Le propriétaire de l’étang du Gabriau, dans l'Indre, devrait prochainement être obligé de supprimer huit de ses bassins construits sans autorisation. Mis en demeure par la préfecture de l'Indre, il est également contraint de remettre le site en état.
La préfecture aura préféré l'environnement plutôt que la pisciculture. Le propriétaire de l'étang du Gabriau, site protégé au cœur de la Brenne, dans l'Indre, va devoir supprimer huit bassins piscicoles construit en bordure du plan d'eau. C'est au titre de la Loi Paysage du 8 janvier 1993 que cet arrêté a été pris le 30 décembre dernier.
Le propriétaire de l’étang du Gabriau aurait dû demander l'autorisation de l'Architecte des Bâtiments de France, laquelle n’aurait pas manqué d’être refusée, ajoute la Direction Départementale du Territoire (DDT).
Des bassins pour l'élevage des poissons
La saison de pêche d’étang ne se fait normalement que tous les trois ans, à l'automne et au début de l'hiver. Mais le propriétaire de l'étang, qui en a fait l'acquisition en 2020, souhaitait intensifier son activité de pisciculture, selon les informations de nos confrères de la Nouvelle République. Dès avril 2020, la DDT l'avait sommé de donner des précisions sur la nature des travaux envisagés, mais il n'avait pas répondu.
La construction de bassins lui permettant de commercialiser plus de poissons, même en période d'été, il a préféré faire lui-même la carpe et laisser les recommandés à la poste plutôt qu’y répondre. Résultat : aujourd’hui, la roselière de l’étang a laissé la place au béton.
Pour Jacques Lucbert, président de l'association Indre Nature, "C'est un peu fort de café de voir ces travaux réalisés sans autorisation". L'association avait signalé "oralement" la bétonisation de l'étang, et avait appris, "en juillet 2022, qu'un rapport de manquement administratif avait été établi".
"L'administration a fait son travail, c'est une bonne chose, même si elle a attendu deux ans, et qu'entretemps les bassins ont été construits", déplore Jacques Lucbert.
Tout le monde constate que la Brenne se dégrade, mais comme nous sommes dans un système où seul le développement économique compte, je crains que cela continue
Jacques Lucbert, président d'Indre Nature
Un "désert biologique"
Photographe naturaliste, Nicolas Van Ingen parcourt le territoire aux mille étangs depuis soixante ans. Parmi les nénuphars, les roseaux, les salicaires, il guette les guifettes moustacs ou les souchets et les immortalise. Il se réjouit de la décision préfectorale. "Voir un étang sauvage devient de plus en plus rare. Le propriétaire a détruit l'environnement, c’est un désert biologique", regrette le naturaliste.
Je me souviens, dans les années 80, 90, on voyait des grèbes à cou noirs, des canards milouins, des poussins au bord de la route. Les gens s'arrêtaient pour les prendre en photos. On les voyait à 5-6 mètres.
Nicolas Van Ingen, photographe naturaliste
En 2019, les naturalistes fréquentant la Brenne ont rassemblé leurs informations et ont abouti à un constat effarant : sur 4000 étangs, "seuls vingt ont une eau d'une qualité écologique semblable à celle d'il y a un siècle".
Vers une bataille juridique longue
Comme le propriétaire de cet étang, beaucoup construisent des bassins sur des sites privés, mais protégés. Selon ces exploitants de piscicultures, ceux-ci servent à "mettre à l’abri" les jeunes carpes en les protégeant des cormorans. Jointe par France 3, la fédération des pisciculteurs ne souhaite pas s'exprimer sur ce sujet.
Quant au propriétaire de l'étang, il a trois mois pour tenter un recours. Ensuite, le tribunal administratif sera saisi. Jacques Lucbert, pour sa part, regrette que la prévention soit trop faible : " on intervient trop tard. Il sera impossible de remettre le site en état." Selon lui, "les constructions de bassins pour les poissons n’étaient pas prévues dans le cadre de Natura 2000, aussi la bataille juridique sera-t-elle longue".