Dans les années 70, le béton régnait en maître dans nos villes, grignotant toujours un peu plus les espaces verts. Aujourd’hui, les épisodes de canicules nous obligent à faire marche arrière et à remettre de la nature dans l’urbain. Selon l’agence de la biodiversité régionale, la fréquence des canicules va augmenter de 33% par an d’ici 2060.
Sur la place Robert Picou, en plein cœur du vieux Tours, un groupe de riverains s’active. Désherbage, paillage ou encore binage, les habitants de ce quartier ne manquent pas de travail, même en plein hiver. Il y a encore un an et demi, cette place de 275m² était bétonnée.
Un collectif d’habitants nommé "Victoire en transition" se met alors en place pour demander à la municipalité de créer un verger urbain. Amandier, pommiers et plantes aromatiques ont pris la place du bitume. Le principe est simple, chaque arbre est parrainé par un habitant et un commerçant du quartier. Alain Raifort parraine par exemple un poirier depuis déjà un an. Luthier dans le quartier, cet artisan passe régulièrement sur le verger, pour voir si tout se passe bien.
Un verger citoyen au cœur de Tours
Si son arbre ne donne pas encore de poire, il doit tout de même lui apporter des soins : "Cet hiver, on va couper les petites branches en bas du tronc qui ne sont pas intéressantes, pour faire une taille de formation. Autrement il faut être vigilant en été. L’été dernier, nous sommes passés tous les jours pour vérifier s’il ne fallait pas arroser les plantations, surtout les jeunes. Certains ont beaucoup souffert, comme un amandier qui n’a pas survécu", détaille celui qui a toujours jardiné, d’aussi loin qu’il se souvienne.
Son savoir, Alain le transmet aux membres du collectif moins expérimentés, tout comme Evelyne Estrade, la Présidente de l’association. "L’objectif est de végétaliser le vieux Tours, ramener du comestible en ville et de créer du lien entre les habitants du quartier. Ça fonctionne plutôt bien, chacun essayant d’apporter ses connaissances. Certains disent qu’avant ici ça sentait le goudron et que maintenant ils sentent la nature. La place est bien repérée au niveau du quartier", raconte Evelyne Estrade.
Ce projet a été accompagné par la ville, tout comme celui de l’implantation d’une mini-forêt sur le carrefour Archambault.
L’organisation mondiale de la santé fixe la norme d’espaces verts à 12m² par habitant à moins de 300 mètres du lieu de vie. 8 Français sur 10 trouvent qu’il n’y a pas assez de végétal en centre-ville.
Mini-forêt, grands bénéfices
Tout commence grâce à l’énergie d’un autre collectif d’habitants du nord de Tours, qui a sauvé une friche d’un hectare du béton, pour y implanter un millier d’arbres. "Ce terrain vague devait devenir soit un parking, soit un immeuble. L’atelier environnement du conseil de quartier de Tours Saint Symphorien a initié l’idée d’une mini-forêt", raconte Jérôme Guénard, membre de ce conseil de quartier.
Ce sont de jeunes arbres qui ont été plantés. Pour l’heure, difficile de se projeter, il faudra attendre au moins cinq ans pour obtenir un résultat. "L’intérêt de planter de jeunes arbres c’est qu’ils prennent mieux racines et pousseront plus vite. Cela amène de la fraîcheur, cela apaise les gens et cela diminue le bruit en ville, notamment avec la circulation au niveau du rond-point attenant", complète Jérôme Guénard.
Selon un récent rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) la participation citoyenne est une condition de réussite pour la transformation écologique des villes. La ville de Tours qui a cofinancé ce projet de mini-forêt à hauteur de 70 000€, l’a bien compris.
"La Ville de demain à Tours ressemblera à une ville résiliente face au réchauffement climatique, une ville où on va désimperméabiliser les sols pour permettre à l’eau de s’infiltrer à la parcelle car demain la problématique sera la sécheresse et la ressource en eau va être très importante pour préserver nos espaces verts", éclaire Betsabée Haas, adjointe à la ville de Tours, déléguée à la biodiversité et à la nature en ville.
Sans pédagogie, les gens n’accrochent pas. Cela fait 40 ans que les scientifiques nous disent qu’il y a un problème, mais finalement nous avons peu changé nos habitudes… Nos émissions de carbone continuent d’augmenter, on a toujours plus de voitures, on imperméabilise toujours plus nos sols… C’est clair que si on veut changer le monde, on ne le changera pas sans les gens
Bethsabée Haas, maire adjointe de Tours
Depuis 1950, le thermomètre dans nos centres villes ne cesse de grimper. Pour accélérer le processus de végétalisation, la ville de Tours a créé une délégation à la biodiversité et à la nature en ville au sein de son équipe municipale. "On ne peut pas réduire la nature en ville à des parcs et jardins", poursuit l’élue. "On en peut plus des parcs et des jardins ! Il faut qu’on dépasse le cadre utilitaire de la nature pour aller vers du patrimoine. C’est ainsi que nous nous appelons patrimoine végétal et biodiversité."
Les initiatives fleurissent en Centre-Val de Loire
Comme à Tours, d’autres villes ont compris tout l’intérêt de re-végétaliser pour créer des îlots de fraîcheur, stocker du carbone et donc anticiper et lutter contre les effets du changement climatique.
À Olivet, plusieurs mini-forêts ont été implantées et les sept cours d’écoles seront bientôt désimperméabilisée ou végétalisée. À Blois, tout un quartier, celui de la Bouillie, a été détruit. Une centaine d’habitations ainsi que des entreprises ont laissé place à la nature, afin de redonner à cet espace sa fonction première : celui de déversoir de la Loire en cas de crue.
Car végétaliser c’est aussi lutter contre les risques d’inondations.
Un espace de 350 hectares va ainsi être aménagé par l’Agglomération de Blois en Parc Naturel Urbain, avec lieux de promenade, activités de pâturage et de maraîchage.
En Centre-val de Loire, la température a déjà augmenté de 2 degrés à cause de sols bétonnés qui emmagasinent la chaleur. Pour éviter que nos villes ne deviennent des fours, il faut donc remettre de la nature dans l’urbain.
Quelle ville pour demain ?
Retrouvez l’intégralité du magazine consacrée à la végétalisation de l’urbain réalisé par Coralie Pierre, Marion Ptak et François Belzeau dans notre émission Enquêtes de Région.
Au programme également : l’avenir de notre patrimoine historique qui devient un vrai dilemme pour les maires. Châteaux, hôtels particuliers, églises, faut-il vendre ou restaurer à grands frais ? Des solutions sont présentées par Corinne Bian Rosa, Philippe Roy et Céline Girardeau.
Biens d’exception à Tours et Chaumont sur Loire, marché ultra dynamique à Romorantin… Pour cerner les tendances du marché immobilier en Val de Loire, Benoît Bruère, Marion Ptak et Vincent Quéméner ont enquêté dans les communes les plus attractives de notre région.
► "Enquête de Région" : diffusion le 15 mars à 23h00 sur France 3 Centre-Val de Loire (voir toutes les émissions sur france.tv).