Makeen Energy, entreprise spécialisée dans le gaz, située à Buzançais dans l’Indre, serait sur le point d’être mis en liquidation judiciaire. Une nouvelle qui a surpris tout le monde, car l’entreprise a des carnets de commande encore bien remplis. 84 emplois sont en sursis.
C’était l’une des craintes, après la crise du Covid-19, que des entreprises fassent défaut. Mais là, c’est la stupéfaction. Car Makeen Energy, anciennement Siraga, est un des piliers de l’économie de la petite ville de Buzançais, dans l’Indre. Son maire, Régis Blanchet, joint par téléphone ce mercredi 10 juin, ne cache pas sa surprise : "Pour nous, c’est un coup de massue. C’est incompréhensible. J’avais en plus contacté l’entreprise pour prendre des nouvelles pendant le Covid. Ils m’avaient dit être débordés par le travail. "
Un savoir faire qui risque de disparaître
Makeen Energy, spécialisée dans le remplissage de bouteilles de gaz, est leader dans ce domaine. Elle travaille à 95 % à l’international. L’entreprise a été cédée en 2015 à des fonds saoudiens qui l’ont eux-mêmes rétrocédés à Kosan-Crisplant, l’autre co-leader du secteur, une société danoise. Malgré ces changements successifs dans le capital de l’entreprise, le regroupement avec les Scandinaves ouvrait des perspectives de développement intéressantes et les salariés restaient confiants.
Depuis 5 ans, les danois sont aux manettes
Suite à leur acquisition, les nouveaux dirigeants danois ont mené une restructuration de l’entreprise. Un processus qui semblait normal au début, même s’il y a eu un vrai transfert des compétences locales : "Ils ont organisé la vente de tous nos brevets aux Danois, par l’entremise d’une TUP : une transmission universelle du patrimoine. C'est-à-dire que nos connaissances, nos carnets de commandes ont été transférés dans une autre entreprise, Makeen Energy France, dont le siège est à Saint-Rémy-de-Provence. " Malgré cette perte d’autonomie, les danois semblaient miser sur le site de Buzançais.
"Quand on a été racheté par les danois, ils nous ont dit : "Ne vous inquiétez pas, on ne laissera personne sur le carreau", et voilà où on en est aujourd’hui." Stéphane Robin - représentant FO
Aucun signe avant-coureur de cette liquidation
Ces dernières années, l’entreprise développe Buzançais et étoffe le secteur recherche et développement. Et même pendant la crise du Covid, délicate pour beaucoup d’entreprises, les salariés de Buzançais n’ont pas eu de réduction du temps de travail, ni de chômage partiel ; même si certains sont restés chez eux, en télétravail. "Pendant le Covid, on a travaillé normalement car on avait un carnet de commandes qui permettait une charge suffisante dans l’entreprise. L’exercice comptable, que l’on nous ressort aujourd’hui, date d’avant la pandémie et n’en est pas une conséquence", confie Stéphane Robin, représentant syndical Force Ouvrière.
Et cet exercice comptable interroge en effet. Y-a-t-il eu des erreurs de gestion ? En tous cas, beaucoup se demandent comment une entreprise "saine" et au carnet de commandes rempli, peut se retrouver, en moins de deux ans, avec 3,5 millions d'euros de déficit. Une chose est sûre, si cette entreprise est liquidée, il y aura 84 salariés sur le carreau, sans compter l’impact sur de nombreuses entreprises de la région qui travaillent en sous-traitance.
L'entreprise avait le projet de déménager sur la commune
Rien ne laissait présager un tel virage, d’autant plus que les dirigeants danois étaient en discussion avancée avec le maire, car ils souhaitaient relocaliser l’entreprise dans des locaux plus adaptés sur la zone d’activité de Buzançais : "Nous étions en contact depuis un an. La direction danoise voulait construire un bâtiment plus fonctionnel. La communauté de communes avait même acheté des terrains pour leur revendre, en prévision de ce déménagement et, d’un seul coup, tout bascule. J’avoue que je ne m’attendais pas du tout à ça", explique Régis Blanchet, maire de Buzançais.
Pour l’instant, le projet de liquidation a juste été exposé au représentant du CSE (réunissant les représentants élus du personnel). Le dossier lui-même n’a pas encore été déposé au Tribunal de commerce de Châteauroux. Mais avec les derniers décrets Macron, déposés en mai pour "faciliter" la gestion des entreprises après la crise du Covid, les salariés craignent le pire. Les choses pourraient aller très vite. "Le problème avec les décrets Macron, c’est que tout peut être plié en 1dix jours. On espère que le Tribunal nous mettra en redressement judicaire", souhaite Stéphane Robin, représentant syndical FO
Les salariés sont abattus, abasourdis par cette nouvelle. Surtout que beaucoup d’entre eux ont fait l’essentiel de leur carrière dans cette entreprise, au départ familiale. " L’âge moyen dans l’entreprise est de 46 ans et la plupart ont vingt-cinq ans de boîte", souhaite Stéphane Robin, FO