Après un an de guerre en Ukraine, de nombreux réfugiés tentent de vivre une vie normale en France. Entre barrière de la langue de accueil chaleureux, tout n'est pas de tout repos pour eux, qui continuent de s'inquiéter de la situation dans leur pays, qu'ils rêvent de retrouver.
Malgré la barrière de la langue, Maryna Semkyna et Olena Mishenko ont noué une véritable relation de complicité avec Caroline Wathy. "On communique via Google Traduction, en anglais aussi même si je ne suis pas très bonne, avoue cette dernière. Et nous parlons de plus en plus en français car Maryna et Olena suivent des cours."
Cela fait presque un an que ces deux ukrainiennes âgées de 41 et 33 ans vivent chez cette cheffe d’entreprise chartraine. Originaires de Zaporijia, elles se connaissent depuis l’enfance et étaient colocataires à Kiev, avant de fuir la guerre.
Accueil naturel
Après avoir traversé l’Ukraine, la Pologne et l’Allemagne en train, elles se retrouvent en France, à Chartres, au mois d’avril 2022.
Une amie qui participait aux manifestations contre le conflit cherchait un lieu d’accueil. Comme elle sait que je vis seule dans une grande maison, elle m’a demandé directement. J’ai longtemps vécu en colocation lorsque j’étais plus jeune, ça m’a donc semblé naturel de faire profiter d’autres personnes de tout mon espace.
Caroline Wathy
Chez Caroline, Maryna et Olena sont hébergées gratuitement, mais elles tiennent depuis quelques mois à participer aux charges de la maison. Ne parlant pas assez bien français, elles ont du mal à trouver du travail. "Nous n’avons pas vraiment de chez nous, pas de travail, explique Maryna qui travaillait dans la comptabilité avant la guerre. C’est comme si on recommençait tout à zéro. C’est difficile d’accepter que maintenant nous sommes des réfugiées."
Comment faire ses démarches administratives quand on ne parle pas français
Pour Inna aussi, la barrière de la langue peut être un problème. Originaire de Kiev, elle est venue s'installer dans une famille d'accueil à Montargis, avant d'obtenir un logement social à Nogent-le-Rotrou. Elle y est accompagnée par Iryna Bielashko, membre de l'Association des Ukrainiens et des amis de l'Ukraine en Centre-Val de Loire. Grâce à l'asso, elle a pu trouver un travail dans un supermarché.
"J'apprécie beaucoup l'accueil des Français, mais le plus difficile, c'est la langue, je n'arrive pas encore à l'apprendre", confesse-t-elle. Compliqué, parfois, de comprendre ce que ses supérieurs attendent d'elle. "Ils me prennent par la main et me montrent ce que je dois faire, ils sont très patients", témoigne-t-elle en ukrainien, traduit par Iryna Bielashko. Elle explique appeler régulièrement l'association pour l'aider dans ses démarches administratives. "Heureusement, les Français me donnent le temps de mieux m'intégrer. J'ai beaucoup de sentiments à leur partager, mais je ne peux pas encore", exprime-t-elle, reconnaissante.
Inna est venue en France avec Arsenii, son fils de 16 ans, qui a intégré le collège du coin. Une expérience que le jeune homme assurer apprécier, et notamment les efforts de ses professeurs "pour bien tout m'expliquer malgré mon niveau en français encore insuffisant". Il a même pu se faire des amis.
"Mon cœur est en Ukraine"
Maryna et Olena ont, elles aussi, noué des liens en France. Notamment avec Caroline, qui les héberge, et leur fait découvrir la culture du pays. "On en a appris beaucoup sur la façon de vivre des Français, loin des clichés qu'il peut y avoir dans les films", raconte Olena Mishenko. Échange de culture dans les deux sens, puisque les deux femmes sont venues en France avec leurs souvenirs, et quelques spécialités gastronomiques. Comme de petits biscuits à base de graine de tournesol. "C'est pas mal ! C'est, je pense, très énergétique", réagit la Chartraine. À Nogent-le-Rotrou, Arsenii explique, de son côté, avoir été "impressionné par l'architecture française".
Malgré tout, toutes et tous ne rêvent que de retourner en Ukraine. "Mes proches me manquent, je voudrais les embrasser, voir mes grands-parents, ma soeur, mon père", détaille Vita, jeune fille de 12 ans, arrivée elle-aussi à Nogent-le-Rotrou avec sa mère Oksana. "On nous a accueillies avec le cœur ici, mais mon cœur est en Ukraine", affirme cette dernière. Même sentiment pour Inna, dont la sœur est restée au pays. Mais face à la perspective d'un conflit qui s'éternise, "je vais tout faire pour m'intégrer mieux en France".
Il y a, en ce mois de février, environ 670 Ukrainiens ayant trouvé refuge en Eure-et-Loir. Certains, venus après le début de la guerre, sont depuis repartis en Ukraine.