Témoignages. "J’ai éteint un mec… Après, j'ai été respecté", deux détenus racontent leur séjour en prison

Publié le Écrit par Benoît Bruère
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France 3 Centre Val de Loire a pu recueillir deux témoignages de détenus passés par l'une des prisons les plus peuplés de France, la maison d’arrêt de Tours. Insalubrité, trafic de drogues, bagarres : leur expérience est édifiante.

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Ils ne sont pas fiers et cela reste, pour l’un, un traumatisme, pour l’autre un "séjour particulier où il a fallu ne pas baisser les yeux". Deux anciens détenus ont accepté de partager leur expérience au sein de la maison d’arrêt de Tours, l’une des plus insalubres et surpeuplées de France. À ce jour, il y a 269 personnes incarcérées pour 145 places soit un taux d’occupation de 226%. Lors de notre entretien, ils n’ont jamais remis en cause leur condamnation, acceptaient cette dernière et ont bien voulu témoigner sur les conditions de détention.

"C'est glauque, pourri comme du fumier, tout est dans un état insalubre"

Quand on évoque les conditions de détentions, les mêmes mots reviennent. "Ce qui m’a frappé ? La vétusté partout que cela soit dans les cellules, les lits, les WC dans la cellule. Tout est vétuste, même les portes en bois, il n’y a rien de moderne dans ce truc", précise Gérard, le premier témoin. Pour Karim*, second témoin, "c’est glauque, pourri comme du fumier, tout est dans un état insalubre" avant d’ajouter :

En bas vivent les pédocriminels, les malades et ceux qui bossent dans la prison. Au 1er étage, les arrivants vivent à 4 dans 15-20 m² et après au 2e étage, il n’y a rien qui fonctionne.

Karim

Gérard surenchérit "l’hiver, on se caille, il n’y a aucune fenêtre qui marche correctement. Nous étions trois dans la cellule de 9m² et ils ont voulu nous en mettre un 4ᵉ, finalement cela ne s’est pas fait".

À propos de la vie en détention et de devoir se protéger physiquement : "Je n’ai pas eu le choix. C’était régulier dans les douches, car elles ne sont pas surveillées et fermées, donc on avait 10 minutes pour se bagarrer, précise Karim". Il ajoute "Au bout de trois semaines, je me suis battu sous la douche, je devais le faire. J’ai éteint un mec… Après, j'ai été respecté".

Gérard, lui, ne sortait pas de la cellule par peur de se faire tabasser, cela a duré plusieurs mois. "Je n’allais jamais en promenade à l’extérieur" avant de préciser non sans une certaine inquiétude comme s’il se retrouvait à nouveau derrière les barreaux : "Tu sais que tu es mis en relation avec des schizophrènes, tu sais que tu vas te faire trucider donc tu ne sors pas et surtout pour ne pas avoir de problèmes".

La nourriture, le sommeil, la toilette

Il est temps d’aborder avec eux les besoins primaires : la nourriture, le sommeil, la toilette et là, les réponses fusent : "Immangeable quand il y a à manger. Quand ça commence dans l’autre sens, il n’y a plus rien pour les derniers". À Tours, il n’y a pas de réfectoire, le service est assuré via un chariot à l’extérieur de la cellule. "Devant la cellule, tu récupères ta gamelle, quand c’est cuit".

Pour Karim, il y avait d’autres solutions. "Si tu veux manger, il faut tout "cantiner", c'est-à-dire mettre en place un système de supérette. Donc si tu as des ronds, tu payes et tu peux manger ou avoir des produits de première nécessité. Si tu veux faire tes besoins, il faut acheter ton PQ".

Selon Gérard, les nuits étaient difficiles, notamment au début : 

Je ne dormais pas la nuit en arrivant en détention, je me suis habitué ensuite. Cela dépendait des cris des autres, car parfois ça criait une grande partie de la nuit.

Gérard


Les deux ex-détenus sont restés plusieurs mois, rue Henri Martin. Gérard a été marqué par ce premier jour où beaucoup de détenus fêtaient le début du ramadan. "Je me souviens que le premier jour de cette fête pour les musulmans : 100 colis environ avaient été jetés et étaient retombés dans la cour sur le terrain de foot. Tout peut rentrer dans la prison : du shit, des portables, des cigarettes. On peut même faire rentrer des armes. Toutes les cellules ont un téléphone portable, même si officiellement bien sûr, il n’y en a pas. Après avec un téléphone, tu passes des appels, mais surtout des commandes".

 Karim, lui, se souvient de cris de joies à l’annonce d’un attentat en France un mois d’octobre.

 Le trafic de drogues est bien présent en détention

Comme partout dans la société, le trafic de drogues est bien présent. "Tu peux avoir ce que tu veux dès lors que tu as de l’argent ou quelque chose à troquer. Du shit, de la cocaïne, de l’ecstasy. Les copains envoient de la rue et ensuite, on récupérait avec des "cannes à pêche" dans la cour. On avait des barrettes de shit, le soir tout le monde fume pour passer une nuit tranquille".

Y a-t-il des points positifs ? Oui, selon Karim, "il y a des gardiens très gentils qui vont te respecter en tant qu’être humain, mais d’autres s’en foutent totalement". Il y en a qui sont "détestables qui vous humilient" relate Gérard. Certains professionnels sont épargnés : "Le suivi psychologique était très bien avec les psychologues et les psychiatres qui font un gros travail avec deux séances de 10 à 30 minutes". Il y a un vrai véritable lien avec l’hôpital de Tours. Gérard remercie aussi l’aumônier qui passait le rencontrer une à deux fois par semaine, un moment de répit et de partage, d’espérance dans un quotidien terrifiant.

*les prénoms de Gérard et Karim ont été modifiés pour respecter l’anonymat.

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