Emmanuel Macron était ce jeudi à Bourges dans le Cher où il a visité plusieurs sites d'industrie d'armement afin d'illustrer l'effort de la France pour "produire davantage et plus rapidement dans un contexte d'économie de guerre". Avec la guerre en Ukraine, la France fixe ses priorités stratégiques de défense.
Exécutif et états-majors s'affairent pour élaborer la prochaine loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, qui promet de poursuivre l'effort budgétaire en matière de défense sur fond de guerre en Ukraine, dûment intégrée dans une nouvelle revue stratégique servant de socle à la réflexion.
Cette revue stratégique (RNS), soumise cette semaine aux parlementaires et dont l'AFP a pu consulter les grandes lignes, sera présentée le 9 novembre à Toulon par le président Emmanuel Macron avant la publication de la LPM d'ici début 2023.
Compétition stratégique exacerbée entre puissances, besoin d'un modèle d'armée complet : la RNS confirme les tendances lourdes déjà identifiées dans la précédente revue stratégique, publiée en 2017 et actualisée en 2021, tout en insistant sur certains concepts comme la résilience, l'économie de guerre ou l'influence, à la lumière des premiers enseignements du conflit en Ukraine.
"La dégradation de l'ordre international s'est encore accélérée", constate la RNS, en notant qu'en Europe, la Russie déroule une "stratégie de remise en cause de l'ordre de sécurité euro-atlantique" via une "guerre de nouvelle génération" mêlant "menace d'escalade nucléaire" et "déploiement de stratégies hybrides", sous le seuil du conflit armé.
La dissuasion nucléaire, "clé de voûte" de la défense française
La revue stratégique propose dix objectifs majeurs, au premier rang desquels figure la dissuasion nucléaire, qui demeure la "clé de voûte" de la défense française. La modernisation de la dissuasion mobilisera 5,6 milliards d'euros de crédits de paiement en 2023.
Parmi les objectifs identifiés figure également le développement d'une "économie de guerre", alors que l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février a mis en lumière des faiblesses dans le dispositif militaire français.
Le chef de l'État, en visite ce jeudi dans le Cher sur plusieurs sites de production d'armement, a demandé aux industriels de défense de s'efforcer de produire davantage et plus rapidement, à des coûts maîtrisés, pour faire face à la nouvelle donne géopolitique mondiale.
La France prévoit par ailleurs de consacrer deux milliards d'euros à la commande de munitions en 2023 pour ses forces armées, soit un tiers de plus que l'année passée, pour pallier la faiblesse de ses stocks.
Mieux anticiper les combats de demain
Autres objectifs inscrits dans la RNS : avoir "la capacité à se défendre et agir dans les champs hybrides" pour "gagner la bataille de l'influence" économique, technologique ou informationnelle, ou encore déployer des efforts accrus de renseignement pour "élever le niveau de connaissance, de compréhension des compétiteurs ou adversaires, et d'anticipations de leurs intentions".
Le renseignement français ne croyait pas au scénario d'une invasion russe de l'Ukraine. Il n'avait pas non plus anticipé le coup d'État d'août 2020 au Mali, par une junte qui a fini par s'allier à la Russie, poussant in fine les militaires français à quitter le pays.
La RNS réitère enfin l'engagement de la France dans les missions de l'Alliance atlantique, en complément du "développement de l'autonomie stratégique de l'Union européenne", un des grands chevaux de bataille du président Macron.
Le document propose d'articuler l'action de la France en cinq cercles :
- protection du territoire national,
- défense de l'Europe y compris dans un conflit de haute intensité,
- Afrique subsaharienne et golfe arabo-persique,
- Indo-Pacifique
- espaces communs (cyber, spatial, fonds marins et espaces maritimes)".
Cette réflexion stratégique doit guider les arbitrages budgétaires contenus dans la future loi de programmation militaire 2024-2030.
"La question n'est pas de savoir ce dont les armées ont besoin mais ce qu'il faut avoir dans ce qu'on sait du combat de demain"
le ministre des Armées, Sébastien Lecornu
Quelles que soient les orientations choisies, le budget défense promet de rester en hausse ces prochaines années. "On ne prépare pas une LPM qui rabote la montée budgétaire des dernières années", commente M. Lecornu.
L'Assemblée nationale doit examiner ce jeudi les crédits défense 2023, en augmentation de trois milliards d'euros pour atteindre 43,9 milliards au total. Un enveloppe en hausse de 7,4% par rapport à 2022 et de 36% depuis 2017, après des années de déflation.
Alors que la guerre fait rage depuis huit mois aux portes de l'Europe, l'exécutif espère parvenir à dégager un consensus autour du budget consacré aux armées françaises, malgré une majorité relative à l'Assemblée. Mais "le coût de la dissuasion nucléaire ou encore les coopérations européennes pourraient susciter des débats" au sein de l'opposition, anticipe le ministère.
Le poids de l'industrie de l'armement dans le Berry
Dans ce contexte, Emmanuel Macron était ce jeudi dans le Cher. Un territoire pas choisi au hasard. Le Berry compte sur son territoire plusieurs fleurons de l'industrie de l'armement. Le Président de la République était accompagné du ministre des Armées Sébastien Lecornu, et de la secrétaire d'Etat à la Jeunesse Sarah El Hairy. Ils se sont rendus à l'Ecole militaire préparatoire technique de Bourges, où il a échangé avec des élèves.
Cet établissement, qui a ouvert ses portes au début de l'année, vise à "répondre à un besoin croissant de sous-officiers dans les métiers techniques", selon l'Elysée. Dans l'après-midi, le Président est allé dans un centre d'essai de la Direction générale de l'armement (DGA) où il inaugurera le pas de tir rénové des canons Caesar. Ces canons sont la pièce maîtresse de l'artillerie française. 18 ont été envoyés en Ukraine et six autres pourraient l'être prochainement.
Le chef de l'Etat est ensuite parti sur le site de Nexter Arrowtech, où sont notamment produits les obus de 155 mm pour les canons Caesar.
Enfin il a visité l'usine MBDA Subdray qui est en charge de l'ingénierie et des tests des moyens de propulsion des missiles.
Face aux industriels, le chef de l'Etat a rappelé "l'objectif de produire suffisamment, plus rapidement et à des prix maîtrisés", sur fond de guerre en Ukraine.
La France va ainsi consacrer deux milliards d'euros à la commande de munitions en 2023 pour ses forces armées, soit un tiers de plus que l'année passée. Cela comprend par exemple 10.000 obus de 155 mm pour les canons Caesar, ou encore plus de 50 millions de munitions de petit calibre.
Source AFP.