En difficulté financière, l'abattoir de Bourgueil, seul abattoir de la Touraine, pourrait être contraint de fermer ses portes et d'être placé en liquidation judiciaire s'il ne trouve pas de repreneur avant le 28 juin.
"C'est malheureusement le scénario le plus probable". Le président de Société Coopérative d’Intérêt Collectif Abattoir Bourgueillois Services, Jeannick Cantin, a du mal à croire à une autre fin. Depuis le 30 mai 2022, l'abattoir de Bourgueil est en redressement judiciaire, et le tribunal de commerce de Tours lui a donné un mois pour trouvé un repreneur avant une liquidation judicaire.
Sa situation financière dramatique ne date pas d'hier. L'abattoir de Bourgueil, le seul de tout le département, était déjà menacé de fermeture dès la fin 2009. En 2013, une coopérative est créée pour fédérer les agriculteurs autour du projet, et en 2016, 3 millions d'euros sont investis pour remplacer l'ancien abattoir, devenu vétuste, par de nouveaux bâtiments. L'objectif est de doubler la production.
900 000 euros de reste à charge pour l'intercommunalité
Mais l'histoire ne se passe pas du tout comme prévu. "Nous sommes entrés dans un cercle vicieux", raconte Jeannick Cantin. Les difficultés pour recruter du personnel qualifié amènent à une méfiance dans les capacités de l'abattoir à faire du bon travail en sous-effectif, donc les commandes s'amenuisent. Moins de tonnage ne permet pas de recruter plus de personnel, ce qui aurait permis de redonner confiance aux clients.
Aujourd'hui le tonnage tourne autour de 250 t, alors que, pour être à l'équilibre, il devrait atteindre au moins 480 t. Seule l'année 2018 a enregistré des bénéfices, mais les années Covid ont largement affaibli la structure. En 2020, le déficit était déjà estimé à 57 000 euros, mais aujourd'hui il atteint 85 000 euros.
Face à ces difficultés financières, les collectivités ont porté l'abattoir à bout de bras. Depuis 2016, l'abattoir c'est 900 000 euros de reste à charge pour l'intercommunalité. La communauté de commune Touraine Ouest Val de Loire (CC Toval), propriétaire des lieux, vote l’exonération de loyers sur deux ans et demi (entre 2019 et 2021), soit 45 000 euros. Les collectivités, elles, subventionnent jusqu’à 175 000 euros. En 2020, la préfecture avait déjà effacé 130 000 euros de dettes anciennes et le département avait versé une subvention de 50 000 euros.
Un petit abattoir de proximité : un atout pour la filière locale et directe
Tous les acteurs admettent que la situation ne pouvait plus durer. "Ce ne pouvait plus être maintenu sous perfusion par les collectivités, reconnaît Alain Anceau, en charge du dossier au département. Même si c'est dommage de fermer cet abattoir, il vaut mieux tout arrêter et recommencer en mettant toutes les cartes sur la table."
Si personne n'a l'espoir de voir surgir un repreneur miraculeux, ils sont nombreux à voir un avenir à ce petit abattoir. L'abattoir de 5 salariés (dont la secrétaire et le directeur, qui va parfois lui-même sur la ligne de production) qui possède les chaînes pour s'occuper de bovins, ovins, caprins et porcs, pourrait s'inscrire dans le cadre du Plan Alimentaire Territoriale et ainsi faciliter l'utilisation de viande tourangelle dans les cantines des collectivités.
Pour Jeannick Cantin, le président de la coopérative mais aussi éleveur de bovins, l'utilité d'un petit abattoir est aussi lié au respect de l'animal. "Dans une petite structure, les bêtes sont abattues une par une, elles ne voient pas celle d'avant pendre au bout d'un crochet."
Le fait que l'abattoir de Bourgueil soit le seul du département pèse aussi dans la balance pour lui trouver un avenir : plus le transport est long, plus l'animal stresse. C'est aussi un gain économique lié au coût de l'énergie. Jeannick Cantin, lui, ne sait toujours pas où il ira si l'abattoir de Bourgueil ferme définitivement ses portes.