Les paroles se libèrent et la santé mentale est devenue un sujet de société pour les Français. Dans le sport professionnel, le sujet semble de moins en moins tabou, et de plus en plus de joueurs ont recours à des préparateurs mentaux.
Les courbatures, élongations, déchirures, fractures font partie de la vie de nombreux sportifs depuis leur début de carrière. Outre les blessures physiques, d'autres, moins visibles, commencent à faire parler d'elles. La parole se libère désormais concernant les troubles psychologiques. De grands sportifs comme Camille Lacourt, Teddy Riner ou le footballeur Florian Thauvin se sont récemment confiés sur le sujet.
France 3 a décidé de poser la question à trois basketteurs. Thomas Cornely 32 ans, meneur de Gravelines Dunkerque, Timothé Vergiat, 25 ans, parti très tôt pour rejoindre l'INSEP, l'institut nationale du sport, de l'expertise et de la performance et actuellement joueur de Blois. Et Armel Traoré, 21 ans, ailier de l'ADA et grand espoir du basket français avec la draft NBA 2024 en ligne de mire.
Tabou ?
Dès que la question est abordée, un sentiment revient : la santé mentale est "tabou", mais "commence à être mis sur la table", indique Timothé Vergiat. "C'est devenu un élément essentiel dans la performance", poursuit-il. "C'est beaucoup plus ouvert, je trouve que c'est bien", ajoute son coéquipier à l'ADA Blois, Armel Traoré.
Le psy, c'est tabou, le mot fait plus peur que prépa mentale. Il y a 10-12 ans, quand on parlait d'un psy, c'est que t'avais un problème. Un préparateur mental, c'est beaucoup plus axé sur l'accompagnement, les doutes que l'on peut avoir, les hauts, les bas"
Thomas Cornely, joueur de Gravelines Dunkerque
Pour le joueur né dans le Loiret, la préparation mentale devrait être prise autant au sérieux que la préparation physique, surtout dans les centres de préformation pour les jeunes qui "doivent être préparés au contexte du monde professionnel".
Timothé Vergiat et Armel Traoré, arrivés jeunes à l'INSEP, n'ont pas noté de changements majeurs concernant l'importance de la santé mentale dans leurs formations. "J'ai dû avoir quatre ou cinq séances à l'INSEP", se remémore l'arrière de l'ADA Blois. Pour le moment, il avoue seulement "avoir réfléchi" à consulter un préparateur mental.
Une démarche individuelle
Son partenaire Armel Traoré a, lui, franchi le cap depuis la fin de son parcours à l'INSEP en 2021. Depuis, il est accompagné de plusieurs personnes : un kiné, un cuisinier (depuis cette saison) et une sophrologue. "Ça se passe très bien, j'ai beaucoup évolué en tant que joueur sur le terrain et en dehors", assure-t-il. Pour lui, l'appel à un préparateur mental doit rester une démarche individuelle : "il ne faut pas que les gens te forcent, sinon tu ne voudras pas le faire."
L'accompagnement a permis d'aider l'ailier dans des périodes difficiles dans sa carrière. Notamment lorsqu'il est arrivé à Monaco en 2021 pour sa première année professionnelle. Désiré par Zvesdan Mitrovic, alors entraîneur de Monaco, le parcours d'Armel Traoré en principauté avait tourné court quand celui-ci avait quitté le club en début de saison. Bénéficiant de quelques minutes en championnat et en coupe d'Europe, le joueur avait été relégué sur le banc, et même renvoyé chez les Espoirs.
C'était compliqué, c'était ma première année, j'avais 18 ans et sortais de l'INSEP [...] C'est une épreuve de la vie, ça m'a rendu plus fort
Armel Traoré, joueur de l'ADA Blois
L'importance de l'entourage
Outre la présence de préparateurs mentaux, les trois joueurs échangent évidemment beaucoup avec leur entourage. Des échanges suffisants pour Timothé Vergiat et Thomas Cornely. "Je suis bien accompagné et épaulé. J'ai pas mal de retours en familles même si je sais que c'est bien de différencier le personnel et le professionnel", nuance le natif du Loiret.
Son début d'aventure dans son nouveau club avait été compliqué. Il avait vu la salle de son club de Gravelines-Dunkerque partir en fumée le 25 décembre dernier. "Je n'étais pas bien quand je rentrais chez moi, je ne me sentais pas à l'aise. Ça ne se passait vraiment pas très bien, en plus des résultats, c'était dur".
Pour ces sportifs de haut niveau, leur bien-être mental dépend majoritairement des résultats. "Ça change tout", assure Timothé Vergiat. En fin d'année 2023, l'ADA Blois avait connu une période de huit défaites consécutives."Je n'avais jamais perdu autant de matchs d'affilée dans ma carrière, ça fait grandir", ajoute Armel Traoré.
Les réseaux sociaux
Le sujet de la santé mentale est venu sur la table après les confinements et la pandémie de Covid en 2020. Pour Timothé Vergiat, les prises de paroles de certains grands sportifs ont ouvert la voie aux autres. Je me rappelle de Naomi Osaka et de plusieurs joueurs de NBA". Armel Traoré met en lumière un autre point : "Sans les réseaux sociaux, ça n'aurait pas été autant partagé au grand public de prendre soin de sa santé mentale".
Certains grands athlètes inspirent d'ailleurs les deux joueurs. "Rafael Nadal et Olivier Giroud, je trouve leur force mentale folle, c'est très fort", indique Timothé Vergiat. Armel Traoré "admire la mentalité de Lebron James. Ça fait 20 ans qu'il domine la NBA, ce n'est pas rien". Il ajoute aussi celle de Cédric Doumbé (MMA).
Victor Wembanyama et Mike James en exemple ?
Certains anciens coéquipiers ont aussi marqué Armel Traoré. Parmi eux, on retrouve Victor Wembanyama. "Il avait beaucoup de poids sur ses épaules, mais il était bien entouré. Il avait déjà tout un 'staff' autour de lui. Et ça se voit, puisque maintenant, il fait des cartons en NBA !". Le meneur américain de Monaco, Mile James avait aussi impressionné l'espoir français. "C'est un vrai professionnel, il arrive tout le temps en avance à la salle. Il a encore des vraies jambes, c'est le meilleur joueur d'Euroligue, de la ligue française".
Les trois joueurs se battront pour la survie de leurs clubs en Betclic Elite pour la suite de la saison. Ensuite, des échéances importantes viendront, notamment pour Armel Traoré, avec la draft NBA le jeudi 27 juin 2024. Pour Timothé Vergiat, c'est objectif JO de Paris 2024 et la sélection en équipe de France de basket 3-3, à partir du 30 juillet.