20 ans du SPIP : à Saint-Maur, la culture " brise des préjugés de part et d'autre"

A l'occasion des 20 ans du SPIP, service qui assure le lien dedans-dehors dans les prisons, un coordinateur culturel de Saint-Maur nous raconte son métier. 

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"La culture, c'est plus que fondamental, c'est ce qui fait le lien entre nous. C'est ce qui fait qu'on construit une société, qu'on vit ensemble. Et ça c'est valable partout, et aussi dans les murs" raconte Jean-Marc Le Bruman. Depuis 2011, il est coordinateur culturel pour le Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation (SPIP) de la maison centrale de Saint-Maur, dans l'Indre.

Le grand public connaît peu le rôle de ce service, pourtant essentiel, qui assure le lien dedans-dehors, et prépare les détenus à leur retour dans la société. Cela fait aujourd'hui 20 ans que les travailleurs du SPIP accompagnent le parcours de ceux qui, pendant 1, 10 ou 30 ans, vivent entre quatre murs. 
  

Dans la bulle


Rien ne destinait Jean-Marc Le Bruman, artiste peinte de métier, à en faire partie. "En 2009, je fais un atelier peinture pour le SPIP à la maison central de Saint-Maur, en tant qu'artiste, se souvient-il. Je rencontre un des détenus qui participent à l'atelier, Thierry. Il était curieux, il avait envie d'apprendre des choses. Il y a eu cet intérêt du peintre au peintre."

Avec ce détenu, qui plus tard repeindra les murs du couloir central de paysages et de scènes bucoliques, il travaille deux ans pour organiser une exposition avec le fondateur de l'art modeste, Hervé Di Rosa.
 

Il finira par remplacer l'ancien coordinateur culturel, sur le départ. Il entre dans les murs. "Saint-Maur est une sorte de micro-société. Je le vis comme un voyage dans un monde qui existe à l'intérieur d'un autre, dans une bulle. Les êtres humains qui sont amenés à y vivre ou à y travailler réinventent un rapport au temps et à l'espace, qui peut produire des objets de culture" décrit le peintre. 
 

"Nous, après, on ira boire une bière"


Offrir de la culture en milieu carcéral n'est pourtant pas si rose qu'on ne se l'imagine. A Saint-Maur, toute une génération de détenus est sur le départ, "des hommes d'un certain âge, qui avaient des pré-requis pour pouvoir accéder à la culture et à l'expression". Eux, ils ont expliqué à Jean-Marc Le Bruman l'autre versant de ces ateliers de peinture, de musique, ou de tatouage. 
 
"Tu fais un atelier de musique, avec un intervenant super chouette, où tu t'abandonnes, tu t'évades toute la journée... Et ensuite, à 18h, tu retournes dans ta cellule et la porte se ferme. Il y a un choc. Pour pouvoir vivre ça, il faut quand même être solide. Nous, après, on ira boire une bière, pas eux" compatit le coordinateur culturel. Ainsi, certains ateliers se vident à mesure que les jours passent.

Pourtant, dans la région, de plus en plus d'institutions comme la métropole de Châteauroux, ou l'Ecole nationale supérieure d'arts de Bourges, s'associent à la maison centrale pour des projets culturels. "Au sens noble du terme, il y a un enjeu politique, je dirais. Qu'est-ce que ça implique pour ces partenaires de s'intéresser au milieu carcéral ? Je pense que c'est important.Ça concerne moins de personnes, mais ce que ça représente est plus fort." 


Autrui, pièce maîtresse d'un univers



A la fin, le lien plie, mais ne se rompt pas. Car l'essentiel, c'est d'amener l'altérité, la différence, un vivifiant "autrui" dans ce monde en vase clos. Des exemples, Jean-Marc Le Bruman en a tant qu'il a peiné à en isoler un. "Un musicien qui vit du chapeau dans les bars, avec sa caisse pourrie, il parle avec des gars qui se faisaient 10 000 euros par jour, qui parlent que de Mercedes, piscine, cocaïne. Quand le mec raconte sa vie, au début, ils sont là : "Wow ! De quoi tu nous parles ?" Mais le mec, il vit librement sa passion. C'est la rencontre avec l'altérité. Et ça, c'est ce qui est enrichissant, qu'ils sachent reconnaître et saisir ça. Au début, on se moque un peu, et finalement, on trouve ce mec super. On brise des préjugés de part et d'autre." 
 

Car parfois, ce sont les intervenants qui tombent des nues. Le coordinateur se souvient d'un retour d'atelier vidéo, où des détenus avaient interviewé et filmé des artistes contemporains, "purs et durs". Un échange de deux heures. "On quitte la prison avec les artistes, et, sur le parking, il y en a qui me dit : "mais euh, attends, les personnes qui nous ont interviewé, c'était des détenus ?" rit Jean-Marc. "Et là, paf, ils ont traversé le truc sans s'en rendre compte, sans s'accrocher à des préjugés ou des peurs. Quand on vit ça, on se dit, c'est bon, c'est gagné. Le côté humain à humain."
 
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