"Personne ne veut s'occuper des adolescents" : la "grande cause nationale" de la santé mentale sera-t-elle à la hauteur pour les jeunes ?

Le gouvernement de Michel Barnier a proposé de faire de la santé mentale sa grande cause nationale. Les jeunes sont particulièrement exposés à cette problématique, qui a été laissée de côté depuis plusieurs années.

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Les enfants ne vont pas bien. En particulier les adolescents, qui vivent un moment charnière de leur existence dans un monde bouleversé par les crises.

De fait, ces "crises successives, notamment celle du covid, ont eu un effet important et aggravant sur la santé mentale de nos concitoyens" affirmait, ce 1ᵉʳ octobre, le Premier ministre Michel Barnier dans son discours de politique générale. Son gouvernement fera de ce sujet, qui "touche un Français sur cinq, notamment les jeunes" sa "grande cause nationale de l'année 2025".

Entre 2017 et 2021, le taux d’épisodes dépressifs recensés par Santé publique France a explosé dans la population générale, passant de 9,8% à 13,3%, alors qu’il se maintenait largement sous la barre des 10% dans les années précédentes. Chez les moins de 15 ans, la hausse est particulièrement notable, particulièrement chez les jeunes filles.

"Sur les idéations suicidaires, on a senti une vague de fond monter à partir de 2018", note Arnaud Sylla, psychologue clinicien de Tours, spécialisé dans les problématiques de l'adolescence.

Le viol et l'agression comme premier contact avec la sexualité

"On en parlait entre nous, mais ce n'est pas quelque chose qu'on a quantifié à ce moment-là au niveau de l'épidémiologie. En revanche, le confinement est venu comme un point d'acmé", qui a amplifié et fait déborder la situation. La forte promiscuité familiale a en effet fait exploser les actes de violence familiale, condamnant des milliers de victimes à rester vivre sous le même toit que leurs agresseurs.

Plus spécifiquement, "on voit venir de plus en plus d'adolescentes dont le premier rapport au sexe est l'agression ou le viol", déplore le psychologue, mentionnant "l'explosion des violences incestuelles" lors des confinements de 2020 et 2021. Si l'extrême majorité des violences sexuelles a toujours lieu dans un cadre familial, le développement des outils numériques et leur utilisation sur les réseaux sociaux a décuplé les dégâts et les opportunités pour les agresseurs externes.

Ainsi, le processus utilisant l'intelligence artificielle, baptisé deepfake (ou "hypertrucage"), permet de mettre n'importe quel visage sur n'importe quelle vidéo. Une méthode depuis largement démocratisée dans l'industrie pornographique, et dont les adolescents sont les premières victimes.

Plusieurs facteurs plus diffus pèsent aussi sur la santé mentale des jeunes, notamment une "tâche de fond, bien arrimée" de nature géopolitique : le réchauffement climatique, la "guerre froide" et la covid construisent une vision de l'avenir extrêmement sombre.

Des moyens bien en dessous des besoins

"Décréter que la santé mentale est la grande cause nationale, c'est formidable", grince Arnaud Sylla, "mais si c'est pour nous dire 'on vous a entendus' et ne rien faire, ça va être délicat". De fait, la précédente "grande cause du quinquennat", l'égalité femmes-hommes, avait été étrillée non seulement par les oppositions pour son manque d'efficacité, mais aussi par la Cour des comptes pour l'absence de lisibilité et de transparence des différentes stratégies.

Ce n'est pourtant pas faute, de la part des acteurs du système de santé, d'alerter les gouvernements successifs sur ses fragilités. Les problématiques ressemblent d'ailleurs à celles de l'hôpital : sous-financement, manque de personnels clés dans différents services et souffrance de plus en plus sensible des professionnels restants face à un public toujours plus nombreux. 

En Indre-et-Loire, l'ouverture d'un accueil de jour à l'hôpital de Tours permet la prise en charge des adolescents en souffrance. "On a la chance de recevoir des dotations pour aider les ados du département", concède Arnaud Sylla, "et on a aussi la chance d'avoir beaucoup d'internes qui souhaitent venir y travailler".

On pourrait se dire que c'est formidable. Mais d'un autre côté, quand on voit la taille du chantier, l'explosion des problèmes de refus scolaire anxieux, de dépression, d'idéations et de passage à l'acte suicidaire, c'est presque une goutte dans l'océan.

Arnaud Sylla, psychologue clinicien à Tours

"Personne ne veut s'occuper des ados", renchérit le psychologue. "C'est extrêmement compliqué à prendre en charge, ça ne se suffit jamais d'un seul dispositif. L'adolescence est politique, et c'est aussi très sensible au politique."

De fait, la santé mentale des jeunes ne se réduit pas non plus au champ psychologique et psychiatrique. Les agents de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et les infirmiers scolaires de l'Éducation nationale sont également en première ligne... et largement débordés

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