"Sale Portugais" : ce qu'il faut savoir au lendemain de la révélation des propos racistes du président de Tours Métropole

Au lendemain des révélations de France 3 Centre-Val de Loire sur les propos racistes adressés par Frédéric Augis, le président de Tours Métropole, à un maire, nous faisons le point sur les questions qui peuvent se poser au lendemain de la révélation de ces faits.

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La consternation dominait parmi les élus tourangeaux ce vendredi 14 avril, au lendemain des révélations de France 3 Centre-Val de Loire. En effet, le public venait d'apprendre que, quelques jours plus tôt, une vive altercation avait opposé le président LR de la Métropole, Frédéric Augis, et un maire divers droite qui refusait de rejoindre son groupe, Cédric de Oliveira. La dispute s'est achevée sur un invective du premier, qualifiant le second de "sale Portugais".

Malgré les excuses publiques de Frédéric Augis, des questions demeurent : quelles conséquences politiques pour la majorité de la Métropole récemment recomposée ? Que dit la loi ? Existe-t-il un risque d'une nouvelle "affaire de la gifle" comme certaines sources proches des deux élus osent déjà le murmurer ?

Quels sont les faits connus ?

Les faits remontent au 4 avril 2023 à l'issue du conseil métropolitain. Frédéric Augis aurait adressé plusieurs reproches à Cédric de Oliveira, maire de Fondettes. Parmi les griefs : le fait que le jeune maire et 9e vice-président de Tours Métropole délégué aux équipements culturels et à la communication, refuse de rejoindre le groupe majorité à la métropole.

Cédric de Oliveira est surpris et tente de comprendre. C'est alors que Frédéric Augis aurait commencé à s'énerver "tu n'es qu'un VP [NDLR : Vice-Président]", aurait-il ditLe différend ne se serait pas arrêté là. Cédric de Oliveira tente de se défendre mais Frédéric Augis serait allé encore plus loin : "tu n'es qu'un sale Portugais". Une insulte prononcée devant plusieurs témoins dont le maire de Berthenay, la maire de Villandry, le maire de Rochecorbon et un directeur général adjoint des services de la Métropole.

Dans un courrier adressé à Frédéric Augis et que France 3 Centre-Val de Loire s'est procurée ce 13 avril, Cédric de Oliveira raconte la scène de son point de vue, reprochant au président de la Métropole son "emportement", qui "relève d'une réelle brutalité".

Quant à l'insulte qui a clos la conversation, le maire de Fondettes déplore une "parole indigne". Attestée par l'élu qui en est la cible et reconnue, entre-temps, par son auteur qui a présenté ses excuses dans une lettre que se sont à leur tour procurés nos confrères de 37 Degrés, l'insulte n'a pas manqué de faire réagir.

On se connait bien, je peux parfois avoir des paroles dures qui dépassent ma pensée comme toi avec ton tempérament, tu peux être tonique. Je m’engage à l’avenir à ne pas réitérer ce type de propos.

Frédéric Augis, président de la Métropole de Tours

Lettre adressée à Cédric de Oliveira

Un racisme ancien, mais pas révolu

La stigmatisation de l'origine portugaise de Cédric de Oliveira peut surprendre. Pourtant, l'hostilité ancienne vis-à-vis de la communauté lusophone et de leur descendants ne s'est jamais vraiment éteinte.

"Lorsque j'ai pris connaissance des propos tenus par Frédéric Augis, j'ai été heurté mais pas étonné", déclare Filipe Ferreira Pousos est maire PS de La Riche. "C'est symptomatique de l'ambiance globale qui gravite autour de la présidence de la Métropole de Tours depuis quelques mois", constate l'élu.

Pour lui, ces propos sont "digne de paroles tenues au comptoir lors d'une soirée arrosée, pas dans une institution publique comme la Métropole". Mais ils sont aussi le signe du retour, à bas bruit, d'un racisme sans complexes dans la vie publique.

Cette insulte est blessante pour toutes les personnes qui sont venues vivre ici dans les années 60. C'est d'ailleurs le genre d'insultes que je n'avais pas entendues depuis des dizaines d'années. Mais elles reviennent de façon décomplexée sans que les auteurs ne soient inquiétés.

Filipe Ferreira Pousos, maire de La Riche

Des LR au PC, qui a réagi ?

Depuis la révélation de cette affaire, les réactions fusent de tous les bords politiques. De l'opposition d'abord avec la Fédération du Parti socialiste d'Indre-et-Loire qui réagissait le soir même par un communiqué : "En démocratie, le débat politique est un échange d’arguments de fond et les désaccords sont tranchés par des délibérations et des votes. Les invectives nuisent gravement à la nécessaire sérénité des débats. Elles sont à condamner d’autant plus fermement quand elles revêtent un caractère raciste."

Ensuite est venu ce tweet de Pierre Jouan, secrétaire de la section du parti communiste de Tours : "Les propos racistes tenus par Frédéric Augis ne doivent pas rester lettre morte. Le racisme est un délit, la loi est claire et un élu devrait être rendu inéligible une fois de tels propos tenus. Les élus sont les garants des valeurs de la République, il les salit. Dehors !"

Emmanuel Denis, le maire écologiste de Tours qui venait de passer un accord avec Frédéric Augis pour obtenir davantage de vice-présidents à la Métropole a quant à lui transmis une réaction mesurée : "Si des propos racistes ont été tenus, il est évident qu'ils sont à condamner avec la plus grande fermeté." Et d'ajouter : "J'en appelle à l'apaisement  et à retrouver un climat de sérénité pour que nous puissions nous concentrer sur l'avenir de la métropole et les projets structurants et à engager."

Du côté de la famille politique de Frédéric Augis, les Républicains, on semble se désolidariser. Comme Jean Gérard Paumier, président du Conseil départemental d'Indre-et-Loire : 

L’injure a caractère raciste n’a de place nulle part, en particulier dans les Institutions Républicaines qui ont un devoir d’exemplarité. C’est pourquoi j’apporte tout mon soutien à Monsieur Cédric de Oliveira qui en est victime.

Jean-Gérard Paumier, président du conseil départemental d'Indre-et-Loire

"Mon vœu de Président du Conseil départemental et de conseiller métropolitain", poursuit Jean-Gérard Paumier, "est que la Métropole reste la Métropole du respect que j’ai vécue aux côtés de son Président Monsieur Philippe Briand et avant lui du président Jean Germain. Il en va de son honneur, de sa cohésion et son efficacité".

Contacté à plusieurs reprises et par plusieurs journalistes de la rédaction de France 3 Centre Val de Loire, Frédéric Augis n'a pas donné suite. La direction de la communication de la Métropole nous a simplement répondu : "Le Cabinet m'informe que le Président ne fera aucun commentaire."

Pas de plainte déposée

Que dit la loi dans ce genre de situation ? En effet, Cédric de Oliveira n'a pas porté plainte, même s'il menace "d'en aviser immédiatement le Procureur de la République" si cela venait à se reproduire.

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, révisée en 1972, définit plusieurs infractions réprimant la tenue de propos racistes ou antisémites. Parmi elles, l'injure raciste. Elle est définie comme toute expression outrageante, tout terme de mépris ou toute invective "envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée".

Le Parquet peut décider de se saisir même si aucune plainte n'a été déposée. Sollicitée par téléphone et par mail, la Procureure par interim de Tours, Delphine Amacher, ne nous a pas encore répondu. Pour Filipe Ferreira Poussos, maire de La Riche, il est peu probable que le parquet se saisisse. "Cela ne ferait que jeter de l'huile sur le feu. Ce doit être une décision personnelle de la personne concernée. S'il se sent légitime à rester droit dans ses bottes, dont acte.

Une nouvelle "affaire" après deux ans de chaos politique ?

    Cet événement intervient à la suite de deux ans de crise au sein de la gouvernance de la Métropole de Tours. Rappelons qu'en juillet 2021 Wilfried Schwartz (PS) avait quitté son mandat de président de la métropole, suite à l'affaire de la giffle et avait annoncé son retrait de la vie politique sur le plateau de France 3 Centre-Val de Loire le 11 janvier 2023.

    Toujours en juillet 2021, Frédéric Augis, alors maire de La Riche est élu à la tête de la Métropole. Après avoir nommé le nouvel exécutif, 8 vice-présidents et membres du bureau avaient démissionné. Dans un communiqué, Emmanuel Denis, maire de Tours et 36 autres conseillers, vice-présidents sortants et maires dénonçaient le fait que Frédéric Augis avait "décidé de distribuer 17 vice-présidences sur 20 à ses amis politiques, au mépris de l'intérêt du territoire et du suffrage universel". 

    En mars 2023, Frédéric Augis décide démissionner afin d'être mieux élu et passe un accord avec le maire de Tours Emmanuel Denis après six mois de discussion. Ce dernier obtient que la ville-centre réintègre l'exécutif de Tours-Métropole Val de Loire. Emmanuel Denis et trois de ses adjoints à la Mairie soient désormais aussi vice-présidents à la Métropole. 

    Lundi 17 avril se tiendra à la métropole une conférence des maires. Frédéric Augis sera-t-il présent ? Sera-t-il représenté par sa première vice-présidente et maire de Villandry, Maria Lépine ? Et surtout, les discussions risquent-elles d'être polluées par cette affaire ?

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