Plongée dans le travail d'intérêt général, une peine bien loin du travail forcé à l'américaine

C'est sûrement l'une des mesures judiciaires les plus connues : le travail d'intérêt général. Loin du fantasme du travail forcé, sac-poubelle à la main sur les bords de route, l'association Émergence située à Tours accueille une trentaine de tigistes par an. Ici, ils accompagnent des familles sans abris.

Ici, le travail d'intérêt général (TIG) créé des vocations. "L'un des anciens qui a fait sa peine ici est désormais au conseil d'administration de l'association", affirme Sékou Bangoura, plutôt fier. Émergence s'occupe de loger et d'aider des personnes et familles sans abris, bien souvent sans papiers. 

Accompagner les personnes en difficulté

Il y a plusieurs années, la structure a commencé à accueillir des jeunes, et moins jeunes, contraints à effectuer des TIG, après sollicitation d'un juge. Une certaine continuité logique pour Sékou Bangoura, chef de service du pôle hébergement de l'association : "On accompagne des personnes en difficulté". À ses yeux, la lutte contre la récidive en fait partie. 

Un travail gratuit pour la société 

En 2022, 36 personnes sont passées ici pour accomplir leur sanction pénale. C'est le cas de Michel* qui travaille gratuitement depuis le mois de mai. Il doit faire 140 heures. Le jeune homme de 20 ans n'est pas de ceux que Zoé Bonard, sa conseillère de probation, voit fréquemment. 

"Tout était tracé pour moi, explique-t-il. J'ai mon bac, je sais quel métier je veux faire depuis le collège". Dans quelques années, Michel se voit steward. "Quand j'étais petit, j'ai souvent pris l'avion, je les voyais bien habillés, je me suis dit qu'ils devaient avoir un métier important. Puis je me suis renseigné", détaille-t-il. 

L'erreur de parcours qui mène au tribunal 

Et puis il y a eu ce jour-là. L'erreur de parcours. Les mauvaises fréquentations. Une bagarre entre deux groupes, des menaces, des violences qui l'emmènent devant un tribunal. Lui n'a pas porté de coups, insiste-t-il. Mais il est jugé pour "violences en réunion". "Ils sont venus me chercher chez moi, j'ai passé trois nuits à la gendarmerie". Ce jour-là, la peur de la prison le saisit : "Je savais que ce serait la fin de mes projets". 

La garde à vue, il s'était pourtant promis de ne jamais y goûter, alors que "certains s'en vantent". Michel, lui, suit un parcours exemplaire jusque-là. Les juges ne choisissent pas la prison ferme, mais le sursis probatoire, avec cette obligation de TIG. Une mesure qu'il accepte. 

Venir en aide aux autres 

"Ça fait réfléchir, admet-il. Moi, je me suis remis en question, je me suis dit 'pourquoi t'as fait ça ?' Et puis j'ai pris des résolutions, réduit mes fréquentations". C'est dans ce contexte qu'il se confronte à la misère des autres. "J'ai vu que la vie était compliquée pour certains, je ne pensais pas qu'une demande d'asile pouvait prendre autant de temps", prend-il comme exemple.

Lorsqu'il est dans les murs de l'association, il appelle parfois le 115 pour trouver un hébergement à des familles à la rue. "J'aime rendre service", affirme Michel avec un brin d'insouciance. 

Un discours qui réjouit Zoé Bonard. La conseillère d'insertion et de probation croit beaucoup aux vertus de cette peine.

"C'est plus intéressant que d'être enfermé dans 9 m² avec deux autres personnes"

Zoé Bonard, conseillère d'insertion et de probation

"Je me suis senti utile", confirme le jeune homme. Et c'est bien tout le but du travail d'intérêt général. 

Donner un cadre et une nouvelle chance

Si son objectif premier est de réparer un dommage causé à la société, il est aussi là pour permettre de redonner goût au travail à ceux qui s'en seraient éloignés. Parmi les 120 jeunes de 18 à 25 ans que Zoé Bonard suit, une vingtaine ont la même dynamique positive que Michel. 

Les autres sont souvent déscolarisés : "Ils n'ont pas de projet, ils traînent. Avec qui ? Ceux qui ont le même profil et traînent aussi". Sans rythme, difficile de trouver quelconque motivation à sortir d'une forme d'oisiveté. 

Au début, ils se dévalorisent tellement qu'ils enchaînent les conneries. Puis là, ils découvrent qu'ils sont quelqu'un et se sentent utiles.

Sékou Bangoura, chef de service du pôle hébergement chez Émergence

La mission de Zoé Bonard, c'est alors de trouver un TIG adapté. Parfois avec plusieurs structures qui se succèdent, pour "redonner envie", sortir le jeune de sa logique, et éviter toute forme de récidive. Sékou Bangoura se souvient de l'un d'eux, qui "passait ses journées à dormir". La première fois qu'il l'a rencontré, "il ne se sentait pas capable de se lever le matin", se rappelle-t-il.

Il a pourtant bien fallu : "Au début, ils se dévalorisent tellement qu'ils enchaînent les conneries", remarque Sékou Bangoura. Et puis ici, ils découvrent qu'ils sont quelqu'un et se sentent utiles."

Un nouveau lien avec les jeunes du quartier

L'accueil des familles se fait dans une antenne de l'association aux portes du quartier du Sanitas. Sékou Bangoura évoque avec le sourire les relations qui sont désormais celles de la structure avec les jeunes du coin qui ont fait ici l'expérience du TIG. 

"Ils deviennent des sortes de référents. Quand ils nous croisent, ils ont une attitude particulièrement respectueuse." 

Sékou Bangoura

L'évocation de cette ambiance rappelle un nom à Zoé Bonard "Tu te souviens de Nadir* ? Il vivait dans la rue juste en face et ne savait pas du tout ce qu'il se passait ici". 

Permettre une insertion professionnelle durable

 

A la fin du travail d'intérêt général, le pari est de garder l'élan pour permettre aux jeunes de s'insérer durablement. C'est pour cela que le SPIP 37 a fait un partenariat avec la mission locale de Touraine. Les deux organismes se relaient pour prendre en charge le parcours professionnelle. Un accompagnement au long court précieux, aux yeux de la chargée de probation. 

Cette année, en 2023, la mesure fête ses 40 ans. Pour l'occasion, les acteurs du travail d'intérêt général se sont invités sur le marché aux fleurs de Tours, fin juin. Juste à côté du Palais de Justice, le but était de se rendre visible aux yeux des citoyens. 

Sur le stand, Alban Petit, le directeur adjoint du SPIP 37 a décidé de reconstituer une cellule. Il s'est fait prêter un lit, ainsi qu'un toilette et une petite table par la maison d'arrêt de Tours. 

40 ans de TIG

Alban Petit espère ainsi faire comprendre les réalités du monde carcéral, et enclencher une réflexion sur la nécessité de faire évoluer les dispositifs comme le TIG. En Indre-et-Loire, cette alternative à la prison ferme s'est étoffée, notamment avec des collaborations avec des festivals comme Terres du Son. 

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