en fonction des pathologies. On a des cas de plus en plus lourds et de plus en plus complexes et on n'est plus assez pour assurer leur prise en charge". 

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Près d'Anne Gontier, Nathalie Arnoux, infirmière en chirurgie digestive depuis 14 ans et infirmière depuis 23 ans : "Je suis une des plus anciennes ici. J'aime mon travail mais là je n'y arrive plus. Je ne vais pas tenir 15 ans de plus comme ça. Je ne dors plus ou très mal. Je suis à bout moralement. On vit pour notre travail. C'est infernal. Il faut du personnel, c'est tout ce qu'on demande."

70 postes dédiés au remplacement créés d'ici la fin de l'année

Ces inquiétudes et ce mal-être, la direction du CHRU de Tours, premier employeur de la région Centre-Val de Loire dit les entendre et les prendre très au sérieux. "On sort d'une période très compliquée postcovid avec un taux d'absentéisme supérieur à 10 % et qui dépasse 11 ou 12 % dans certains secteurs. Nous avons bien conscience que nous en avons demandé beaucoup au personnel", concède Samuel Rouget, Directeur des ressources humaines du CHRU de Tours qui emploie 10 000 professionnels de santé.  Et d'annoncer : "La direction a bien conscience que le niveau de remplacement aujourd'hui ne correspond pas au niveau d'absentéisme sur le terrain. C'est pourquoi la direction a acté la création de 70 postes supplémentaires sur l'ensemble de l'établissement dédiés aux équipes de remplacement".

Ces 70 personnes devraient être recrutées avant la fin de l'année. L'intersyndicale en demande 200 pour que les soignants puissent travailler dans de bonnes conditions. "Le taux d'absentéisme est en train de baisser. On revient progressivement à un taux d'avant Covid. On espère que les moyens de remplacement vont encourager cette tendance-là. Ils sont en cours de recrutement dans les autres secteurs."

47 postes pour l'hôpital pédiatrique Clocheville

Par ailleurs, la direction est optimiste quant à l'attractivité du centre hospitalier. Le directeur des ressources humaines prend pour exemple les recrutements réalisés ou en cours pour l'hôpital pédiatrique de Clocheville, en grève depuis le 2 octobre. "On a créé 9 équivalents temps plein pour le remplacement, 16 lits vont être ouverts pour l'unité saisonnière (8 ont déjà ouvert et 8 ouvriront le 4 décembre) avec 31 professionnels qu'on a déjà recrutés. Enfin, on va ouvrir en décembre deux lits en réanimation pédiatrique ce qui va permettre de recruter 7 personnes supplémentaires. Au total, cela fait 47 postes en deux mois pour cette période hivernale."

Et de conclure :"On passe beaucoup de temps à discuter avec les organisations syndicales et les professionnels sont toujours invités. Je vous assure que le dialogue social est maintenu. Je n'ai pas de solutions miracles pour tout. Que les professionnels pensent que ça ne va pas assez vite pour eux et que leur réalité quotidienne ne soit pas à la hauteur de ce qu'ils attendent et ce qu'on voudrait, c'est leur ressenti, je ne le conteste pas."

La directrice de l'hôpital, Floriane Rivière, recevra les organisations syndicales ce vendredi 1er décembre.  

Les salariés du CHRU en grève ont mis en ligne deux pétitions : une pour l'hôpital pédiatrique Clocheville et une pour le pôle digestif.

Elles réunissaient ce mardi 28 novembre 29 974 signatures. 

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