ENQUÊTE "J'ai pensé au suicide" : des agents dénoncent la "méthode" Wilfried Schwartz

L'ancien maire de La Riche et président de la métropole de Tours, Wilfried Schwartz est dans le collimateur pour son management excessif exercé dans les collectivités. La condamnation de l'ancien élu en appel pour une gifle adressée à son ancien directeur de cabinet à la Métropole ne serait que la partie visible de l'iceberg.

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Ils sont une cinquantaine à être partis depuis 2019 sur les 217 agents qui travaillent quotidiennement dans cette commune de l'agglomération de Tours, en Indre-et-Loire. La fuite des cerveaux parmi les agents municipaux de La Riche  est devenue un refrain incessant dans cette ville de 10 000 habitants.

Si certains sont partis à la retraite, beaucoup (même si La Ville de La Riche affirme que le chiffre correspond à la moyenne nationale des départs d'agents dans les collectivités*) se sont exilés pour se protéger et fuir une méthode de management. Selon une dizaine de témoignages exclusifs obtenus par France 3 Centre-Val de Loire, le "management autoritaire et parfois violent" de l'ancien maire et ex président métropole de Tours, Wilfried Schwartz, serait à l'origine de ces départs en cascade.

Des employés éprouvés

Certains agents ne supportaient plus les méthodes de ce jeune élu à la carrière fulgurante et de son équipe. Dans les Pays de la Loire, dans d'autres collectivités d'Indre-et-Loire, dans le sud de la France, ils ont fui le plus loin possible pour ne plus avoir à subir ce management qu'ils jugent "toxique".

C'est le cas d'un ex-agent joint par téléphone : "Moi j’ai été mis au placard petit à petit, ça a commencé en 2016. On a supprimé mes missions les unes après les autres. Sur un organigramme, tout le monde y était sauf moi. J’ai été arrêté 6 mois…j’ai fait un blocage psychologique, j’ai pensé au suicide mais heureusement j'étais bien équilibré dans mon couple."

Heureusement il y avait une solidarité entre les agents mais ils ont toujours pensé qu'il y aurait un drame, un malheur, un suicide, un jour".

Un ancien cadre administratif anonyme

Même son cloche du côté de cet ancien cadre administratif : "Plusieurs agents ont subi des changements de bureau, des retraits de délégations et de directions de service, du jour au lendemain, sans qu'il y ait d'entretien préalable." Les témoignages brossent le portrait d'un homme dont le comportement chavirerait en une seconde. "Il y a une espèce de transformation en un éclair : 'vous me faites chier, dégagez !' Si vous n'alliez pas dans son sens, vous étiez contre lui."

L'ancien maire de La Riche n'aurait pas non plus hésité à intimider pour assoir son autorité. Une ancienne policière municipale raconte comment Wilfried Schwartz aurait humilié des agents de la police municipale alors qu'ils discutaient avec une élue d'opposition à la sortie du conseil municipal, le 17 novembre 2020.

Après un bref accrochage, le président de la Métropole aurait ajouté "C'est moi le chef, votre responsable hiérarchique. Si je vous demande de faire quelque chose, vous le faites", et exigé que les policiers municipaux fassent le tour de la salle des fêtes en courant "jusqu'à temps que je dise stop !"

La "méthode" Schwartz

Pour d'autres agents, Wilfried Schwartz n'aurait pas été seul à agir, et certains membres de son entourage ont également une influence néfaste. Comme cette membre du cabinet qui aurait selon eux "amplifié le phénomène. Elle a réussi à faire sortir la bête noire qui est en lui. À eux deux c'est le couple infernal". 

Contacté par France 3, l'ancien maire socialiste de la Riche, Alain Michel qui avait soutenu Wilfried Schwartz pour gérer sa succession, dénonce désormais ce qui relèverait, selon lui, d'une "méthode" du management brutal.

J'ai eu beaucoup de témoignages rapidement puis j'ai fait mon enquête personnelle. J'étais effaré par le nombre d'agents en souffrance. Il y a de la violence dans les rapports et des menaces. Je sais qu'il y a eu un audit mais il est sous 'secret défense'.

Alain Michel, ancien maire PS de La Riche


Et d'ajouter : "Quand on regarde l'arrêt de la cours d'appel d'Orléans suite à la gifle [NDLR : l'affaire de la gifle adressée à son ancien directeur de cabinet à la Métropole, Albin Herbette], on constate que ce comportement était un élément parmi d'autres. En fait c'est le fonctionnement anormal d'une personne. Regardez à la métropole, c'est surréaliste. Je me suis trompé mais je ne m'en étais pas rendu compte. C'est un menteur. On ne peut pas faire confiance à un menteur. A un moment donné, la vérité éclate".

Dans son arrêt condamnant l'ancien maire de La Riche, la Cour d'appel d'Orléans précise en effet que Wilfried Schwartz a exercé "un mode de management parfois brutal, empreint de sautes d’humeurs ou d’autoritarisme"

"Il y a eu présomption de culpabilité"

Joint à plusieurs reprises par France 3 depuis le 7 novembre 2022, Wilfried Schwartz a refusé une interview filmée et plusieurs invitations à s'exprimer en direct entre novembre et janvier. À sa demande, l'ancien président de Tours Métropole a finalement pu réagir à ces témoignages et donner sa version des faits sur le plateau de France 3 Centre-Val de Loire ce 11 janvier. 

Selon lui, la gifle infligée à son ancien directeur de cabinet, qui lui a valu une condamnation et a déclenché la polémique, a été et demeure une "pure invention", et toute l'affaire a été menée avec une "présomption de culpabilité" à son encontre.

Wilfried Schwartz fustige également les témoignages des agents l'accusant d'un management brutal, ironisant sur les "propos très courageux exprimés sous couvert d'anonymat" et met en avant une enquête de satisfaction qu'il a lui même commandé en 2019. "80 % des agents de La Riche se sentent bien dans leur travail", assure t-il, sans qu'il nous ait été possible de consulter le document.

Par la même occasion, Wilfried Schwartz a annoncé retirer son pourvoi en cassation et "quitter toute fonction politique" dénonçant un "emballement médiatique" et des "coups politiques" le visant. La Cour de cassation confirme ce désistement, qui a eu lieu le 6 janvier, et dont elle devrait prendre acte dans une décision attendue le 20 janvier prochain.

Dans l'affaire dite "de la gifle", Wilfried Schwartz en resterait donc, si son pourvoi en cassation était bien annulé, à sa condamnation en appel de septembre 2022 : 6 mois d'inéligibilité et 5000 euros d'amende. À la Métropole de Tours, il sera remplacé comme conseiller par Rabia Hadjidj-Bouakkaz.

 

  •  La Ville de La Riche ne contexte pas le nombre de départs d'agents, mais affirme qu'il concerne une période plus grande (sept ans) : "rapporté à la période considérée et au nombre total d'agents (213), cela constitue un ratio de mobilité externe de 3,6 très proche de la moyenne nationale pour l'Etat et les collectivités locales (3,4)"

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