Grève dans les écoles : ce professeur défilera contre les sureffectifs en classe et la gestion de la crise sanitaire

Ce jeudi 13 janvier, les personnels de l'éducation nationale sont attendus en nombre dans la rue pour manifester contre la politique du ministre Jean-Michel Blanquer, sa gestion de la crise sanitaire, et les difficultés inhérentes de la profession.

Le chiffre est éloquent : ce jeudi 13 janvier, la moitié des écoles de France pourraient être fermées. Une conséquence de la grève des personnels de l'éducation nationale, qui pourrait rassembler 75% des effectifs du premier degré, à en croire le premier syndicat du primaire, le SNUipp-FSU.

Dans les collèges et les lycées, la grève pourrait être également très suivie. Ainsi, la FCPE, SE-UNSA, SNES-FSU, Snalc, CGT Educ'action, SUD Education, FO et le SGEN-CFDT participeront tous à la mobilisation. Parents d'élèves et personnels de direction se joindront aussi à la grève. Tous comptent s'opposer à la gestion de la crise sanitaire par le ministre Jean-Michel Blanquer, et à leurs conditions de travail de manière plus générale. 

Andrew* est professeur d'histoire-géographie dans un lycée de Tours. "Tous les professeurs que j'ai croisés ce matin m'ont dit qu'ils feraient la grève, à part trois, raconte-t-il. Et sur ces trois, un ne peut pas parce qu'il a des évaluations à faire passer et qu'il ne peut pas les repousser, et les deux autres ne travaillent pas le jeudi.

La fabrique du citoyen

Professeur depuis seulement cinq ans, lui-aussi est arrivé dans l'éducation nationale avec son lot d'espoirs, et en revient avec quelques désillusions. Passionné d'histoire "autant que je me rappelle depuis que j'étais gamin", il s'oriente dans des études d'histoire, sans forcément avoir l'enseignement en ligne de mire. Ce n'est qu'après un master en histoire médiévale qu'il se décide à passer les concours pour devenir professeur dans le secondaire.

En mettant les pieds au collège, il se souvient de ses "appréhensions" : "Je n'avais pas du tout été formé à l'éducation, j'ai dû apprendre sur le tas." Grâce à des formations, un peu. Grâce à sa tutrice de terrain, "surtout". Lui arrive alors en plein visage ce que tant de professeurs évoquent : la passion. Celle de "la transmission", de passer un savoir qu'ils ont eux-mêmes eu soif d'emmagasiner. Pour Andrew, le plus important, c'est de pouvoir "accompagner les élèves dans leur formation en citoyen, les aider à se construire en tant que personne". Des tâches que le professeur d'histoire-géographie, peut-être encore plus que ceux des autres matières, doit prendre à cœur. 

Bien faire son travail

Mais cette passion se voit tirailler par des difficultés : la surpopulation des classes, et le faible nombre d'heures. "En les voyant deux ou trois heures par semaine, c'est compliqué, et je ne vais pas les accompagner 24/24, surtout avec ce qu'on me paye", ironise le professeur. Il a ainsi dû prendre l'habitude de s'adresser à des classes de plus de 30 élèves. 

En rentrant chez lui le soir, le professeur considère quand même avoir "bien fait" son travail, du moins dans la limite des moyens qui lui sont alloués. Car "si on en a deux ou trois qui ont des difficultés, on peut les accompagner, mais pas 35, c'est impossible." L'accompagnement personnalisé, idéal de nombreux enseignants, se retrouve ainsi presque fatalement mis au placard. 

Toutes ces difficultés, qu'Andrew qualifie d'"inhérentes", sont finalement connues des enseignants depuis longtemps, et font l'objet de fréquentes mobilisations. Pour autant, aucune n'avait rassemblé aussi large que ce que promet ce 13 janvier. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase ? La gestion de la crise sanitaire et "une communication amateure" de la part des autorités. 

Devoir rendu la veille au soir

Les grévistes mettent notamment en avant la façon dont le ministère a communiqué le protocole sanitaire de la rentrée de janvier : "La veille au soir dans un journal, avant même de l'envoyer aux enseignants", regrette Andrew. Une organisation "qui donne une impression de bazar et de confusion, et qui a certainement contribué au désordre qu'a été la rentrée". 

Et forcément, la confusion est transmise aux élèves, l'autorité censée leur délivrer le savoir leur apparaissant branlante :

Ils étaient très nombreux à me poser des questions lundi et mardi, pour comprendre ce qu'ils devaient faire s'ils étaient contaminés ou cas contact, mais moi je ne suis pas expert, même si j'ai essayé de leur répondre du mieux que je pouvais.

Andrew, professeur d'histoire-géographie à Tours

Surveillance sanitaire

Lui-même a pu constater la désorganisation de la rentrée. Une de ses classes a eu un pic de 22 absents, pour cause de Covid ou de cas contact, sur un effectif de 35. "Forcément, ils mangent ensemble à la cantine donc ils sont cas contacts." Et la crise sanitaire a, de façon générale, donné un nouveau rôle au professeur :

On est constamment sur leur dos pour leur dire de bien remettre leur masque, mais ils continuent de se faire la bise dans les couloirs.

Andrew, professeur d'histoire-géographie

Difficile, dans ces circonstances, de se sentir en sécurité sanitaire lorsque l'on vient enseigner. "J'essaie de bien appliquer les gestes barrières, ce qui a bien fonctionné jusqu'à maintenant, mais de là à dire que je me sens en sécurité... c'est autre chose", assure-t-il.

Et s'il se dit bien "conscient" des complications économiques entraînées par la fermeture des écoles, il estime possible "du distanciel dans les lycées, pour limiter le brassage". 

Ce jeudi, plusieurs cortèges prendront la rue à Orléans, Montargis, Blois, Chartres, Châteauroux et Bourges. Andrew, lui, se joindra à celui de Tours, qui partira de la place Jean-Jaurès à 10h. L'académie d'Orléans-Tours se refuse pour le moment à communiquer tout chiffre prévisionnel de participation à la grève dans la région.

Le prénom a été modifié.

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