Voté en 2016, le Brexit aurait dû avoir lieu vendredi 29 mars, dans le cadre d'un accord. Après le nouveau rejet de la solution proposé par Theresa May au Parlement, le spectre d'un Brexit "dur" plane sur les Britanniques installés en France. Mais l'espoir est permis.
"Soulagement", "espoir", "déception", il y a autant d'avis sur le nouvel échec d'un accord sur le Brexit que de Britanniques. Ceux d'entre eux qui résident en France, ou prévoient de s'y installer, sont partagés entre le désarroi et l'espoir de voir Londres revenir sur la procédure de retrait de l'Union européenne.
Deux ans après le référendum qui a vu le "Leave" l'emporter avec 51,89% des votes, la question continue de diviser Outre-Manche. Le 29 mars, les députés britanniques ont refusé le nouvel accord proposé par la Première ministre, Theresa May.
Un refus qui aurait pu signifier une sortie "sèche" et sans accord de l'Union européenne pour Londres, si le conseil européen n'avait pas rallongé jusqu'au 12 avril le délai accordé au Parlement britannique pour proposer un nouvel accord.
"On nous a laissé tomber"
Pour les Britanniques résidant en France, ce nouveau camouflet ne surprend guère. "Ce gouvernement ne fonctionne plus", déplore Richard Clarke, qui habite depuis 16 ans à Saint-Benoît-du-Sault, dans l'Indre. Cet ancien militaire, qui perçoit une retraite et paie encore des taxes au Royaume-Uni, en plus de celles qu'il paie en France, ne cache pas sa frustration.Privé du droit de vote après avoir passé 15 ans hors des frontières britanniques, il a vu sa pension de retraite diminuer de "20 à 25%" depuis le référendum à cause des fluctuations monétaires et craint de voir disparaître sa couverture santé.
"Nous n'avons plus de représentant, plus de droit de vote, mais nous continuons à payer des taxes dans les deux pays !", fulmine-t-il. "On a le sentiment qu'on nous a laissé tomber", lâche son épouse, Christine. Désavoués par leur gouvernement, les Britanniques de l'étranger se voient comme "des pions" dans la partie qui se joue à Londres.
Un second référendum ?
D'autres sont plus partagés. Nigel Adcock réside encore au Royaume-Uni mais passe trois mois par an à Lignac avec Cheryl Agg, sa compagne. Tous deux voient une lueur "d'espoir" dans l'échec du gouvernement.Katie Bucktrout, une autre résidente du département, parfaitement intégrée, parle même de "soulagement", et espère voir émerger un consensus. "On devrait trouver une solution qui contente plus ou moins tout le monde, mais ce gouvernement est incapable de faire des compromis", déplore-t-elle.
"L'enjeu est énorme" reconnaît Nigel, pour qui le souvenir des années Thatcher et des privatisations brutales est encore très vif. Il croit quant à lui à l'organisation d'un deuxième référendum, maintenant que la situation semble sans issue.
Ce deuxième vote, ils sont d'ailleurs nombreux à y croire, et à penser que le référendum de 2016 a été manipulé. Un trucage dans lequel certains, dont Nigel, voient la main de Cambridge Analytica, l'entreprise d'exploitation de données à laquelle Donald Trump a fait appel lors de son élection aux États-Unis. Depuis 2016, la parole populiste, voire ouvertement raciste, s'est libérée au Royaume-Uni.
Six millions de signatures contre le Brexit
Une pétition en ligne pour l'abandon du Brexit a déjà reçu 6 millions de signatures depuis son lancement le 20 mars. Un chiffre qui va obliger le Parlement à discuter la question lundi 1er avril. Cependant, le gouvernement a d'ores et déjà annoncé qu'il était lié par le vote de 2016.Quant à Theresa May, même si elle ne leur inspire guère de sympathie, ils ne la voient pas comme le coeur du problème. "Il ne faut pas seulement changer le chanteur, il faut aussi changer de chanson", lâche Cheryl.
Rester Européens ou devenir Français
Et si le pire devait arriver, tous sont prêts à tenter d'acquérir la nationalité française, malgré les conditions très strictes imposées par la loi. "Si on me donnait l'opportunité de devenir Français en cas de Brexit, je sauterai sur l'occasion !" affirme Nigel Adcock, résumant l'ambiance générale.Ironiquement, Theresa May était allée jusqu'à offrir sa démission si ce troisième vote allait dans son sens vendredi dernier. Deux ans après le début de la procédure, le gouvernement britannique doit donc faire face à une nouvelle crise politique, et risque un Brexit "dur" qui pourrait se révéler très dangereux pour son économie. Prochaine échéance le 12 avril.