Covid-19 : la colère du monde de la nuit après l'annonce de la fermeture des discothèques

Pour enrayer la nouvelle vague de Covid-19 qui touche le pays, Jean Castex a annoncé ce lundi 6 décembre la fermeture pour quatre semaines au moins des discothèques. Une nouvelle qui passe mal auprès des professionnels du Centre-Val de Loire, déjà très touchés.

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Ce n'est plus une simple "douche froide" que vient de recevoir le monde de la nuit, mais bien une "nouvelle douche froide". Après avoir été les premières à fermer en mars 2020, les discothèques avaient été les dernières à rouvrir en juillet... 2021. Mais le répit aura été de courte durée. Pour tenter de freiner la cinquième vague de Covid-19, qui touche depuis quelques semaines la France, le gouvernement a décidé de fermer les boîtes de nuit du pays, pour une durée de quatre semaines. Au moins.

"On sait déjà que ce sera plus", constate, résigné, Hervé Goarnisson, gérant de l'Excalibur, discothèque du centre de Tours. Habitué à être "la variable d'ajustement du gouvernement", il ne pense pas rouvrir avant le mois de juillet 2022, "si ce n'est pas encore plus tard que ça". 

Sont venues misère et longues nuits

Car, après 16 mois de fermeture entre 2020 et 2021, les espoirs sont faibles, sinon inexistants pour de nombreux patrons. "Vous avez déjà essayé de gérer une entreprise quand vous ne savez pas quand vous allez pouvoir ouvrir ?"

Pour lui, la stratégie de ne fermer que les discothèques n'est qu'un "coup médiatique pour satisfaire l'opinion", et repose sur des conclusions "de technocrates" :

Croire que la jeunesse va arrêter de faire la fête parce qu'on ferme les discothèques, c'est une illusion. Au moins, chez nous, c'est encadré avec le pass sanitaire. Mais, visiblement, le gouvernement préfère que les fêtes soient dans des lieux privés, sans contrôle. Et vous verrez que les bars et les restaurants vont se transformer à nouveau en boîtes de nuit.

Hervé Goarnisson, gérant de l'Excalibur à Tours

Pour lui, cette fermeture sera donc "contre-productive". Une étude de l'Institut Pasteur, qui a dû orienter le gouvernement dans sa décision, avait cependant conclu que les discothèques étaient associées à un surrisque de transmission de 780% chez les moins de 40 ans. Il était de 350% pour une fête de manière générale.

50% de pertes

Hervé Goarnisson a été l'un des chanceux -ou l'un des plus entreprenants- à tenter une réouverture dès juillet, puis à rester ouvert jusqu'à l'hiver, là où de nombreuses boîtes ont préféré attendre un peu par précaution.

Les conclusions de ce pari ont un goût amère : avec le pass sanitaire et la peur générale du coronavirus, son chiffre d'affaires a été divisé par deux sur la période. Les trois quarts de son staff ont démissionné pendant les 16 mois de fermeture. Pourtant, son équipe est restée quantitativement la même (environ huit personnes). La faute à des embauches supplémentaires pour contrôler le pass sanitaire et le respect du port du masque en intérieur, imposé de nouveau depuis deux semaines. "On a moins de clients, des contraintes en plus et donc on doit quand même embaucher", résume le patron.

À l'échelle de la région, le port du masque aurait fait perdre "50 à 70% de leurs chiffres d'affaires aux établissement" par rapport aux années précédentes, estime Sabine Ferrand, présidente de l'Union des métiers des industries de l'hôtellerie (Umih) en Centre-Val de Loire. 

Aides économiques floues

Pour elle, un "sentiment de colère domine" :

Avec beaucoup de professionnels, on s'était concertés pour ne rouvrir qu'en septembre, pour attendre que beaucoup de gens soient vaccinés et que ce soit plus sûr. Et aujourd'hui, on nous ferme, encore.

Sabine Ferrand, présidente Umih CVDL

Des efforts pas franchement récompensés selon elle, malgré des aides économiques promises par Jean Castex, mais aux contours encore flous. "On espère mettre nos employés au chômage partiel, mais on ne sait même pas encore si ça va être possible", regrette Hervé Goarnisson. 

Et puis des aides, c'est bien, mais ce n'est pas assez, à en croire les professionnels. "Ca ne remplace jamais un chiffre d'affaire, assure Sabine Ferrand. Pendant ces mois de fermeture, le gouvernement a aidé à payer les charges, mais plein de patrons sont restés sans salaire tout ce temps."

"Les boîtes vont mourir, et ça ne va pas mettre longtemps"

Pour certains, c'est une vie de travail qui semble de plus en plus réduite à néant. Le gérant de l'Excalibur est dans le monde de la nuit depuis 30 ans. À 53 ans, il se demande encore s'il pourra "un jour revendre [son] affaire". "Déjà qu'avant, on nous accordait difficilement des prêts parce que les banques nous considérait comme risqués, mais alors aujourd'hui..."

D'où l'idée, évoquée depuis des mois par Sabine Ferrand et d'autres, d'une indemnisation des fonds de commerce par l'État. L'objectif : "Que les personnes qui veulent arrêter ou partir à la retraite le puissent sans perdre leur vie de labeur, explique la présidente de l'Umih CVDL. Parce les boîtes de nuit vont mourir, et ça ne va pas mettre longtemps."

Si une telle mesure était mise en place, Hervé Goarnisson n'hésiterait pas : "Je partirais. Avec regret, parce que j'ai fait ce métier avec passion, mais je le quitterais définitivement." D'autant qu'il avait, il y a quatre ans, fait entrer deux collaborateurs dans les parts sociales. "Ils ont dû s'endetter pour ça." Et si la machine a bien fonctionné pendant deux ans, elle s'est depuis complètement effondrée. 

La fermeture de quatre semaines doit s'entamer ce vendredi 10, alors même que "le mois de décembre est le plus important de l'année, avec les vacances et le 31". Encore "sous le choc" de l'annonce, le patron de l'Excalibur ne prévoit pas "de fête d'adieu". Seule reste la résignation.

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