Gérard Depardieu doit se produire sur la scène du Palais des Congrès Vinci de Tours le 10 juin en soirée, pour interpréter des chansons de Barbara. Mais comme dans de nombreuses autres villes françaises, la tournée "récital souvenir" se heurte à l'hostilité de militantes et militants féministes qui demandent la déprogrammation du concert et appellent à un rassemblement.
Il n'y a guère qu'à Châteauroux, sa ville natale, que la tournée du géant du cinéma français se passe sans heurts. Gérard Depardieu a été acclamé au Mach 36 de Déols, le 21 avril dernier, pour son 74ème anniversaire.
Mais à Tours, comme avant à Lille, Lyon ou Toulouse, la venue de l'acteur suscite la colère de nombreux militants de la cause féministe : mis en examen pour viol (après une première plainte classée sans suite) depuis décembre 2020, Gérard Depardieu est également accusé d'agressions sexuelles par 13 autres femmes qui ont témoigné récemment pour nos confrères de Médiapart. Des faits qui auraient eu lieu lors de tournages entre 2004 et 2022.
À Tours, le Réseau féministe est un collectif informel regroupant plusieurs associations, syndicats ou partis politiques, parmi lesquels Nous Toustes 37, Harcèlement de rue Tours, Solidaires 37, Scop l'Engrenage, NPA, etc.
Le collectif adresse un message aux élus de Tours, qui se conclut ainsi :
Mesdames, Messieurs les élu.es, nous avons la possibilité de dire à cet homme que son comportement n’est pas acceptable où qu’il aille : à Tours, comme dans plusieurs villes de France, il n’est pas le bienvenu. Vous avez le pouvoir de déprogrammer son concert afin de montrer aux victimes que le temps où on leur marchait dessus est révolu.
Réseau féministe
"La ville de Tours siège au conseil d'administration de Vinci, et a donc son mot à dire", explique Consuelo Argiles, militante du Réseau Féministe 37. "Ce qu'on attend a minima de la municipalité, c'est qu'elle fasse un communiqué, qu'elle relaye notre alerte et prenne position sur le fait que cet homme, en tant que prédateur, doit être éloigné de victimes potentielles. Des femmes qui travaillent au Vinci sont susceptibles d'être agressées par cet homme. Il a un mode opératoire qu'il refait tout le temps sans se remettre en question. Nous, on veut éviter qu'il y ait d'autres victimes."
En sa qualité de mis en examen, Gérard Depardieu est présumé innocent des actes qui lui sont reprochés. Il nie les faits de viols et agressions sexuelles sur la comédienne Charlotte Arnould qui a porté plainte fin 2018.
Par ailleurs, par le biais de ses avocats, Gérard Depardieu "dément formellement l'ensemble des accusations susceptibles de relever de la loi pénale" émises dans les témoignages diffusés par Mediapart.
Pour les militants du Réseau Féministe, cet argument de la présomption d'innocence pour justifier la tournée de Depardieu doit s'accompagner d'un devoir de protéger les femmes.
"La présomption d'innocence a un pendant qui est la présomption de vérité, reprend Consuelo Argiles. Quand on est formé aux violences sexistes et sexuelles sur des femmes, des mineurs ou sur toute personne en situation de minorité dans notre société patriarcale, la première chose qu'on apprend, c'est à dire 'je te crois'. L'urgence est de mettre à l'abri les personnes susceptibles d'être agressées, d'écarter tout risque d'agression."
"Depardieu, l'Aigle noir c'est toi !"
Et même si Gérard Depardieu était un proche, un ami de Barbara, les féministes ne goûtent guère qu'il s'empare de ses chansons et les interprète. Pour rappel, dans "l'Aigle noir" la chanteuse relate le viol par son père alors qu'elle n'était qu'une enfant :
"Il va chanter des chansons d'une personne, Barbara, qui a été victime d'inceste et on trouve ça obscène. C'est d'ailleurs une stratégie très utilisée par les violeurs et agresseurs sexuels, retourner la situation et se mettre à la place des victimes. C'est aussi la stratégie de quelqu'un qui se sent très fort, mis en examen depuis 2020 et toujours pas jugé, on peut imaginer qu'il a des appuis très importants", poursuit la militante du collectif.
En colère contre "l'omerta et l'impunité omniprésentes dans le monde du cinéma", le Réseau Féministe 37 appelle à un rassemblement le samedi 10 juin, à 18h, devant la gare de Tours.