Tours : après des semaines de bénévolat, les couturiers professionnels obtiennent le droit de vendre leurs masques

De nombreux couturiers professionnels ont fabriqué des masques en tissu bénévolement notamment dès le début de la pandémie. Aujourd'hui, ils ne veulent plus travailler gratuitement. Après un long combat, ils ont obtenu de pouvoir vendre leurs masques librement. 

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Ils étaient contents de nous trouver quand on était bénévoles, mais maintenant qu'on pourrait répondre à la demande en vendant nos masques, nous n'avons aucune information claire

Joëlle Nonnet est créatrice textile en matière revalorisée à Tours. Elle tient un atelier-boutique depuis 2 ans. Dès le début de la pandémie, elle a fabriqué des masques bénévolement notamment avec les "Couturières masquées du Centre-Val de Loire. "
 
"Les couturières ne veulent plus avancer masquer. Cela suffit !" s'insurge la professionnelle de la couture tourangelle. "Même pendant la seconde guerre mondiale, les couturières réquisitionnées étaient payées."

Joëlle Nonnet se bat depuis des semaines pour pouvoir fabriquer des masques en tissu et avoir le droit de les vendre. "Personne ne travaille gratuitement. Le bénévolat c'était pour pallier un manque dans l'urgence. On a un vrai métier artisanal. Mais il semble y avoir une mainmise industrielle sur ce commerce", constate-t-elle. 
 

Ma machine a cassé à cause du rythme insoutenable, j'étais en train de craquer

Samuel Gauthier est couturier professionnel. Installé comme auto-entrepreneur à Tours, il s'est lui aussi investi totalement dans la fabrication de masques en tissu pour les soignants dès le début de la pandémie.

Au départ, il en a fabriqué pour le CCAS (Centre communal d'action sociale) de Tours puis il a répondu à une demande d'une entreprise de Lyon qui envoyait des kits à coudre : 250 par carton à 40 centimes le masque. 

Malgré la difficulté et la rémunération très basse, Samuel Gauthier réalise les masques à la chaîne. "Je me disais que ce n'était pas cher payé mais qu'il s'agissait d'un geste citoyen. Quant au bénévolat pour les collectivités, on se sent presque obligé de participer en donnant tout ce qu'on peut donner."

Après plusieurs semaines à un rythme très soutenu, Samuel Gauthier craque. "Ma machine a fini par casser à cause du rythme insoutenable. Je me suis mis beaucoup de pression. On n'est pas des robots. On est des êtres humains."

Quand la Préfecture et la Mairie de Tours l'ont sollicité pour qu'il fournisse de nouveaux masques bénévolement avec sa matière première, il a dit stop : "Je leur ai répondu qu'ils devaient au moins fournir le tissu et les élastiques. Je n'ai jamais eu de réponse." 

Joëlle Nonnet et Samuel Gauthier ont rejoint tous les deux le groupe "Bas les masques" sur Facebook pour demander une reconnaissance de leur travail de professionnels et la possibilité de vendre en toute légalité leurs réalisations. 

"Nous n'avons pas le droit d'être bénévoles dans notre branche de travail. Sinon c'est du travail dissimulé. Les collectivités qui nous sollicitent sont dans l'illégalité mais cela ne semble déranger personne car c'est un effort de guerre", rappelle Samuel Gauthier. 

Joëlle complète : "Coudre, c'est notre métier. Nous payons des charges là-dessus. Ce que nous voulons c'est travailler dans la légalité. Il faut des contrats avec les collectivités." 

Le groupe "Bas les masques" a recueilli 14 898 signatures 

Le groupe "Bas les masques" a pour objectif que les couturiers professionnels soient rémunérés pour la fabrication de masques en tissu. Il regroupe sur Facebook 1258 membres et leur pétition lancée le 28 avril avait recueilli plus de 14 898 signatures sur un objectif de 15 000 à 18h ce mardi 5 mai 2020. 

Dans leur pétition, les administrateurs du groupe expliquent les problèmes principaux liés à ce mouvement bénévole :

"Le mouvement a dépassé, de loin, le cadre normal du bénévolat et en vient à concurrencer, voire remplacer une industrie existante qui devrait être plutôt soutenue par le gouvernement.[..] Parallèlement, des normes et un process complexe d’homologation sont instaurés pour pouvoir vendre les masques, favorisant les grandes entreprises au détriment des nombreuses petites entreprises et des indépendants; d’autant qu’aucun encadrement des prix n’est prévu."
 
 

Finalement, les artisans couturiers ont-ils le droit de vendre des masques en tissu ? 

Oui, depuis le 4 mai 2020 c'est officiel. Après avoir d'abord annoncé qu'il fallait faire homologuer ses tissus par la Direction générale des Armées (DGA), ce qui prendrait 3 à 6 semaines pour un montant allant de 1100 euros à 1300 euros, Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, a  finalement affirmé que les couturiers professionnels pouvaient fabriquer et vendre leurs masques librement. Elle a twitté cette information ce lundi 4 mai 2020. 
Pour Samuel Gauthier c'est une bonne nouvelle. "Enfin une éclaircie après toute cette énergie gaspillée à se battre pour rien. Je pourrai livrer les clients qui habitent à Tours. Les autres pourront venir chercher les masques chez moi". 

Une perspective pour les couturiers professionnels? La possibilité que l'UNACAC, le syndicat des artisans des métiers de la mode, leur fournisse des kits homologués à coudre. "Les kits sont en route," se réjouit Joëlle Nonnet. 
 
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