Il avait besoin de liberté, il l'a trouvée dans son nouveau loisir. Depuis un an et demi, René-Charles Guilbaud dit "Cab" consacre son temps libre à redonner vie à des réservoirs de mobylettes, des selles de vieux vélo ou encore une mitre de cheminée. Il assemble les pièces pour les transformer en une tribu très originale qui compte aujourd'hui 50 masques. Rencontre dans son appartement dans le Vieux Tours.
Niché entre la place de la Victoire et la place du Grand marché dans le Vieux Tours, l'appartement de René-Charles Guilbaud dit "Cab" est un havre de paix qui semble propice à la création et au "délassement de l'esprit". C'est ainsi que cet historien de l'art de 61 ans décrit le temps qu'il consacre à ses assemblages. Une cinquantaine de masques au regard presque humain tous faits de rebuts.
"Ces éléments sont chinés dans les brocantes spécialisées, achetés sur e-bay ou sur le Bon coin. L'origine n'a pas grande importance. Ce sont des éléments que l'on jette ou que l'on néglige, des rebuts que je détourne."
"Des masques faits de différents morceaux et de différentes couleurs comme nous"
Soit bienveillant, soit rieur, soit mystérieux, les masques de Cab ont tous un regard qui leur donne une présence. "Il suffit de mettre deux yeux et déjà ça commence à vivre," s'amuse-t-il. "Mais au-delà de ça, j'ai voulu réfléchir sur le temps qui passe, qui imprime de ses marques sur notre peau, notre visage, notre silhouette. Là, on a des peaux qui sont aussi éphémères, aléatoires, rouillées et cabossées. Ce sont des masques qui sont faits de différents morceaux et de toutes les couleurs un peu comme nous. Donc j'ai voulu en faire des identités pour m'amuser tout simplement. Je voulais créer à partir de pas grand-chose. "
"Ces masques sont des vagabondages débridés"
En tant qu'historien de l'art, la spécialité de René-Charles Guilbaud est de travailler sur la restauration de monuments historiques, ce qu'il trouve "passionnant mais très contraignant". Il avait donc besoin de liberté. "Ces masques ce sont des vagabondages débridés parce que c'est une entière liberté d'assembler et quelques fois de rater."
Pour Cab, le but est de composer des têtes qui donnent l'impression d'avoir été fabriquées il y a trente ou quarante ans. C'est pour ça qu'il a choisi l'acier, le bois et le cuir mais que le plastique ne l'intéresse pas. "Je veux ce recul justement par rapport au vieillissement au fil du temps et à la société de consommation. Comment on en arrive à jeter énormément de choses. Je voulais montrer que les rebuts ne sont pas forcément des choses à broyer pour en construire d'autres et polluer. Les objets ont une seconde vie et on peut les utiliser longtemps."
À force de consommer beaucoup d'objets, je pense qu'on se détruit."
Cab-AssembleurFrance 3 Centre-Val de Loire
Inspiré par le Taureau de Picasso
Parmi les rebuts utilisés par cab, la vieille selle de vélo revient souvent. Et pour cause. C'est la Tête de taureau de Picasso qui lui a donné l'idée de se lancer dans cette aventure. "Picasso avait créé son taureau pour son ami Gonzales. Il a ramassé dans une décharge dans les années 40 une selle de vélo et un guidon. Il a soudé les deux et ça a donné avec deux éléments une magie, une tête de taureau."
Autre rebut très utilisé par Cab, les réservoirs de moto des années 40-50. "Ce qui m'a attiré dans ces réservoirs ce sont les peintures qui font penser à des peintures tribales ou des tatouages. Comme c'est assez effacé ça ne s'impose pas. Donc ça laisse vagabonder l'imagination."
Au départ, l'assembleur donnait des noms à ses créations. Son "Don Quichotte" est fait avec une mitre de cheminée et des roues de landeau, son "pilier de bar" est fait d'un réservoir et le béret est un plateau de balance, la "Jument de Gargantua" est composée d'un sceau à charbon et d'une herse pour les oreilles. Mais maintenant il préfère laisser chacun interpréter ce qu'il voit comme il le souhaite.
Il faut très peu d'outils : une perceuse, une pince et un tournevis
Les masques sont des assemblages et pas des sculptures. "Le métal n'est pas retouché. La rouille est stabilisée à l'huile de lin. Donc je la conserve précieusement. Je ne découpe pas. C'est le matériau, l'objet qui va me guider. Ce n'est pas frustrant. C'est un jeu de regards."
Pour assembler un masque, Cab peut mettre entre trois et quatre heures. Ils ne sont pas soudés mais assemblés avec des vis et se démontent en 30 secondes. "Je n'ai besoin que de trois outils : une perceuse, une pince, un tournevis".
En tant qu'historien de l'art, il ne pense pas que ce qu'il fait soit artistique mais que cela relève plus du bricolage. "C'est plutôt un délassement de l'esprit. On peut appeler ça de l'art brut ou singulier si vous voulez", concède-t-il."Je recycle juste des objets pour leur donner un nouveau faciès".
Ses masques ont été exposés deux fois depuis le début de l'année. Une fois au Café concept place de la Victoire et une autre dans une ancienne galerie d'art boulevard Béranger. "Je cherche d'autres lieux sur Tours et éventuellement sur Paris. C'est pour partager et montrer. Ce n'est pas pour vendre. Ma démarche n'est pas mercantile. Mais une fois que je les aurais exposés, j'en vendrai quelques-uns parce que je ne peux pas tous les garder. Même si je me suis attaché à mes masques. J'attends juste de mieux les connaître avant de m'en défaire", regrette presque Cab.
Pour contacter Cab : guilbaud.rene-charles@orange.fr ou 02 47 39 22 05