REPLAY. Documentaire : entrez dans l'univers de la chanteuse Claire Diterzi, une artiste décalée et hors du commun

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Rencontre avec la tourangelle Claire Diterzi, une artiste aux multiples facettes qui mélange les palettes, déjoue les préjugés et décolle les étiquettes en proclamant "Moi, mon métier c’est spectacle."

Ouvrir la porte du monde, souvent méconnue, de Claire Diterzi, c’est prendre le risque de ne pas avoir envie de la refermer tant l’attraction de son univers capture ceux qui osent faire ce premier pas.

Dans son documentaire, Coralie Martin, laisse la parole à celle qui sait si bien donner corps et âme à cette voix qui parle, chuchote, vibre, s’envole.

Une artiste hors cadre qui a imaginé un mode de fonctionnement inédit pour une chanteuse en créant sa propre compagnie de théâtre musical "Je garde le chien". Un espace de liberté et d’émancipation nécessaire pour accueillir les spectacles de cet oiseau rare qui a plus d’une corde à son art.

Il était une voix

À Tours, dans sa ville natale, du haut de ses 15 ans, Claire Diterzi est littéralement foudroyée par "Black in Black" de AC/DC. Elle décide de jouer de la guitare électrique, d’en changer l’accordage et de monter un groupe de rock "Forguette mi note". Une époque un peu folle, propice à l’ébullition de ce groupe délirant qui se produit à fusion. Mais, Claire se sent assez rapidement à l’étroit, son besoin d’expression est plus vaste, un vent de liberté l’emporte vers d’autres projets avec le trio "Dit Terzy"  puis vers des rêves en solo.

J’avais envie de chanter que ce que j’écrivais moi, de n’écrire que ce que je chantais moi.

Claire Diterzi

Après cette rupture, sa rencontre avec Philippe Découflé est déterminante. Il l’invite à partir au Japon pour contribuer à la création de son spectacle Iris. Elle découvre un réseau, d’autres mondes, des milieux, des modes de production et de diffusion différents. Puis elle rejoint le label Naïve qui lui propose de faire cinq albums.

Claire Diterzi est chanteuse. Elle pense disque, tournée, mais au contact d’autres mondes culturels et artistiques, elle prend conscience qu’elle est au bout de ce cycle monotone, qu’elle en a fait le tour et que cela ne lui convient plus. Elle s’interroge sur le mode de fonctionnement du monde de la chanson, sur ce système imposé qui la bride dans ses élans créateurs : "Chaque création est un moment de vie. J’ai fait beaucoup de disques alors je ne peux pas cracher sur cet objet, mais j’aime bien l’idée aussi de ne pas avoir d’objets à vendre quand je fais quelque chose, quand je fais une création. Faire de la musique sans qu’elle soit gravée et ça, c’est ce qui différencie la chanteuse de la créatrice." 

Seule, elle trace sa route, compose, écrit, recherche, questionne, donne de la voix. Ses études en arts plastiques et sa curiosité artistique élargissent son champ des possibles en mêlant les couleurs des différentes disciplines : musique, danse, théâtre, peinture, sculpture…

Rencontre avec l’art lyrique

Elle chante dans des cafés-concerts, des clubs, des lieux enfumés, sa voix s’abîme. D’autres artistes lui conseillent de prendre des cours de chant. Elle découvre l’art lyrique et la puissance de sa technique : une révélation.

Chanter lyrique, c’est jouissif, tu as tout le corps qui vibre. Quand j’ai découvert ça, cela a changé ma façon de composer, d’écrire.

Claire Diterzi

Cette artiste plurielle et singulière, qui mêle, recherches vocales et sonores fait son entrée en 2010 à la Villa Médicis pour une résidence d’un an. Une petite révolution dans cette vénérable institution qui ne fait pas l’unanimité des compositeurs de musique savante qui manient crayon, papier et partition avec dextérité. Une pétition circule pour s’y opposer, une partie du jury a même démissionné.

"C’est-à-dire que moi, je compose sans ça, je n’ai pas fait comme eux, je n’ai pas un premier prix de conservatoire en écriture, en solfège, etc. L’enregistrement, le studio, c’est mon mode de production en tout cas, moi, j’enregistre et après, j’ai un copiste qui écrit ma musique sur des partitions que je peux transmettre aux musiciens."

Claire y compose "Le salon des refusées", en intégrant des instruments classiques peu courants dans le domaine de la chanson rock, dont la viole de gambe qui s’est imposée à elle dès son arrivée à la villa romaine. De ce séjour controversé en jaillissent, envers et contre le mépris des compositeurs de musique contemporaine classique, un nouveau spectacle et un disque unanimement salués par la presse culturelle.

En 2015, pour offrir à la chanson de nouveaux espaces d’autonomie et d’expérience à l’épreuve des plateaux, à l’abri des tendances et formatage, elle crée son label, sa structure éditoriale et sa compagnie de théâtre musical "Je garde le chien". Une niche à trésors pour y partager ses "69 battements par minute", son "Journal d’une création", "L’arbre en poche" et "Puisque c’est comme ça,  je vais faire un opéra toute seule".

"Puisque c’est comme ça,  je vais faire un opéra toute seule."

Claire Diterzi nous invite sur scène. Elle répète son premier opéra pour enfants "Puisque c’est comme ça,  je vais faire un opéra toute seule" avec la soprano Anaïs de Faria qui y interprète Anya Karinskaya, une jeune fille de 12 ans qui veut créer un opéra toute seule pour en finir avec les injonctions, les interdits, les préjugés du monde des adultes qui ne croit pas en ses projets.

Les deux artistes travaillent le texte et la voix en osmose.  Les yeux perçants de Claire portent l’intensité  et la tonalité qu’elle souhaite insuffler à son personnage. Une héroïne qu’elle porte en elle, qui l’habite si intimement qu’elle en connaît tous les silences, les pensées et les mouvements de ses variations d’intonations. "Je suis dans le même état que ce qu’on va montrer dans le spectacle, la petite Anya Karinskaya qui va écrire son opéra toute seule…Il a fallu montrer ce qu’il y a dans sa tête. On est fin dix-huitième siècle en Russie, dans un spectacle patriarcal."

Claire Diterzi enregistre sur son ordinateur, les voix intérieures du spectacle. Anaïs de Faria interprète sur le ton de la confidence, la colère, la révolte de la jeune Anya qui porte à son tour l’univers de "Sveltana la tempête" : "L’héroïne s’appellera Svetlana la tempête. Elle sera comme moi, solitaire et incomprise. Un volcan d’émotion. Une jeune fille avec comme un bidon d’essence à la place du cœur. À la moindre étincelle, pouf, on se retrouve dans un festival pyrotechnique. Dans des temps très anciens, c’est sûr, qu’elle a eu des ancêtres dragon."

3 bonnes raisons de regarder ce documentaire

La première bonne raison de regarder ce documentaire est de pénétrer dans l’intimité créatrice d’une artiste qui ne ressemble à aucune autre et de se laisser happer par cette proximité. Il ne s’agit pas seulement d’être spectateur. Entrer dans le monde de Claire Diterzi, c’est bien davantage. C’est se laisser porter par la gestation d’un spectacle en devenir, s’immiscer dans le côté pile de cette histoire gigogne en toute discrétion et ne plus avoir envie d’en sortir.

La deuxième bonne raison est d’approcher l’art lyrique et de s’étonner que cette forme de chant parfois considérée comme hermétique soit si accessible et envoûtante.  La soprano Anaïs de Faria est magique et sa voix tour à tour parlée ou chantée, nous capture sans retenue dans l’antre de la jeune Anya. Vibrer au fil de cette voix, en saisir les messages, laisser libre cours au jeu et s’autoriser à aller là où l’on ne pensait pas se laisser prendre.

La troisième bonne raison est de voir tout le travail en mouvement, en amont d’un spectacle, tous les rouages avant qu’il ne se présente à nous comme si tout coulait de source, comme si tout était facile, une évidence ! Alors que tout se construit petit à petit dans les pensées de son créateur, dans ses entrailles, pour donner corps et âme à son œuvre jusqu’au point culminant : nous l’offrir sur scène.

Documentaire "Claire Diterzi, habiter sa liberté", un film de Coralie Martin. Une production France Télévisions et Girelle Production. Première diffusion, le jeudi 6 octobre 2022 à 22h50 sur France 3 Centre Val-de-Loire

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