Dans une série de collages apposés dans la nuit du 14 au 15 avril sur les murs de la fac de médecine de Tours, un collectif dénonce le harcèlement et les agressions sexuelles dont sont victimes des étudiantes. Et accusent l'université de protéger les agresseurs.
"Aujourd'hui ton violeur, demain ton docteur", "Ici sont formés et protégés des violeurs", "Étudiant.es, pas morceau de viande". Les trois slogans collés sur les murs de la fac de médecine de Tours, au 10 boulevard Tonnellé, ont fait couler beaucoup d'encre depuis leur découverte, le vendredi 15 avril.
Un étudiant mis en examen pour viol puis stagiaire en gynécologie
Derrière ces collages, le collectif "Actions féministes Tours", qui dénonce une "situation gravissime" sur laquelle des étudiants et étudiantes l'ont alertés. En cause, une affaire toujours en cours d'instruction, dans laquelle cinq femmes ont déposé plainte contre un étudiant en médecine pour un viol et plusieurs agressions sexuelles, et que la faculté est accusée de "protéger".
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Placé en détention provisoire de septembre à novembre 2020, le jeune homme a été placé sous contrôle judiciaire, mais a néanmoins été en mesure d'être transféré dans une autre faculté, où il a effectué son stage en gynécologie. Un transfert "facilité", selon le collectif par une "lettre de recommandation" signée de la main du doyen de la fac de Tours, Patrice Diot.
Interviewé par la Nouvelle République, l'intéressé a jugé "excessivement violente" l'action du groupe féministe, confirmant néanmoins le souhait de la faculté que l'étudiant "change d'université, compte tenu des charges qui pesaient sur lui". Ce mercredi 20 avril, Patrice Diot a rendu publique sa décision de porter plainte pour "diffamation" contre le collectif.
Une "conjugaison de loupés"
"Ces collages ont suscité un émoi, qui est à mon sens justifié" estime quant à lui l'avocat de quatre des victimes, Me Marc Morin. Si ses clientes, assure-t-il, n'ont "jamais voulu médiatiser ce dossier", l'arrivée d'un homme mis en examen pour viol dans un département de gynécologie relève, selon l'avocat, d'un "conjugaison de loupés" entre un "contrôle judiciaire inadapté" et un "doyen qui, finalement, laisse faire".
Le parquet de Tours a décidé de ne pas communiquer sur cette affaire toujours en cours d'instruction. Cependant, une source proche du dossier estime que les faits, qui ont eu lieu dans le cadre privé de soirées entre étudiants, et pas dans le cadre professionnel, ne peuvent pas entraîner "d'interdiction d'étudier" dans un service ou un autre. L'affaire étant toujours en cours d'instruction, le jeune homme reste en effet présumé innocent.
Une parole toujours pas libérée dans la faculté de médecine
Mais au-delà des actes, répétés mais isolés, qui impliquent ce seul étudiant, le collectif "Actions féministes Tours" insiste aussi sur sa volonté de tirer la sonnette d'alarme sur un environnement largement hostile, notamment sur les lieux de stage. Il indique ainsi l'existence de cas de harcèlement sexuel et de remarques sexistes qui lui ont été rapportés dans plusieurs services, notamment "la cardiologie, l'urologie et l'orthopédie".
Pour dénoncer ce système et les violences ayant lieu dans le milieu universitaire des comptes sur le thème "Balance ta fac" ont fleuri sur les réseaux sociaux. A Tours, sur Instagram, une étudiante raconte son agression lors d'un week-end d'intégration : "C'est insidieux. Ça commence par un 'non' qui ne veut pas être entendu par la personne en face. Alors elle insiste jusqu'à ce qu'elle atteigne son but."
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Pour autant, tous les témoignages ou presque restent anonyme et, à ce titre, fragiles. Dans le milieu très fermé de la fac de médecine en particulier, la parole a encore beaucoup de mal à se libérer. "Malheureusement, dans cette filière la pression et la hiérarchie font qu'un minime témoignage n'allant pas dans le sens des 'chefs' aura la conséquence de ruiner une carrière et une vie en un claquement de doigts", regrette par exemple une étudiante, qui a souhaité joindre France 3 à titre anonyme.
Alors qu'Orléans est sur le point, à son tour, de se doter d'une fac de médecine, il s'agit en tout cas d'une mauvaise publicité dont l'université de Tours se serait bien passée.