Le collectif "pas d'enfant à la rue" alerte sur la situation des familles qu'elle tente d'éloigner de la rue. Quatre d'entre-elles n'ont plus d'hébergement d'urgence depuis le 18 juillet. La solidarité s'organise.
Un jeu cynique de chaises musicales se joue pour des familles sans abris à Tours. "La consigne donnée au 115 est d'opérer à une rotation de telle sorte qu'à un même niveau de vulnérabilité, cela ne soit pas toujours les mêmes familles dans cette difficulté". Cette phrase, est celle d'un message de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) reçu par le collectif "pas d'enfant à la rue".
La difficulté, c'est la rue
Dans "cette difficulté", comprendre, vivre à la rue. Depuis que l'école Michelet a fermé ses portes pour l'été, les familles suivies par le collectif ne peuvent plus être hébergées à l'intérieur. Celles pour qui il y avait des solutions temporaires se retrouvent de facto à la rue.
C'est le cas pour quatre familles avec des enfants en bas âge depuis le mardi 18 juillet. Une situation pour laquelle le collectif "pas d'enfant à la rue" alerte dans un communiqué de presse.
Un collectif pour faire du bruit
Depuis quelques mois, plusieurs enseignants et parents d'élèves se mobilisent pour éviter de voir des familles se retrouver à la rue. "On a eu de l'écho médiatique" explique Mélanie Andrieu, "nos familles ont donc été un peu favorisées pendant un moment". À la fin de l'année scolaire, plus aucune ne vivait dehors. L'enseignante de l'école Marie-Curie comprend cette nécessité de "roulement", mais appelle les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités.
"Deux de nos familles ont dormi à la gare" rapporte Mélanie Andrieu. Celles qu'elle appelle "nos familles", ce sont celles d'enfants scolarisés dans les cinq écoles qui font partie du collectif. La sienne est située dans au Sanitas, un quartier tourangeau défavorisé.
Des institutions qui se renvoient la balle
Paroxysme d'une situation dramatique aux yeux de l'enseignante, cet appel reçu par une maman le 19 juillet. Sa dernière fille fête ses trois ans ce jour-là. "Le conseil départemental doit prendre en charge les familles avec des enfants de moins de trois ans, ou des femmes enceintes" détaille Mélanie Andrieu.
Pas une minute à perdre, l'institution annonce la fin de sa prise en charge à la mère de famille le jour même.
"Cette enfant a passé son anniversaire à la rue puis trouvé refuge dans une église"
Mélanie Andrieu, enseignante
Depuis la création du collectif, c'est ainsi que se passent les échanges : des renvois de responsabilités d'une institution à une autre. "Il faudrait déjà que chacune prenne les siennes" insiste Mélanie Andrieu. Des familles qui devraient être prises en charge par le département ne le sont pas. Résultat, elles appellent le 115. Le service qui est déjà saturé, doit répondre à des situations qui ne lui sont en principe pas destinées.
Ce que demande le collectif "c'est une table ronde entre tous les acteurs", pour réfléchir au long terme. Des solutions, les membres en proposent. Comme mettre à disposition des gymnases ou encore des bureaux que l'on sait inoccupés. Lorsque la réponse est : "ce n'est pas aux normes", Mélanie Andrieu peine à cacher son agacement. La rue non plus n'est pas aux normes, regrette-t-elle.
Aider, sans pallier l'Etat
Autour des quatre femmes et leurs enfants actuellement dehors, la solidarité s'est organisée. Des membres du collectif les accueillent à tour de rôle. Une solidarité nécessaire, mais parfois dangereuse : "tant qu'on fait le travail des institutions, tout va bien. Il n'y a plus d'enfants à la rue, mais ce n'est pas notre rôle" martèle Mélanie Andrieu.
Comme les hébergements d'urgence sont réattribués tous les mardis, chaque semaine verra son lot de familles mises à l'abri, et d'autres à la rue. Pour les enfants, il faut alors faire leurs affaires, sans savoir si un toit leur sera attribué le soir même.
Des enfants en difficulté à la rentrée
"Là où nous nous soucions d'éveiller nos enfants, leurs parents se soucient de réussir à vivre", le quotidien devient alors difficile pour ces élèves. La professeure des écoles, qui s'occupe de sections de maternelle essaye ainsi de créer un environnement le plus "normal" possible.
"Je prends des rendez-vous réguliers avec les parents" affirme Mélanie Andrieu. Elle souhaite ainsi les sensibiliser à la nécessité de faire jouer leurs enfants afin de stimuler l'apprentissage. Une réalité souvent bien lointaine des préoccupations : "ils n'ont souvent pas les codes, mais en sont demandeurs".
Pleine d'enthousiasme, elle sait cependant que le cadre de vie mouvant de ces élèves leur porte préjudice. À la rentrée, ils mettront plus de temps que les autres à se réadapter au système scolaire.