Le collectif "Pas d'enfant à la rue" a organisé ce 3 mai un rassemblement devant le Conseil départemental d'Indre-et-Loire pour exiger des solutions d'hébergement pour les élèves et leurs familles. La nuit précédente, pour la deuxième fois en deux semaines, deux familles ont dû dormir à l'école Michelet de Tours dans le quartier du Sanitas.
Il est 8h45 devant le Conseil départemental ce mercredi 3 mai. Sur les marches du Conseil départemental d'Indre-et-Loire est étendu un drap à même le sol, comme les familles sans solution d'hébergement d'urgence qui doivent dormir par terre. Sur le drap est inscrit : "Des enfants dorment à la rue", ces derniers mots, barrés, sont remplacés par "à l'école".
"Ils doivent arrêter de se renvoyer la balle. La Préfecture nous renvoie vers le Conseil départemental et le Conseil départemental ne nous répond pas". Aurélie Ardouin, enseignante à l'école primaire Michelet s'adresse à une cinquantaine d'enseignants, parents d'élèves et membres d'associations telles que RESF et Chrétiens migrants.
"Le Conseil départemental doit assurer la protection des enfants de moins de trois ans mais dans ce département ce n'est pas le cas", déplore l'enseignante, membre du collectif "Pas d'enfant à la rue", créé début avril à Tours.
18 élèves sur 100 n'ont pas d'hébergement pérenne
Le collectif est né d'une situation de détresse récurrente à l'école Michelet située à Tours face à la piscine Gilbert Bozon dans le quartier populaire du Sanitas. Sur 100 élèves, 18 n'ont pas d'hébergement pérenne.
Camille est parent d'élève dans cette école. "Nous avons accueilli des enfants et leurs familles l'année dernière plusieurs nuits chez nous. Puis cette année aussi. Plusieurs parents l'ont fait. Quand on a vu que ces situations se répétaient nous nous sommes dit que ça ne pouvait pas durer."
Cette maman de deux enfants compte sur la mobilistation du collectif pour alerter les institutions sur l'urgence de l'hébergement de ces familles.
Le relais citoyen c'est très bien mais c'est aux institutions de jouer leur rôle. Elles ne proposent que des solutions ponctuelles. En plus on s'est rendu compte que ce que nous vivions à l'école Michelet n'était pas isolé. L'école Diderot aussi
Camille, parent d'élève de l'école Michelet à Tours
En effet à l'école Diderot à Tours, ce sont 30% des familles qui n'ont pas d'hébergement pérenne. Emilienne Augé y enseigne aux élèves de CM1. "Au début de l'année, ils étaient 28 élèves à être tributaires du 115 [numéro pour demander un hébergement d'urgence, NdlR]. Ils sont très fatigués mais en même temps très assidus et contents d'être à l'école", raconte-t-elle.
Elle poursuit : "Chaque mardi on fait le point. C'est le jour où les familles doivent quitter leur hébergement d'urgence et appeler le 115. On leur dit de venir à 17h à l'école pour nous prévenir s'ils n'ont pas trouvé de solution d'hébergement."
L'école Michelet transformée en refuge
Ce mardi 2 mai, c'était le cas. Deux femmes et trois enfants allaient dormir dans la rue si l'école Michelet ne s'était pas transformée en refuge pour une nuit.
Depuis 10 ans que j'enseigne je n'ai jamais vu ça. Ces mamans sont épuisées, vivent dans le stress de ne pas avoir de lit pour que leurs enfants dorment au chaud.C'est un parcours du combattant. Quant aux enfants. Ils sont incroyables. Malgré l'angoisse que créé le fait de ne pas savoir où ils vont dormir le soir. Ils sont assidus et très motivés.
Aurélie Ardouin, enseignante
"Mais comment voulez-bien apprendre et être concentré quand vous dormez dehors ou que vous devez sans cesse changer de lieu d'hébergement ? En tant qu'enseignant on nous demande de faire réussir tous nos élèves. Là on est dans une impasse", poursuit Aurélie Ardouin, en colère.
Depuis le 20 avril, l'école Michelet se transforme en hébergement d'urgence.
"C'est mieux que de dormir dans la rue"
C'est la deuxième fois depuis le 20 avril, que des familles sans solution d'hébergement sont hébergées dans l'école Michelet. Au sol, des matelas de fortune, une douche à disposition et l'accompagnement de parents d'élèves et d'enseignants du collectif.
"On ne peut pas laisser les familles seules à l'école. Donc on vient passer la nuit par terre avec elles. C'est moins bien qu'un hébergement d'urgence mais c'est mieux que de dormir à la gare ou dans la rue. Ce n'est pas une solution. L'idée est vraiment d'alerter les institutions", répète inlassablement Aurélie Ardouin, enseignante à l'école Michelet.
Le droit des enfants n'est pas respecté. Il s'agit de la mise à l'abri inconditionnelle des enfants garanti par une convention des Nations Unies.
Roman Stadnicki, parent d'élève école Michelet à ToursFrance 3 Centre-Val de Loire
Le 20 avril dernier, c'est un couple avec leurs 5 enfants dont un bébé de trois mois qui était hébergé à l'école. "Le droit des enfants n'est pas respecté. Il s'agit de la mise à l'abri inconditionnelle des enfants garantie par une convention des Nations Unies. Nous sommes là pour rappeler que ce droit existe et qu'il faut le respecter. En attendant qu'il le soit, que les institutions s'accordent pour pouvoir assurer des solutions pérennes d'hébergement à ces enfants", s'insurge Roman Stadnicki, parent d'élève.
La Convention relative aux droits de l’enfant énonce les droits qui doivent être respectés pour que les enfants puissent développer tout leur potentiel, être à l’abri de la faim et du besoin, et être protégés de la négligence et des mauvais traitements.
Une hausse de 38% de demandes d'hébergement d'urgence pour des femmes avec enfants
Joint par France 3, la directrice de cabinet du Préfet d'Indre-et-Loire, Anaïs Aït Mansour, déplore cette situation et tient à rappeler les chiffres de l'hébergement d'urgence dans le département : " En 10 ans, le budget alloué à l'hébergement d'urgence a été multiplié par deux passant de 7,5 millions à 15 millions d'euros. L'Etat finance 608 places et nous poussons jusqu'à 800 places pour faire face à l'augmentation de la demande. Une augmenation de 25 % en un an d'appels au 115 et surtout une augmentation de 38 % de femmes seules avec enfants."
La directrice de cabinet rend hommage au travail colossal que fournissent les agents de l'Etat et du 115 pour pallier cette augmentation de la demande. Par ailleurs, elle explique que la Préfecture d'Indre-et- Loire a demandé une enveloppe supplémentaire d'un million d'euros à la DIHAL, Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement. " On est en attente d'un arbitrage. Cela prend du temps. On prend la mesure de la situation. Nous ne sommes pas dans l'attentisme face à ça. En parallèle, nous finançons aussi des dispositifs d'hébergement pérenne pour que ces personnes sortent de l'hébergement d'urgence."
Nouvelle mobilisation le mardi 9 mai à 18h
Le collectif "Pas d'enfant à la rue" prévoit d'organiser un nouveau rassemblement mardi 9 mai à partir de 18h à l'école Michelet.
Pour ce mercredi 3 mai, les enseignants et parents d'élèves se tiennent prêts à héberger une nouvelle fois des familles à l'école Michelet si le 115 ne leur trouve pas de solution d'hébergement d'urgence.