Bientôt une quatrième année d'internat pour les étudiants en médecine généraliste ? Les syndicats étudiants n'en veulent pas. En grève ce vendredi 14 octobre, ils dénoncent une année de formation... sans formateurs.
"Médecins de demain, pas vos pantins" : devant la faculté de médecine de Tours, plus d'une centaine d'étudiants crient leur opposition à une ultime année d'études avant de pouvoir exercer leur métier. Une mobilisation nationale.
Actuellement, le cursus dure neuf ans. Le ministre de la Santé, François Braun, propose d'en ajouter une dixième. Elle viendrait compléter le cursus d'une année d'internat, incitant fortement les étudiants à aller dans les déserts médicaux, sans les obliger, affirme le ministre.
Être médecin, sans les avantages
Adèle Carré est en 6e année. Pour elle, l'internat, c'est l'an prochain et clairement à ses yeux ce n'est pas la solution : "En mettant un interne tous les six mois ou tous les ans, on ne va pas régler le retard des 20 ou 30 dernières années."
Cette année supplémentaire, les étudiants ne sont pas contre, mais pas dans ces conditions. "On ferait le boulot d'un médecin, en faisant des horaires énormes", estime Floriane Samson, "sans médecin pour nous encadrer". Elle est aussi en 6e année, et si cette réforme est acceptée, elle sera la première concernée. En résumé, elle devra travailler comme un médecin généraliste sans la paie qui va avec, affirme-t-elle. En internat, les étudiants sont rémunérés environ 2 500 euros, les praticiens débutants, 4 500 euros.
Boucher les déserts médicaux
La volonté affichée par François Braun est de pallier en partie le manque de médecins dans certaines régions. Le Centre-Val de Loire est particulièrement concerné, considéré comme le premier désert médical de France. En réalité "87% du territoire est sous-doté" note Enzo Réhau, externe à l'hôpital.
"J'ai 23 ans, je dépends encore de mes parents, et on va me demander de faire encore une année supplémentaire", se désole-t-il. Pour lui, un travail de 40 heures par semaine se rémunère actuellement moins de 300 euros par mois, mais ce n'est pas vraiment le sujet : "On se bat pour que l'on arrête de nous taper dessus. Demain quand on aura gagné cette bataille, on pourra s'attaquer aux salaires."
Alors, les étudiants ne veulent-ils pas s'installer là où on a besoin d'eux ? Enzo Réhau affirme que le problème n'est pas là : "On a fait des propositions, comme de nous pousser, pendant notre externat, à faire des stages hors des hôpitaux qui dépendent de l'université." L'occasion selon lui d'aller découvrir la médecine rurale et ses avantages, mais en étant sûr d'être défrayés : "on ne peut pas se permettre d'aller de Tours à Dreux tous les jours ou de payer un logement".
Liberté de choix
Plus largement, certains revendiquent une liberté de choix : "Au bout de 10 ans de sacrifices, j'aimerais avoir l'opportunité de m'installer où je veux. Avoir la liberté de vivre comme n'importe quel citoyen, ça n'a rien à voir avec la vocation, parce qu'on l'a tous", insiste Floriane Samson.
La réforme est en cours d'examen au Parlement. Elle est inclue dans la loi de financement de la sécurité sociale 2023. Un signe, pour certains manifestants, que l'initiative répond surtout à un besoin de main-d'œuvre à moindre coût et non à une volonté de compléter le cursus des étudiants.